Kenya
Vendredi, la Cour d'appel du Kenya a rendu sa décision quant au projet de réforme constitutionnelle lancé par le président Uhuru Kenyatta, source de controverse et d'incertitude grandissantes à moins d'un an de l'élection présidentielle.
Le tribunal a confirmé l'illégalité de la révision constitutionnelle lancée par le président.
La lecture des principaux points du jugement par chacun des sept juges a débuté peu après 09H00 (06H00 GMT) et devait durer plusieurs heures.
Ce projet, baptisé "Building Bridge Initiative" (BBI), vise à modifier la constitution de 2010 - qui avait instauré un régime présidentiel - pour créer notamment un poste de Premier ministre, deux de vice-Premier ministre et un de chef de l'opposition et augmenter le nombre de sièges au Parlement.
L'annonce de ce jugement barrait la une de tous les journaux kényans vendredi matin. "L'heure de vérité pour le BBI", titrait le People Daily. "Ça passe ou ça casse: le verdict du BBI va secouer la politique", annonçait le Standard.
Le texte avait été approuvé par le Parlement le 11 mai et devait être soumis à référendum. Mais deux jours plus tard, un tribunal de Nairobi a jugé le processus illégal, estimant que le président ne pouvait initier ce type de révision constitutionnelle.
Uhuru Kenyatta a dénoncé cette décision comme une "tentative de bloquer la volonté du peuple". Le gouvernement a ensuite interjeté appel.
Selon le président, cette réforme permet d'atténuer le système actuel du "vainqueur rafle tout", à l'origine des conflits post-électoraux qui ont jalonné l'histoire du pays.
Mais ses détracteurs y voient un stratagème du chef de l'Etat, qui n'est pas autorisé à se présenter pour un troisième mandat lors de l'élection d'août 2022, pour se maintenir au pouvoir en tant que Premier ministre.
Certains soupçonnent une entente pour un partage du pouvoir avec celui qui a été son principal opposant, Raila Odinga.
Après les violences post-électorales de 2017 qui avaient fait des dizaines de morts, les deux adversaires ont entamé un rapprochement inattendu, incarné par une poignée de main restée célèbre sous le nom de "The handshake" en mars 2018.
- "Heure de vérité" -
Le premier des opposants au texte est William Ruto, vice-président depuis 2013 de M. Kenyatta qui l'avait adoubé comme son successeur pour 2022.
Depuis le rapprochement avec Raila Odinga, il se voit de plus en plus marginalisé du pouvoir.
D'autres critiques du projet affirment que l'augmentation du nombre de parlementaires (de 290 à 360) grèverait un peu plus les finances du pays, qui croule déjà sous une dette de 70 milliards de dollars, et fournirait autant de nouvelles opportunités de favoritisme et de corruption.
Cette bataille politique et judiciaire plonge le pays dans l'incertitude à moins d'un an du premier tour de l'élection présidentielle, fixé au 9 août 2022.
Si le processus du BBI était confirmé comme illégal - et sous réserve d'un éventuel appel devant la Cour suprême - vendredi, alors le processus électoral suivrait son cours prévu.
"Ce serait la moindre des perturbations", affirme Nic Cheeseman, professeur à l'université de Birmingham (Royaume-Uni).
En revanche, une décision le jugeant légal "serait l'option la plus déstabilisante dans la perspective des prochaines élections", estime-t-il.
Dans ce cas, explique-t-il, "se pose une grande question parce qu'il n'est pas possible (...) d'organiser efficacement un référendum national sur le BBI, avant la campagne pour l'élection (qui) doit commencer bientôt".
Se poseraient aussi des questions sur le calendrier de mise en application de cette réforme et notamment l'instauration, avant ou après le scrutin, des nouveaux postes.
"Cela n'a pas vraiment été discuté", souligne Nic Cheeseman: "Il n'y a aucune entente claire sur la manière dont cela serait fait".
Certains responsables politiques avaient appelé à un report des élections en raison de ce processus judiciaire.
Mais la commission indépendante en charge d'organiser le scrutin a exclu cette possibilité début juillet et confirmé qu'elles auraient lieu à la date du 9 août 2022, comme le prévoit la constitution.
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