Ouganda
Le mégaprojet pétrolier de TotalEnergies en Ouganda est un "désastre" pour la population, "a dévasté les moyens de subsistance de milliers de personnes" et "contribuera à la crise climatique mondiale", a déploré lundi Human Rights Watch (HRW), demandant son arrêt.
TotalEnergies avait annoncé l'année dernière un accord d'investissement de 10 milliards de dollars avec l'Ouganda, la Tanzanie et la compagnie chinoise CNOOC, comprenant notamment la construction d'un oléoduc (EACOP) de 1 443 km reliant les gisements du lac Albert, dans l'ouest de l'Ouganda, à la côte tanzanienne sur l'océan Indien.
Le projet a toutefois rencontré l'opposition de militants et de groupes de défense de l'environnement qui estiment qu'il menace le fragile écosystème de la région et les populations qui y vivent.
Pour HRW, le projet "appauvrit des milliers de personnes" et déplacera plus de 100 000 personnes. EACOP "a provoqué l'insécurité alimentaire et l'endettement des ménages, contribué à la déscolarisation d'enfants et risque d'avoir des effets dévastateurs sur l'environnement", poursuit l'ONG dans un rapport, fruit de plus de 90 entretiens, notamment auprès de 75 familles déplacées dans cinq districts du pays d'Afrique de l'Est.
Le projet pétrolier est "un désastre pour les dizaines de milliers de personnes ayant perdu un terrain qui fournissait de la nourriture à leurs familles et un revenu leur permettant d'envoyer leurs enfants à l'école, et qui ont reçu une indemnisation insuffisante de la part de TotalEnergies", affirme dans le rapport Felix Horne, chercheur spécialiste de l'environnement à HRW, avant de poursuivre : "EACOP est aussi une catastrophe pour la planète et le projet ne devrait pas être mené à son terme".
Dans une réponse transmise à l'AFP, le géant pétrolier a affirmé qu'il était "faux" que le projet allait déplacer des centaines de milliers de personnes, affirmant : "Ce sont au total 775 foyers, soit environ 5 000 personnes, qui seront relogées à proximité et dans de meilleures conditions sur 5 600 hectares acquis".
TotalEnergies a également affirmé, avec ses partenaires, "mettre les enjeux environnementaux et de biodiversité ainsi que les droits des communautés concernées au centre du projet" et que EACOP "constitue un enjeu majeur de développement pour l’Ouganda et la Tanzanie".
Plusieurs agriculteurs, interrogés par HRW, affirment qu'ils ont dû attendre des années pour obtenir une indemnisation et qu'ils s'étaient endettés.
Certains villageois ont déclaré qu'on leur avait fait signer des accords d'indemnisation en anglais, une langue qu'ils ne savaient pas lire, tandis que d'autres ont également déclaré aux chercheurs que "la présence de responsables du gouvernement et de la sécurité lors de réunions publiques a contribué à créer une aura d'intimidation", pointe du doigt HRW.
"Ils viennent ici en nous promettant tout", soutient à HRW un habitant. "Nous les avons crus. Maintenant nous sommes sans terre, l'argent de l'indemnisation a disparu, les champs qu'il nous reste sont inondés et la poussière remplit l'air".
Le président ougandais Yoweri Museveni, qui dirige le pays d'une main de fer depuis 1986, a décrit le projet à plusieurs reprises comme une source économique majeure pour ce pays enclavé, malgré une résolution l'année dernière du Parlement européen, non contraignante, épinglant des "violations" des droits humains envers des opposants.
Fin juin, 26 Ougandais et cinq associations françaises et ougandaises ont lancé une nouvelle action en justice en France pour demander "réparation" au géant TotalEnergies pour les "préjudices" causés selon eux par son mégaprojet pétrolier controversé.
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