République démocratique du Congo
La polygamie est illégale en République démocratique du Congo. Pourtant, elle est encore pratiquée par 2% de la population. Dans l'église du pasteur Zagabe Chiruza, située dans la ville de Bukavu à l'est du pays, la polygamie est érigée au rang de vérité incontestable.
Dans la province voisine du Sud-Kivu, la vie de Chirhuza Zagabe, 60 ans, pasteur de "l'Eglise primitive du Seigneur", une des multiples églises et sectes religieuses présentes au Congo, est bien réelle.
En 2012, il a épousé trois femmes en même temps dans son église. Il en a ensuite répudié une pour "mauvais comportement", explique-t-il, mais, par le biais d'autres mariages, M. Zagabe a encore quatre épouses. La plus âgée a 48 ans, la plus jeune 26. Trois vivent avec lui sous le même toit à Bukavu, la quatrième à Bujumbura, au Burundi, où étudient certains enfants.
"Je peux encore me marier, l'idéal est d'arriver à sept femmes", selon le pasteur, par ailleurs gérant de l'antenne provinciale d'une entreprise pétrolière.
Culture traditionnelle
Au total, il dit avoir 16 enfants et, tous les dimanches dans les nouveaux locaux encore en chantier de son église, dans un quartier isolé de Bukavu, il explique les origines de la polygamie dont il vante les mérites. Quelques dizaines de fidèles boivent ses paroles, les femmes d'un côté de l'allée centrale, les hommes de l'autre.
Au "commencement" étaient "un mâle et de nombreuses femelles", assure le message de prédication. "Au lieu de vivre dans l'adultère et la débauche", explique le pasteur,"Dieu autorise l'homme à avoir plusieurs femmes".
Interrogé dans sa paroisse de Saint-Claver de Nguba, dans un autre quartier de la ville, le curé catholique Raymond Kongolo rectifie: "La polygamie est une institution humaine qui remonte loin dans notre culture africaine et congolaise traditionnelle", précise-t-il. Mais "ce n'est pas une institution divine".
Ce n'est pas une institution légale non plus, souligne Joseph Yav, avocat et professeur de droit à Lubumbashi (sud-est). La Constitution et le code de la famille sont clairs, déclare-t-il: "le mariage en RDC est monogamique", la polygamie est une infraction. Mais, constate le juriste, "elle est pourtant présente et pratiquée dans les traditions congolaises, nonobstant l'interdiction formelle de la loi". Les exemples ne sont pas rares de Congolais se vantant d'avoir un "2e bureau" connu de tous, y compris de leur "1er bureau".
"Pas possible"
Avec ses deux femmes et ses huit enfants, Kalungu Kalebe, 40 ans, qui a assisté au prêche du pasteur Zagabe, ne s'estime pas hors la loi mais "béni de Dieu". "Je dois emboîter le pas à David, Abraham et Salomon, qui ont épousé plusieurs femmes", dit-il.
"Je suis prête à épouser un homme qui a plusieurs femmes, ça ne me gêne pas du tout", affirme aussi Nathanaëlle, 15 ans, présente dans l'assistance.
Rakel, une des femmes du pasteur, se félicite d'avoir "trois enfants avec lui", tout en considérant la progéniture des autres épouses comme ses propres enfants. Yaëlle affirme elle aussi vivre en harmonie avec ses co-épouses. Mais elle constate que les voisins qui lui rendaient visite lorsqu'elle était la seule femme du foyer ont cessé de venir. "Ils nous ont fuis", constate-t-elle.
"Cette histoire de polygamie est une déviation de notre société, c'est inconcevable !", s'emporte Nicolas Lubala, catholique de 42 ans, accusant l'Eglise primitive, qui existe depuis 1983 et dont le siège est à Kinshasa, de "contribuer à la dépravation des mœurs".
Selon le centre de recherche américain Pew Research Center, environ 2% de la population mondiale vit dans des foyers polygames et c'est en Afrique que la pratique est la plus répandue (11%). En RDC, la proportion serait de 2%.
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