Pays-bas
Les juges de la Cour pénale internationale viennent de rendre public les motifs qui ont conduit à l’acquittement, il y a six mois, de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et son ministre de la Jeunesse Charles Blé Goudé, alors poursuivis pour crimes contre l’humanité dans le cadre de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire de 2010.
L’analyse détaillée des deux juges qui avaient contrarié en janvier la procureure de la Cour Fatou Bensouda, s‘étend sur des centaines de pages, et vient approfondir les points soulevés dans la décision orale. Concrètement, les juges listent un certain nombre points qui ont biaisé, de leur point de vue, le réquisitoire de l’accusation.
Ils soulignent ainsi, d’emblée, une « déconnexion globale » entre le récit du procureur et les preuves présentées durant ce procès, se bordant à une Côte d’Ivoire « polarisée ». « Une des lacunes fondamentales du dossier du Procureur résidait dans la présentation d’un récit déséquilibré des faits, reposant sur une conception unidimensionnelle du rôle de la nationalité, de l’ethnicité, et de la religion (au sens le plus large) en Côte d’Ivoire en général », écrivent les magistrats trinidadien et italien.
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Principal point d’achoppement entre les deux parties, la commission de crimes contre l’humanité par Laurent Gbagbo et Blé Goudé. Pour les deux juges, en effet, auquel s’oppose la troisième juge Herrera Carbuccia, aucun crime contre l’humanité n’a été commis par Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé durant – si tant est vrai que le crime contre l’humanité se définit comme politique visant à attaquer des civils de manière généralisée et systématique.
« Le Procureur n’a pas démontré que les discours prononcés en public par Laurent Gbagbo ou Charles Blé Goudé étaient constitutifs du fait d’ordonner, solliciter ou encourager la commission des crimes allégués, ni que l’un ou l’autre des accusés a contribué en connaissance de cause ou intentionnellement à la commission de tels crimes », arguent-ils.
Les juges font notamment remarquer que le régime de Laurent Gbagbo était en position défensive, dans une situation qu’il ne contrôlait plus vraiment ; pris entre la rébellion des Forces nouvelles prête à s’emparer d’Abidjan, l’armée française et enfin la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire (Onuci) dont l’impartialité peut être mise en doute.
En décembre 2010, soulignent-ils, l’ancien président avait bien interdit la marche sur la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI) qui a fait au moins 87 morts. Présentée par la procureure comme un élément probant de crime contre l’humanité, les deux jugent estiment pour leur part que si des violences ont certes été commises par les soldats, elles ne relèvent pas de crime contre l’humanité. Et ce d’autant qu’aucune preuve ne montre qu’un ordre avait été donné de s’en prendre à la population civile.
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Autre point de désaccord entre les juges, et l’accusation, la répression d’une marche organisée dans la commune d’Abobo fief d’Alassane Ouattara, alors candidat à la présidentielle. Selon les juges, rien ne dit que ce sont effectivement les soldats de l’armée républicaine qui ont tué les manifestants, encore moins s’ils sont responsables des tirs d’obus tirés quinze jours plus tard. Car, affirment-ils, au même moment, sévissait également le Commando invisible – une milice sur laquelle la procureure Bensouda a fait l’impasse durant le procès.
La procureure qui a bénéficié d’un délai supplémentaire jusqu’au 10 octobre peut encore décider si elle fera appel ou non. Pour l’heure, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé libérés le 1er février, se trouvent respectivement en Belgique et à la Haye (Pays-Bas) . Ils demeurent sous conditions de la Cour.
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