Inspire middle east
Cette semaine, l‘équipe d’Inspire Middle East s’intéresse à la jeunesse, à la créativité et à l’innovation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Rebecca McLaughlin-Eastham a rencontré Shamma Bint Sohal al Mazroui, la ministre de la Jeunesse des Émirats Arabes Unis, devenue, à sa nomination, l’une des plus jeunes ministres du monde.
Au milieu des gratte-ciels de la capitale des Émirats, le centre Abu Dhabi Youth se démarque, avec son architecture arrondie. Ce lieu tout juste construit abrite une bibliothèque, une salle de concert, un théâtre ainsi que des salles de réunion. On y trouve également “L’incubateur”, un espace de travail dédié à l’accompagnement des jeunes start-ups et entreprises.
Le centre est ouvert à tous les entrepreneurs, formateurs, étudiants et employés âgés de 15 à 35 ans. Pour la directrice Eman Al Mughairy, l’objectif, réussi, du centre est de favoriser les contacts et l’innovation. Elle nous présente l’une des applications développées dans le centre : “Baaquah, c’est une application qui vous permet de vous connecter facilement à tous les fleuristes d’Abu Dhabi. Vous n’avez plus qu‘à cliquer pour commander, en fonction du type de célébration. Derrière cette idée, il y a la créatrice d’une start-up. Elle est venue voir l’un des étudiants, qui démarrait tout juste sa carrière. Ça a commencé avec une simple conversation, puis c’est devenue une opportunité de travail. Un vidéaste a croisé la routé d’une jeune créatrice de start-up, et ensemble ils ont travaillé pour commercialiser l’entreprise.”
Cette année, l’Arab Youth Survey a interrogé près de 3000 jeunes Arabes dans 15 pays différents, pour savoir comment ils voyaient l’avenir. Sur le plan de l‘éducation, trois jeunes sur quatre sont mécontents de la qualité de l’enseignement dans leur pays et plus de la moitié veulent poursuivre des études supérieures en Occident. Quant à l’emploi, la majorité des personnes interrogées estiment que le gouvernement a le devoir de fournir du travail, des soins de santé, des subventions à l‘énergie et des logements, pour tous les citoyens.
Et pour la huitième année consécutive, les Émirats Arabes Unis se trouvent en tête des endroits où les jeunes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord aimeraient vivre. Juste avant l’ouverture officielle du centre Abu Dhabi Youth, nous avons rencontré la ministre de la Jeunesse des EAU, Shamma Bint Sohal al Mazroui. Diplômée de l’Université d’Oxford et première boursière Rhodes des Émirats arabes unis, elle a travaillé pour l’un fonds souverains d’Abu Dhabi, avant de rejoindre le gouvernement.
“Le futur, ce sont les emplois”
Rebecca McLaughlin-Eastham, Euronews : Madame la ministre, merci d‘être avec nous. Tout d’abord, pouvez-vous nous parler de ce lieu ?
Shamma Bint Sohal al Mazroui, ministre de la Jeunesse : L’un des projets de l’Autorité Fédérale de la Jeunesse, ce sont ces centres de jeunesse, dans les sept Émirats. Ici, nous sommes au centre Abu Dhabi Youth, qui est le premier centre de jeunesse d’Abu Dhabi. Son objectif est de maximiser le potentiel et la passion des jeunes, et de mettre en valeur leur talent, qu’ils soient entrepreneurs ou artistes, grâce aux différents espaces. Il y a par exemple une salle de musique insonorisée, où violonistes et pianistes peuvent jouer.
Vous avez été nommée ministre de la jeunesse à seulement 23 ans. Était-ce un challenge pour vous ?
