Kenya
Le président érythréen Issaias Afeworki a rejeté jeudi les accusations de violations des droits de l'Homme par son armée dans la région éthiopienne du Tigré, les qualifiant de "chimère" et de "désinformation".
"Il y a une chimère dans les esprits de ceux qui participent à (...) ce que j'appelle une entreprise de fabrication de la désinformation", a-t-il déclaré à des journalistes lors d'une conférence de presse à Nairobi avec son homologue kényan William Ruto, sans répondre davantage aux questions sur la présence militaire érythréenne au Tigré voisin.
Les troupes érythréennes ont soutenu les forces gouvernementales éthiopiennes dans leur offensive lancée en novembre 2020 contre celles des autorités rebelles de la région du Tigré issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), ennemi juré du régime d'Asmara.
Les Etats-Unis et des organisations de défense des droits humains les ont accusées d'avoir commis des atrocités durant le conflit, notamment le massacre de centaines de civils.
Un accord de paix a été signé en novembre 2022 entre le gouvernement éthiopien et les rebelles du Tigré, mais l'Érythrée n'a pas participé aux discussions et ses troupes continuent d'être présentes dans la région, selon des habitants.
L’accord de paix prévoyait notamment le désarmement des forces tigréennes, qui devait se faire "simultanément avec le retrait des forces étrangères", en référence à l’Érythrée, jamais mentionnée dans le document. Les rebelles tigréens ont commencé en janvier à rendre leurs armes lourdes.
"Désinformation"
Les accès au Tigré étant restreints, il est impossible de vérifier de manière indépendante la situation sur le terrain, notamment la présence des forces érythréennes.
"Je n'ai aucune intention de m'ingérer dans cette affaire malgré la campagne de désinformation engagée pour tenter de perturber le processus de paix en Ethiopie et de créer un conflit entre l'Érythrée et l'Éthiopie", a déclaré M. Issaias, 77 ans, éludant toujours la question de la présence de ses troupes en territoire éthiopien.
"Ne prenez pas l'Érythrée comme prétexte pour les problèmes de l'Éthiopie ou du reste de la région. N'essayez pas de nous entraîner là-dedans. C'est une chimère de ceux qui veulent faire dérailler tout processus de paix", a-t-il insisté.
L'accord de paix "est signé, il prendra du temps à être mis en place sur le terrain", a poursuivi le chef de l'Etat érythréen.
Addis Abeba et Asmara ont nié pendant des mois toute implication érythréenne au Tigré. Fin mars 2021, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a finalement admis leur présence. Leur départ a été annoncé à plusieurs reprises, mais jamais vérifié.
Ces troupes ont été accusées de pillages, de massacres et de viols tout au long du conflit, notamment dans la ville d'Aksoum ou le village de Dengolat.
Le bilan précis de ce conflit jalonné d'exactions, qui s'est déroulé largement à huis clos, est inconnu. L'envoyé de l'Union africaine pour la Corne de l'Afrique, Olusegun Obasanjo, a déclaré mi-janvier que jusqu'à 600.000 personnes auraient été tuées.
La guerre a également déplacé plus de deux millions de personnes et plongé des centaines de milliers de personnes dans des conditions proches de la famine, selon l'ONU.
Durant la conférence de presse, les deux dirigeants ont également annoncé le retour de l’Erythrée au sein de l'Autorité intergouvernementale pour le Développement (Igad), groupement de pays de l'est africain qu'Asmara avait quitté en 2007 à la suite de différends avec l’Ethiopie.
L'Igad est notamment chargée de superviser l’accord de paix.
Depuis la signature de l'accord, le courant a été rétabli dans certaines parties du Tigré, ainsi que les liaisons aériennes.
En septembre, des experts avaient dans un rapport destiné au Conseil des droits de l'homme de l'ONU indiqué que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité avaient probablement été commis, de la part de toutes les parties belligérantes, lors de la guerre au Tigré.
Jeudi, l’ONG Human Rights Watch a appelé à des sanctions contre des dirigeants érythréens, accusant les autorités d’enrôler de force des milliers de personnes, dont des mineurs pour le service militaire et de punir les familles de ceux qui s’y soustraient.
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