Somalie
Un ancien réfugié somalien qui a permis d'apporter 100 000 livres aux enfants exilés dans des camps au Kenya a obtenu mardi le prestigieux prix Nansen de l'agence de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
A 36 ans, Abdullahi Mire a ainsi offert, via son organisation, le Refugee Youth Education Hub, une éducation à nombre de ses compatriotes réfugiés dans l'immense complexe de Dadaab, dans l'est du Kenya, où il a vécu enfant.
"Un livre peut changer l'avenir de quelqu'un", a-t-il affirmé lors d'un entretien à l'AFP, assurant vouloir que "chaque enfant déplacé ait la possibilité de s'instruire".
Il est "la preuve vivante que des idées transformatrices peuvent naître au sein des communautés déplacées", a assuré le Haut Commissaire de l'ONU pour les réfugiés, Filippo Grandi, dans un communiqué.
Né en Somalie, sa famille s'est réfugiée au Kenya alors qu'il n'était qu'un jeune enfant.
Il a passé 23 ans à Dadaab. Ce complexe tentaculaire, construit dans les années 1990 près de la Somalie, devait accueillir quelque 90.000 réfugiés, mais en abrite aujourd'hui environ 370.000, selon l'ONU.
"Des obstacles monumentaux"
Malgré des "obstacles monumentaux", M. Mire a non seulement terminé ses études primaires et secondaires dans le camp, mais il a également réussi à obtenir un diplôme en journalisme et en relations publiques, indique le HCR.
Il reconnaît lui même que son "cas est rare", mais "cela m'incite à rendre la pareille".
M. Mire, qui a parfois travaillé pour l'AFP, a pu être réinstallé en Norvège il y a une dizaine d'années. Mais bien qu'il ait aimé y vivre, il a rapidement décidé de retourner au Kenya.
"L'Europe est belle et sûre, mais tout dépend de ce que vous voulez dans la vie", a-t-il déclaré à l'AFP, par téléphone depuis Nairobi.
"Quelque chose me disait que je pouvais avoir un impact ici, plus qu'à Oslo".
De retour au Kenya, alors qu'il effectuait un reportage à Dadaab, une jeune fille nommée Hodan Bashir Ali lui a demandé de l'aide pour trouver un livre de biologie. Elle voulait devenir médecin, explique M. Mire, mais dans son école, il n'y avait qu'un manuel pour 15 élèves.
"Ce fut le début de ma vocation", raconte-t-il, ajoutant qu'il avait acheté le livre pour Hodan, qui est aujourd'hui infirmière et aspire toujours à devenir médecin.
Les livres sont des portes d'entrée
M. Mire a alors décidé de créer le Refugee Youth Education Hub, afin de sensibiliser aux besoins éducatifs des réfugiés et pour trouver des dons de livres. L'organisation, dirigée par des réfugiés, a jusqu'à présent pu acheminer 100.000 livres dans les camps et a ouvert trois bibliothèques.
"Lorsque vous lisez un livre, c'est comme si vous voyagiez à travers le monde", explique-t-il.
Et pour les personnes traumatisées par les violences et les guerres, "les livres sont le meilleur moyen de guérir", assure-t-il.
Le programme a également permis d'augmenter le nombre de réfugiés inscrits dans l'enseignement supérieur.
"Je connais des dizaines de filles qui voulaient devenir enseignantes et qui le sont aujourd'hui", se réjouit M. Mire, selon qui "les livres donnent la possibilité de rêver et de réfléchir à une carrière, à la manière de devenir un meilleur citoyen de ce monde".
La distinction Nansen, du nom de Fridtjof Nansen, explorateur et diplomate norvégien et premier Haut Commissaire pour les réfugiés, a été créée en 1954. Depuis 1979, les lauréats Nansen reçoivent un prix, qui s'élève actuellement à 100.000 dollars (environ 91.400 euros).
L'an dernier, l'ex-chancelière allemande Angela Merkel avait reçu le prix pour sa détermination à accueillir des demandeurs d'asile lorsqu'elle était en fonction.
"Je ne suis pas un philanthrope, je ne suis pas riche, ... mais je crois que tout le monde peut faire la différence", assure M. Mire, qui recevra sa récompense lors d'une cérémonie à Genève le 13 décembre.
"Il n'est pas nécessaire d'être un politicien, une célébrité ou un magnat pour avoir un impact. Chacun peut avoir un rôle à jouer pour améliorer la vie des gens".
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