Tanzanie
J-1 pour le président John Magufuli.
Demain les tanzaniens continentaux et de l'archipel semi-autonome de Zanzibar se dirigeront vers les urnes afin de désigner leur président et leurs députés. Ce sera la fin d'une intense campagne électorale, marquée par une mobilisation massive dans l'opposition comme dans le camp présidentiel.
Au pouvoir depuis 2015, John Magufuli, surnommé "le Bulldozer", s'est illustré dans son premier mandat par la répression de l'opposition et la restrictions des libertés. Magufuli vante lui l'extension de l'école gratuite, de l'électrification rurale et des projets d'infrastructure, ou encore la résurrection de la compagnie aérienne nationale.
L'économie a continué de croître, avant la Covid-19, avec un taux impressionnant de 6%, mais les créations d'emplois ont été "peu nombreuses" et la collecte agressive des taxes a affecté le secteur privé et refroidi les investisseurs, souligne Thabit Jacob, un analyste politique tanzanien installé au Danemark. Avec la pandémie de coronavirus, le Fonds Monétaire International prévoit une chute de la croissance à 1,9% en cette année.
"Je vous surprendrai avec encore plus de projets de développement si je gagne. Ce que j'ai fait ces cinq dernières années, c'est juste des cacahuètes", a-t-il promis lors d'un meeting, devant une foule immense. Son parti leChama cha Mapinduzi (CCM) devrait être réélu à l'issue du scrutin.
La Tanzanie en pleine dérive autocratique?
Les sondages ayant été interdits, il est difficile de connaître les tendances précises qui se dégagent du scrutin. Mais certains s'inquiètent d'ores et déjà des incidents qui pourraient entacher le vote.
"A mon grand désarroi, j'ai vu et entendu des rapports selon lesquels des représentants du gouvernement et des forces de sécurité perturbent et freinent la capacité des candidats à faire campagne librement", a écrit la semaine dernière dans un communiqué l'ambassadeur américain Donald Wright.
Ce dernier a également estimé que "la fréquence et la sévérité de ces perturbations" s'étaient accélérées à l'approche du scrutin.
Le président avait suite à son élection pris des mesures populaires, s'invitant dans les bureaux des fonctionnaires pour vérifier leur travail ou bien réduisant drastiquement les voyages officiels.
Mais par la suite, il a interdit les rassemblements politiques tandis que sa tolérance envers ses opposants s'est effondrée. Des lois contre les médias ont été adoptées, des journalistes, activistes et des membres de l'opposition ont été arrêtés. Certains de ces derniers ont été tués.
Mais le retour de l'opposant Tundu Lissu, figure du parti d'opposition Chadema, rentré au pays après trois années d'exil pour soigner ses 16 blessures par balles lors d'une tentative d’assassinat, a revigoré une opposition plombée par les arrestations, les attaques et les interdictions de meeting politiques en dehors des périodes électorales.
Zanzibar tendu à la veille du scrutin
Dernier acte de répression en date dans le pays qui n'en finit plus de glisser vers l'autocratie pour les organisations de défense de droits de l'homme, après un rassemblement du parti d'opposition ACT-Wazalendo, Seif Sharif Hamad le principal candidat du parti sur l'île de Zanzibar a été arrêté, alors qu'il se rendait à un bureau de vote de Garagara, où il avait annoncé son intention de voter dès mardi. Il a été libéré quelques heures plus tard.
Des heurts sur l'île de Pemba, fief de l'opposition sur l'archipel, ont également explosé lundi soir lorsque l'armée a distribué des bulletins de vote. Selon les partisans de l'opposition ceux-ci étaient pré-cochés, ce qui aurait mené à une manifestation de grande ampleur.
Le parti accuse les forces de l'ordre d'avoir ouvert le feu et tué au moins neuf manifestants, à la veille du scrutin tant attendu. Toujours selon le parti d'opposition, plus de cent personnes auraient été arrêtées.
Bien que les tensions électorales soient récurrentes à Zanzibar, la campagne s'est avérée largement sereine cette année sur l'archipel, où 566.000 électeurs seront appelés aux urnes. Les électeurs de Zanzibar, qui est doté de son propre exécutif et de son propre Parlement, élisent mercredi le président et les députés de l'archipel semi-autonome.
En octobre, Zitto Kabwe, leader du populaire parti ACT-Wazalendo, avait apporté son soutien à Tundu Lissu pour la présidence de la Tanzanie continentale, estimant que ce dernier avait "les meilleures chances de battre M. Magufuli".
En retour, le Chadema s'est rangé pour la présidence de l'archipel de Zanzibar derrière Seif Sharif Hamad, un vétéran de l'opposition locale.
Tanganyka et Zanzibar, le retour des fantômes d'hier
En 1964, le Tanganyka, indépendant depuis 1961, et Zanzibar s'unissent à l'indépendance de l'archipel pour former la Tanzanie.
Si Zanzibar bénéficie depuis cette date d'un statut de semi-autonomie, dispose de son propre gouvernement et d’une chambre des représentants, l'archipel est, comme le reste du pays dirigé par le Chama Cha Mapinduzi (CCM), parti unique jusqu'en 1992 et actuellement représenté par le président Magufuli.
Une situation qui agace les membres du parti ACT-Wazalendo sur l'archipel. "Les colonisateurs nous ont assez oppressés, prenez cette élection au sérieux (...) nous sommes prêts à mourir pour Zanzibar", avait déclaré dimanche Seif Sharif Hamad, lors de son ultime meeting de campagne.
Hamad a attribué à la fraude toutes ses défaites électorales depuis le retour du multipartisme et nombre d'observateurs étrangers lui donnent raison.
En 2016, toutes les élections à Zanzibar - dont la présidentielle locale qu'il affirmait avoir remportée - avaient été annulées pour "fraude" par la Commission électorale. Hamad avait alors refusé de participer au nouveau scrutin.
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