Je pense que le défi, c‘était de savoir comment nous pouvions transformer le secteur de la jeunesse, qui n’avait pas bougé depuis longtemps. Que pouvons-nous faire pour les jeunes ? Premièrement, il y a l’explosion de la jeunesse – plus de 60 % de la population de la région a moins de 35 ans. Aux EAU, c’est 50 %. Et la question, le principal défi, c’est que notre pays s’est construit ces 50 dernières années sur les ressources naturelles et le pétrole. Et désormais, les 50 prochaines années devront se construire sur une autre ressource naturelle : le capital humain, la jeunesse.
Concernant le dernier sondage sur la jeunesse arabe, avez-vous été surprise par certaines statistiques ?
Je n’ai pas été très surprise, parce que je sens, d’après les résultats, que les jeunes veulent entendre davantage leur gouvernement et qu’il est essentiel qu’un jeune ministre ou qu’une équipe de jeunes dirige le secteur jeunesse. Pour avoir de l’empathie, se mettre à leur place, comprendre leurs besoins et les défis auxquels ils sont confrontés. Parce qu’en fin de compte, notre travail au sein d’un ministère de la Jeunesse consiste à transformer ces défis et ces besoins en possibilités, en politiques qui pourront les rendre plus indépendants, et faire en sorte qu’ils soient les acteurs de l’avenir de leur nation.
Plus de 80 % des interrogés disent qu’ils attendent du gouvernement qu’il leur fournisse un emploi, un logement, et éventuellement une aide pour rembourser leur dette. Ces attentes sont-elles réalistes dans le climat économique actuel ?
Je pense que, lorsqu’on regarde les attentes les plus importantes, quand on regarde l’avenir : le futur, ce sont les emplois. Les jeunes ont vraiment envie d’avoir un objectif. Je pense que les représentants du gouvernement aux Émirats doivent assurer une transition globale et sans heurts aux jeunes. Quand on parle d‘éducation par exemple, est-ce que nous, les jeunes, acquérons les compétences dont nous avons besoin pour entrer sur le marché du travail, ou y a-t-il un fossé ? S’il y a un écart, nous devons travailler ensemble pour le combler.
L‘éducation est un sujet de préoccupation pour les Arabes de l’ensemble de la région, 78 % d’entre eux se disent inquiets par la qualité de l’enseignement. Beaucoup d’*É**miratis choisissent d‘étudier à l‘étranger. Pensez-vous qu’il y a une fuite des cerveaux ? Devez-vous en faire plus pour les retenir ?*
C’est formidable que des Émiratis étudient à l‘étranger, et c’est fantastique aussi que des Émiratis étudient dans nos universités nationales – car nous avons de merveilleuses universités. Et je pense que ce qui est très bien, c’est que nous avons d’excellentes bourses d‘études pour les élèves exceptionnels qui fréquentent les écoles de l’Ivy League. C’est quelque chose dont nous sommes très fiers et que nous souhaitons élargir. Nous voulons voir plus de boursiers de Fullbright, Rhodes ou Shwarzman originaires des Émirats.
Si l’on compare la situation des jeunes des EAU à celle de l’ensemble de la région, les défis sont-ils les mêmes, en particulier lorsqu’il s’agit d’encourager les talents, de renforcer la confiance et de rendre les jeunes autonomes ?
Je pense que l’une des principales différences, c’est que dans cette région du monde, ils ne voient peut-être pas la jeunesse de la même façon que les Émirats arabes unis. Les Émirats considèrent les jeunes comme des atouts, comme un potentiel. Lorsque l’on regarde les différents domaines, le désespoir se manifeste lorsque les jeunes n’ont pas d’emploi – l’apathie se manifeste lorsqu’ils ne sont pas perçus comme des atouts. Les Émirats arabes unis les considèrent comme des actifs et des ressources, et que font les investisseurs avec des actifs qui ont de meilleurs rendements ? Ils investissent en eux.
L’un des derniers défis a été d’encourager les jeunes Émiratis à chercher un emploi dans le secteur privé, et pas seulement dans le public. Y êtes-vous parvenu ?
