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Gambie : la Commission vérité-réconciliation enregistre ses premières auditions

Gambie

Deux ans après le départ mouvementé de Yahya Jammeh, l’ancien homme fort de Banjul, la Commission vérité-réconcialition enregistre ses premières auditions. Cette Commission a la lourde tâche d’enquêter sur les nombreux crimes (avérés ou supposés) commis pendant les 22 ans de règne sans partage de l’ancien dictateur. Explications.

C’est ce lundi qu’ont débuté les premières auditions de la Commission. De son appelation complète, la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC), composée de 11 membres et créée en octobre de l’année dernière, a entendu en ce jour le dénommé Ebrima Chongan, qui n’est autre que son premier témoin et non des moindres ; Chongan, policier de formation, est l’un de ceux qui avaient porté à bout de bras Yahya Jammeh (voir photo) au pouvoir en 1994.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les auditions commencent sur des chapeaux de roue, compte tenu des déclarations fracassantes du témoin Chongan :

“Je connais très bien Yahya Jammeh. Je l’ai formé dans la gendarmerie. Il était un soldat indiscipliné et un comploteur permanent. Il prenait de l’alcool.”, a-t-il lâché tout sec.

Chongan a aussi ajouté avoir été arrêté un peu plus tard après le coup d’Etat de Jammeh et jeté derrière les barreaux dans la banlieue de Banjul la capitale, en compagnie d’un certain Pa Sallah, un autre responsable de la police gambienne. Toujours selon Chongan, l’arrestation, opérée par des soldats, s’est déroulée au QG de la police.

“Nous avons été emmenés à la prison Mile (Two, dans la capitale) où nous avons été confinés à l’isolement.”, a ajouté le témoin, qui s’est attardé un moment sur leur condition de détention.

D’après lui, la cellule où lui et son compagnon d’infortune étaient détenus constituait un refuge de rats et la nourriture qui leur était servie était infecte. Quant à savoir pourquoi un tel sort lui avait été réservé, Chongan répond comme suit : “la junte nous a qualifiés de menace pour la sécurité nationale.”

Evelyne Petrus Barry est la directrice d’Amnesty International pour l’Afrique. Ce lundi, par le canal d’un communiqué, elle s’est prononcée sur le pas que vient de franchir la Gambie avec les premières auditions de la TRCC :

“Le début des auditions de la Commission est un important premier pas vers la garantie de justice, de vérité et de réparations en Gambie et montre un fort engagement du gouvernement de rompre avec un passé fait de systématiques violations des droits humains.”

C’est une loi datant de décembre 2017 qui a octroyé à la TRCC les pouvoirs d’enquête. Une fois ses travaux de deux ans achevés, la Commission aura le droit de recommander des poursuites judiciaires ou d’exiger réparation à l’encontre des accusés.

A la tête de la TRCC, Lamin Sise, un ancien diplomate auprès des Nations unies. Parmi les membre de la Commission, quatre femmes. Adelaide Sosseh en fait partie. Cette dernière est la vice-présidente de la TRCC et représente l’ensemble des communautés ethniques et religieuses du pays.

De nombreuses affaires en suspens

C’est à la faveur d’un coup d’Etat sans effusion de sang que Yahya Jammeh était parvenu au fauteuil suprême en Gambie. Lui qui s‘était emparé de tout l’appareil étatique se faisait élire et réélire à volonté durant ses 22 ans de pouvoir.

Toute chose ayant une fin, le sieur Jammeh a fini par se heurter au mur dressé par Adama Barow lors de la présentielle de 2016, alors candidat de l’opposition.

Ayant accepté au départ sa défaite sur les antennes de la télévision publique, Jammeh obersava ensuite une volte-face qui laissa le monde entier sans voix. Ce refus du dictateur entraîna la Gambie dans une crise diplomatique qui s’est étirée sur six semaines.

Finalement, c’est le 21 janvier 2017 que l’ancien homme fort de Banjul s’est résigné à céder le fauteuil présidentiel, après une menace ferme de la part des forces de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), qui ont fini par fouler le sol gambien.

Yahya Jammeh, qui coule en ce moment des jours heureux dans le cadre de son exil doré en Guinée équatoriale, est accusé par de nombreux défenseurs des droits de l’Homme d’actes systématiques de torture contre des opposants et des journalistes.

L’ancien président gambien est aussi pointé du doigt dans de sordides affaires d’exécutions extra-judiciaires, de détentions arbitraires et de disparitions forcées.

La Commission vérité, réconciliation et réparations a visiblement fort à faire.

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