Burkina Faso
A Ouagadougou, le départ des troupes françaises, acté cette semaine, est accueilli comme un retour à la "souveraineté" dans la lutte contre les groupes jihadistes, une rhétorique qui rappelle les idéaux de l'ancien président et icône panafricaniste Thomas Sankara.
Les soldats français, poussés dehors par le gouvernement du Burkina Faso, doivent quitter le pays avant fin février.
La décision est motivée par "la volonté des autorités de la transition et de l'ensemble des Burkinabè, d'être les acteurs premiers de la reconquête de notre territoire", a justifié lundi le porte-parole du gouvernement, Jean-Emmanuel Ouédraogo.
Un message visiblement entendu dans les rues de la capitale.Depuis plusieurs mois, des responsables de mouvements de la société civile burkinabè se mobilisent contre la présence française au Burkina Faso.
"On a réclamé le départ des soldats français. Maintenant que c'est acté, il ne faut pas céder la place à d'autres impérialistes. C'est à nous de nous assumer pleinement car c'est maintenant que la lutte va commencer au Burkina Faso pour la vraie indépendance", estime Ibrahim Sanou, 28 ans, employé dans un commerce.
"C'est une victoire pour le peuple souverain du Burkina, un peuple libre qui se met debout", abonde Issaka Ouedraogo, un étudiant.
La demande de départ des soldats français était également saluée par les partisans de Thomas Sankara, président révolutionnaire du Burkina entre 1983 et 1987, mort assassiné et qui reste une icône pour beaucoup de jeunes.
"Le Burkina Faso a résolument fait le choix de se remettre sur les rails de l'idéal sankariste", a déclaré un collectif d'organisations soutenant les idées de l'ancien président.
"Aujourd'hui, en fervents partisans de la libération totale de notre pays des jougs de la Françafrique, de l'impérialisme et du capitalisme mortifère, nous marquons d'une pierre blanche notre refus de la gouvernance par procuration", ont-elles ajouté, saluant "le leadership éclairé du capitaine Traoré", président de transition depuis un putsch fin septembre.
"C'est l'une des rares fois depuis Sankara qu'un chef d'État ose s'affirmer et taper du poing sur la table vis-à-vis de l'impérialisme", confirme de son côté Rachid Olivier, un fonctionnaire interrogé par l'AFP.
Le débat Wagner
La question du recours au sulfureux groupe paramilitaire russe Wagner qui opère déjà dans certains pays africains anime toutefois les débats, a fortiori après le rapprochement diplomatique opéré par les autorités de transition avec Moscou ces dernières semaines.
Après un discret voyage dans la capitale russe début décembre, le Premier ministre burkinabè Apollinaire Kyélem de Tambela a appelé au début du mois à renforcer le partenariat entre les deux pays.
Dans les manifestations hostiles à la présence française de ces dernières semaines, il n'était pas rare de voir des drapeaux russes brandis dans les rues de Ouagadougou.
Pour Monique Yeli Kam, l'une des figures de cette mouvance anti-France, "le fait de faire appel à Wagner est aussi une forme de souveraineté".
"Les puissances d'antan ont l'habitude de nous infantiliser en disant qu'on ne sait pas faire de choix. Mais quand on est souverain on ne justifie plus ses choix, on les fait en toute liberté, selon nos intérêts et on assume", poursuit cette ancienne candidate à la présidentielle de 2020.
Mais cet appel à une nouvelle puissance étrangère n'est pas unanimement souhaité à Ouagadougou.
"Il faut être prudent par rapport à Wagner. Cela peut nous créer des problèmes sur le plan diplomatique, avoir beaucoup d'effets négatifs. Le coût financier de Wagner est également important", prévient Aboubacar Sango, enseignant-chercheur à l'université Thomas Sankara, lors d'un débat sur la radio privée Oméga.
"Nous devons être prêt à nous tenir debout pour libérer le pays de ces hordes de terroristes. On n'a même pas besoin de Wagner ou d'autres forces", renchérit Désiré Sanou, un fonctionnaire.
Le Burkina Faso, en particulier dans sa moitié nord, est confronté depuis 2015 aux attaques de groupes liés à Al-Qaïda et à l'organisation Etat islamique (EI). Elles ont fait des milliers de morts et au moins deux millions de déplacés. Les organisations hostiles à la présence française ont de nouveau appelé à manifester samedi à Ouagadougou, cette fois en soutien aux autorités de transition.
"C'est le chemin que Thomas (Sankara) a tracé que le président Traoré suit. La jeunesse apprécie et nous sommes fiers de cela. Si nous ne reculons pas et le soutenons, ensemble on aura la victoire", assure Lassane Sawadogo, l'un des organisateurs.
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