Il y a beaucoup de ministères et d’autorités qui travaillent sur cette idée, pour encourager les Émiratis à aller vers le privé – et certains vont se lancer dans l’entrepreneuriat, bien sûr. Du côté de l’Autorité fédérale de la jeunesse, nous venons de lancer “The Lauch Pad”, une initiative de Son Altesse Sheikh Mohammad Bin Rashid. L’idée, c’est que les jeunes ont besoin d’un endroit pour se lancer, comme les fusées. Nous avons donc créé des points de lancement dans tout le pays, au Dubaï Mall, au City Walk, au Yas Mall. Tous les jeunes peuvent aller sur le site internet launchpad.youth.gov.ae et s’inscrire. Ils obtiennent alors un espace gratuit pendant 6 mois pour créer leur entreprise. Donc, on supprime le coût du loyer pour les jeunes, et on les aide à se concentrer sur leur produit et le marché qu’ils visent. Ils sont en contact direct avec leurs clients, pour qu’ils voient si leur produit a un sens et s’il peut réussir.
Amal al Mansouri, jeune doubleuse aveugle
Amal al Mansouri est une jeune doubleuse amateure, mais contrairement aux autres, elle doit faire face a un défi de taille : elle est aveugle, et ne peut donc pas lire les scripts des voix qu’elle double, ni voir les visages des personnages qu’elle interprète. À la place, Amal mémorise les sons.
“Au début, je trouvais ça difficile. Mais quand j’ai commencé à répéter, je n’y pensais plus, confie-t-elle. Je me disais “Ok, après ce morceau de musique, le personnage va parler”. Donc, quand j’entends “tchic”, c’est là qu’il faut commencer à parler.”
Originaire d’Al Dhafra, à l’ouest d’Abu Dhabi, Amal a été diagnostiquée d’un glaucome à l‘âge de 5 ans. A 13 ans, elle était complètement aveugle. Les enseignants n’ont alors pas su répondre à ses besoins. Chez elle, Amal a trouvé de nouveaux mentors dans les dessins animés japonais. Elle s’est également fait de nouveaux amis, parmi les fans de manga de la région.
“On la connaît uniquement dans le monde virtuel. On ne l’a jamais rencontrée en vrai, mais c’est comme si on la connaissais depuis longtemps”, raconte par Skype Houda El Mokhtari, l’une des amies d’Amal.
Au téléphone, Amal et ses amis s’amusent à doubler des textes en arabe sur leurs dessins animés préférés et à recréer les partitions musicales. Les amis de la jeune femme jouent depuis longtemps un rôle important dans sa vie. Ils lui ont appris à l’oral les maths et les sciences. Mais plus important : ils lui ont appris à croire en elle.
“Quand j’ai commencé, tout me semblait difficile, se souvient Amal. Mais il y avait toujours quelque chose en moi qui me disait : “tes rêves deviendront réalité”. Si tu crois en tes rêves, quelles que soient les difficultés, tu trouveras des gens pour t’aider.”
Désormais âgée de 31 ans, Amal a doublé plus de 10 films sur Internet, avec ses amis. Elle est plus déterminée que jamais a réaliser son rêve de devenir doubleuse professionnelle. Elle aimerait aussi transmettre sa confiance en elle et son courage à la nouvelle génération, pour les aider à découvrir quels sont leur rêve, même s’ils paraissent encore flous.
En partageant son histoire, Amal espère aussi pouvoir aider d’autres personnes. Comme Saeed, 14 ans, qui n’osait pas partager ses dessins. “Tout le monde a un talent et il faut l’exprimer. Je suis sûre que Saeed est pour l’instant trop timide pour montrer au monde ses dessins. Mais je sais qu’il est créatif, et qu’il y arrivera”, assure Amal.
La jeune doubleuse espère obtenir un rôle de doublage dans la série Iftah ya Simsim, la version arable de 5, rue sésame. Une émission qui lui permettrait de partager ses leçons de vie et ses espoirs, pour montrer qu’avec un peu d’aide, rien ne peut arrêter le talent et la passion.
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