Comores
Plus de 300.000 électeurs de l’archipel pauvre des Comores ont commencé à voter dimanche pour une élection présidentielle que l’autoritaire sortant Azali Assoumani n’envisage pas de perdre, nourrissant de forts soupçons de fraude chez ses adversaires.
Dans la capitale Moroni, les électeurs du bureau de vote 135, glissé dans les locaux exigus de la police municipale, ont commencé à voter dès l’ouverture officielle du scrutin à 08h00 locales (05h00 GMT).
“Nous avons besoin d’un changement réel dans ce pays, pas de belles paroles. Il nous faut la paix, la sécurité, l‘émergence”, a déclaré à l’AFP l’un des tout premiers d’entre eux, Mohamed Chaïne, 38 ans.
“J’espère que ma voix sera respectée”, a espéré un autre, Allaoui Elarif, 70 ans. “Je ne crains pas les débordements ni les manifestations ici. C’est après, au niveau de la Ceni (commission électorale), que j’ai peur de la triche”.
Chef de l’Etat de 1999 à 2006, réélu en 2016, M. Azali, 60 ans, est donné largement favori de l‘élection, qu’il se dit persuadé de remporter dès le premier tour au nez et à la barbe des douze candidats qui lui font face.
Portraits géants dans les villes et le long des routes de l’archipel, déplacements en convois officiels, protection militaire, le président-candidat a écrasé la campagne en usant sans vergogne des moyens de l’Etat.
La machine électorale Azali s’est mise en marche l’an dernier, avec l’adoption par référendum d’une réforme constitutionnelle très contestée.
Dérive autoritaire
Ce texte a étendu de un à deux mandats de cinq ans la durée de la présidence attribuée par rotation à un natif de chacune des trois îles de l’archipel (Grande-Comore, Mohéli, Anjouan). Dans la foulée, le chef de l’Etat a remis en jeu son mandat et convoqué les électeurs pour la présidentielle anticipée de dimanche.
Par la grâce du nouveau calendrier électoral, Azali Assoumani pourrait rester, en cas de victoire, au pouvoir jusqu’en 2029.
L’opposition a crié au scandale. Ce système, dit-elle, a remis en cause le fragile équilibre institutionnel instauré en 2001 pour mettre fin aux crises séparatistes et aux coups d’Etat à répétition qui agitaient l’archipel depuis son indépendance en 1975.
Mais rien n’y a fait. Au contraire, le président a fait taire les critiques à grands coups d’arrestations. Son prédécesseur et ennemi juré Ahmed Abdallah Sambi est détenu pour corruption et plusieurs dirigeants de partis condamnés pour tentatives de coup d’Etat.
Incapable de s’unir, prise de cours par l’accélération du calendrier électoral, décimée par la répression, l’opposition aborde le scrutin très affaiblie.
Elle dénonce la dérive autoritaire du régime, sa corruption et son incapacité à réduire la pauvreté extrême des 800.000 habitants d’un pays dont le quart du produit intérieur brut (PIB) est issu des transferts de fonds de la diaspora comorienne, surtout établie en France.
“La population est résolument contre le président Azali, elle veut un changement”, assure le candidat du parti Juwa (“soleil” en comorien), l’avocat Mahamoudou Ahamada. “Son gouvernement et ses acolytes n’ont pas d’autre issue que de voler les élections.”
“On ne va pas lâcher l’affaire, on ira jusqu’au but”, promet une de ses partisanes, Djamila Amerdine, 40 ans.
“Dés pipés”
Un autre prétendant sérieux, le colonel Soilihi Mohamed a mis en garde contre toute tentative de fraude électorale.
“S’il ose tenter quoi que ce soit d’illégal”, dit celui que la population surnomme volontiers “Campagnard” pour ses origines rurales, “ce ne sera plus une révolution dans les urnes, ce sera une révolution populaire”.
Depuis des semaines, les craintes de troubles en cas de passage en force vont bon train dans l’archipel. Notamment dans l‘île d’Anjouan, furieuse que la réforme constitutionnelle ait repoussé son tour d‘élire un président de son cru de 2021 à 2029.
Vendredi, l’ONU a exhorté “toutes les parties (…) à renouveler leur engagement en faveur d’un scrutin transparent et pacifique”.
Le ministre de l’Intérieur Mohamed Daoudou a balayé toutes les critiques d’un revers de main. “Il y aura transparence totale”, assure-t-il, agacé.
Financée par l’Union européenne (UE), la société civile comorienne devait déployer un observateur dans chacun des 731 bureaux de vote du pays, mais M. Daoudou a fait savoir vendredi qu’il ne les y autoriserait pas au motif que certains d’entre eux seraient “partisans”…
“Les dés sont pipés depuis le début, cette dernière décision du pouvoir laisse présager du pire”, prévient, fataliste, le coordinateur de Plateforme citoyenne, Salim Soulaïmane, “le hold-up électoral est en marche”.
Les 731 bureaux de vote du pays doivent fermer à 18h00 locales (15h00 GMT).
AFP
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