Nigéria
Le président nigérian Muhammadu Buhari a inauguré lundi à Lagos la méga-raffinerie du milliardaire Aliko Dangote qui ambitionne de répondre entièrement aux besoins en carburant du pays le plus peuplé d'Afrique et même d'en exporter sur le continent.
Le Nigeria (215 millions d'habitants) est l'un des plus gros producteurs de pétrole en Afrique, mais il importe pourtant la quasi-totalité de son carburant en raison de la défaillance de ses raffineries d'Etat. Et les pénuries de carburant empoisonnent le quotidien de ses habitants.
Lancé en 2013, le projet industriel de plus de 18,5 milliards de dollars (le double du coût initial) est "la plus grande raffinerie à train unique du monde", selon le groupe Dangote, et devrait, à plein régime, avoir la plus grande capacité de raffinage de brut sur le continent africain.
"Ce complexe a la capacité de traiter 650.000 barils de brut par jour, ce qui permettra à notre pays d'atteindre l'autosuffisance en matière de produits raffinés, et même d'avoir des réserves pour l'exportation", a déclaré lundi le président Muhammadu Buhari depuis le site qui s'étend sur 2.635 hectares de terrain dans la zone franche de Lekki.
"Il s'agit d'une étape importante pour notre économie et d'un changement de donne pour le secteur pétrolier, non seulement au Nigeria, mais sur l'ensemble du continent", a-t-il ajouté devant plusieurs chefs d'Etat africains, et responsables nigérians.
Les présidents Mohamed Bazoum (Niger), Macky Sall (Sénégal), Nana Akufo-Addo(Ghana) et Faure Gnassingbé (Togo) avaient fait le déplacement pour cette inauguration.
Le nouveau président du Nigeria, Bola Ahmed Tinubu (candidat du parti au pouvoir élu en février), qui doit entrer en fonction lundi prochain, n'était pas présent. Il était représenté par son vice-président Kashim Shettima.
"Notre premier objectif est de nous assurer qu'au cours de cette année, nous serons en mesure de satisfaire pleinement les demandes de notre pays", a déclaré l'homme d'affaires Aliko Dangote lors de l'inauguration.
Des pipelines sous-marins d'une longueur de 1.100 kilomètres ont été installés pour relier le delta du Niger, riche en pétrole, au complexe industriel, qui outre la raffinerie, dispose également d'usines pétrochimiques et d'engrais.
Exporter en Afrique
Le site industriel a été construit à côté du nouveau port en eau profonde de Lekki, inauguré en 2022, qui doit permettre de désengorger le port de Lagos, mais aussi d'exporter une partie du pétrole raffiné de Dangote vers d'autres pays africains.
Selon M. Dangote, à terme, "au moins 40% de la capacité de la raffinerie sera disponible pour l'exportation, ce qui devrait entraîner pour le pays d'importantes entrées de devises".
Lors de son discours, il a assuré que les premiers produits pétroliers devraient être mis sur le marché nigérian "avant la fin du mois de juillet, début août de cette année".
Mais alors que la mise en service de la raffinerie a été maintes fois reportées depuis 2021, les analystes doutent de la date avancée.
"Il est peu probable que les premiers produits soient disponibles en août, ce sera probablement à la fin de l'année", affirme Tunde Leye, du groupe d'analyse nigérian SBM intelligence.
"On s'attend à ce que la raffinerie tourne à plein régime à la fin de l'année 2024 seulement", ajoute-t-il, précisant que l'inauguration de la raffinerie avait fort probablement été avancée pour des raisons politiques.
Elle intervient en effet une semaine avant le départ du pouvoir du président Buhari, qui se retire après deux mandats marqués par une grave détérioration de la situation économique (inflation à deux chiffres, pénurie de carburants, de devises, pauvreté rampante etc.).
Selon l'analyste, la méga-raffinerie de Dangote devrait permettre au Nigeria d'en finir avec les fréquentes pénuries de carburant, mais également augmenter la qualité du carburant en circulation.
Il doute cependant qu'elle permette de baisser dans l'immédiat le prix du carburant au Nigeria "car M. Dangote a été contraint d'emprunter massivement".
"Il devra rembourser ces prêts rapidement, alors il vendra le pétrole au prix du marché", dit-il.
D'autres, comme Amaka Anku du Eurasia Group, pensent que la nouvelle raffinerie peut représenter une "opportunité pour le gouvernement de réussir à supprimer les subventions sur le carburant".
Car jusqu'à présent, le Nigeria échange son pétrole brut estimé à des milliards de dollars contre du carburant importé, qu'il subventionne par la suite pour garder un prix artificiellement bas sur le marché, un gouffre financier.
Selon les analystes, ce système encourage la corruption et empêche l'Etat d'investir massivement dans des secteurs clés, comme la santé ou l'éducation, alors que près de la moitié des Nigérians vivent dans une extrême pauvreté.
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