Somalie
Le conflit qui secoue le sommet de l'Etat somalien oppose deux personnages aux profils bien différents : le président Farmajo, diplomate expérimenté dont les quatre années au pouvoir n'ont pas répondu aux attentes, et le Premier ministre Mohamed Roble, technocrate novice en politique.
Les tensions entre les deux hommes connaissent un regain depuis quelques jours, Farmajo ayant annoncé la suspension de Mohamed Roble qui l'a en retour accusé de commettre un "coup d'Etat", suscitant de nouvelles craintes pour la stabilité du pays.
Lors de son élection en février 2017, Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, qui a passé une partie de sa vie aux Etats-Unis où il a notamment travaillé à l'ambassade somalienne, incarnait l'espoir.
Accusations de corruption
Malgré un processus électoral entaché de nombreuses accusations de corruption et manipulations de vote, l'élection de ce fils d'activistes du clan Darod avait été fêtée par de nombreux Somaliens avides de changement après une série de présidents du clan Hawiye.
De son bref passage au poste de Premier ministre - huit mois en 2010 et 2011 - la population se souvenait notamment d'un homme ayant créé une commission anticorruption et introduit des salaires mensuels pour les soldats.
"C'est le début de l'unité pour la nation somalienne, le début de la lutte contre les (djihadistes) shebab et contre la corruption", avait-il lancé, triomphant.
Posture nationaliste
Ce père de quatre enfants, qui s'était déjà présenté en 2012, a hérité d'un pays en lambeaux, miné par des décennies de guerre civile et dont des régions entières étaient contrôlées par les shebab.
S'il a adopté une forte posture nationaliste durant son mandat, jusqu'à rompre les relations diplomatiques avec le voisin kényan et s'attirer ainsi la sympathie d'une partie de la population, Farmajo - aujourd'hui âgé de 59 ans - s'est aussi fait beaucoup d'ennemis.
Partisan d'un Etat centralisé fort, il a tenté d'influer sur plusieurs élections dans les Etats semi-autonomes du pays pour y placer ses alliés.
Crise politique
Par ailleurs, les shebab n'ont pas été particulièrement inquiétés, malgré les déclarations martiales faites à son arrivée au pouvoir et le gouvernement ne contrôle toujours qu'une faible portion du territoire, avec l'aide cruciale de la force de l'Union africaine en Somalie (Amisom).
Il n'est pas parvenu à organiser des élections avant la fin de son mandat, plongeant le pays dans la pire crise politique de ces dernières années.
Passage en force
La prolongation de son mandat votée mi-avril par le Parlement a été perçue par beaucoup comme un passage en force pour se maintenir au pouvoir, débouchant sur des affrontements armés que Mogadiscio n’avait plus connus depuis la guerre civile.
Dans un geste d'apaisement, Farmajo avait ensuite chargé son Premier ministre Mohamed Roble d'organiser des élections dans les plus brefs délais.
Mohamed Roble : un novice en politique
La nomination en septembre 2020 de Mohamed Hussein Roble a fait l'unanimité au Parlement, malgré son statut de novice en politique.
Bien qu'il n'ait pas l'éloquence de son prédécesseur Hassan Ali Khaire, cet ingénieur civil formé en Suède, est réputé pour son franc-parler et sa connaissance de la complexité de la Somalie.
Ce technocrate de 58 ans, qui a travaillé au bureau de l'Organisation internationale du Travail (OIT) à Nairobi, est d'abord resté dans l'ombre de Farmajo.
Calendrier électoral
Mais les négociations pour l'organisation des élections l'ont placé ces derniers mois au centre du jeu politique. "Je n'ai aucun intérêt personnel dans cette élection et je n'ai personne avec qui être allié", avait-il affirmé en juin.
Il était parvenu à un accord sur un calendrier électoral, ce que Farmajo n'avait pas réussi, lui offrant un certain crédit. Les deux hommes se sont ensuite opposés sur de nombreux sujets.
En août, il s'est notamment ainsi rendu au Kenya, amorçant un réchauffement des relations diplomatiques entre les deux pays, malgré l'interdiction édictée par le président de conclure des accords avec des entités étrangères avant les élections.
Manque d'expérience
Certains disent que son manque d'expérience et sa tendance à prendre des décisions hâtives pourraient le rendre vulnérable face à des acteurs politiques plus puissants.
Lundi, il a accusé Farmajo de commettre "un coup d'Etat" après que ce dernier a annoncé l'avoir suspendu, l'accusant d'être impliqué dans une affaire de corruption.
Le Premier ministre semble compter des alliés au sein de l'opposition somalienne ainsi que de la communauté internationale. La section Afrique du département d'Etat américain a dit lundi soutenir ses "efforts pour des élections rapides et crédibles".
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