Algérie
Dégoûtés. Le mot revient comme un leitmotiv chez de nombreux Algériens en France, lassés de se sentir traités comme des "sous-citoyens" par leur pays d'origine. Beaucoup n'iront pas voter aux législatives, une élection qui ne les "concerne pas".
Le scrutin, prévu samedi en Algérie, s'est ouvert dès jeudi en France, où plus de 700.000 électeurs sont inscrits. L'ambassadeur algérien Mohamed-Antar Daoud s'est rendu au consulat parisien pour voter, sous haute sécurité, et a assuré qu'il y avait un "engouement" pour ces élections de "l'Algérie nouvelle".
Mais pour Lila et Nadia, qui attendent une distribution de fruits et légumes dans le quartier parisien de Belleville, le scrutin est le cadet de leur souci. Elles pensent plutôt à l'impossibilité de revenir voir la famille à Alger depuis le début de la pandémie de Covid, aux billets d'avion introuvables ou hors de prix, et à la quarantaine de cinq jours imposée à l'arrivée en Algérie, aux frais du voyageur.
"Ils s'imaginent quoi les généraux? Que nous, les binationaux, on n'a qu'à se baisser pour ramasser de l'argent ? L'Algérie ne m'a rien donné. Ils m'ont dégoûtée. Dégoûtée", lance Lila, une Algéroise de 70 ans, arrivée en France à l'âge de 20 ans. Comme beaucoup d'autres, elle accepte de discuter, mais anonymement, et sans être filmée.
"Les vrais Algériens, ceux qui ont l'amour de leur patrie, je pense qu'ils ne vont pas aller voter. C'est un système corrompu, pour les généraux, les hauts placés, les députés. Ils se servent. Le peuple vient en dernier", poursuit l'ex-animatrice, qui vit désormais d'une pension d'invalidité.
Un son de cloche largement partagé alors que le principal enjeu des législatives pour le pouvoir algérien va être la participation, après deux scrutins en 2019 et 2020 marqués par une abstention historique.
- "Comme du bétail" -
L'élection ? "Je suis une je-m'en-foutiste", lance une jeune franco-Algérienne de Marseille, Hadjer, venue récupérer un passeport au consulat de la grande ville du sud-est, sans un regard pour les affiches électorales sur les murs du bâtiment.
Ils ne sont pas spécialement politisés, n'ont pas forcément manifesté aux rassemblements régulièrement organisés par la diaspora en France en soutien au Hirak, le mouvement contestataire algérien né en 2019 et laminé par la répression.
Mais la gestion chaotique de la pandémie par le gouvernement du président Abdelmadjid Tebboune, et les mauvaises nouvelles en provenance du "bled" alimentent leur colère.
"Les expatriés algériens lambda commencent à comprendre pourquoi on manifeste et pourquoi on est contre ce pouvoir. Ils réalisent à qui ils ont affaire: un régime qui les traite comme du bétail, des vaches à lait", constate Faïza Menaï, membre du collectif Debout l'Algérie, un regroupement d'associations et de militants qui tente d'entretenir la flamme du Hirak en France.
Dans la communauté algérienne, de nombreuses vidéos de citoyens en colère racontant leur périple pour revenir au pays, leur "humiliation" face aux entraves, sont partagées depuis des semaines.
- Lassitude -
"Les Algériens commencent à s'intéresser à la politique alors que le pouvoir a tout fait depuis l'indépendance pour les dépolitiser et les diviser, laïcs contre islamistes, arabes contre kabyles", se félicite Ylias Lahouazi, membre du conseil nation du RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), qui boycotte le scrutin.
La colère est partagée des deux côtés de la Méditerranée et, ajoutée à la crise économique et sociale qui ronge l'Algérie, constitue un "cocktail explosif", selon le militant Samir Yahiaoui. "Lorsque les gens sont désespérés, il y a un risque d'explosion majeure", met-il en garde.
Mais plus que la politisation ou la "conjonction des luttes sociale et politique" dont rêvent les activistes, c'est un sentiment de lassitude qui domine.
Comme l'explique le septuagénaire Mohand, ancien professeur de maths algérien, exilé en France depuis 50 ans: "On ne nous voit pas. On ne nous écoute pas. Que j'aille manifester ou pas, voter ou pas, le résultat est le même. C'est toujours les mêmes qui se remplissent le ventre, l'Algérie éternellement corrompue", soupire le vieux monsieur en tirant son caddie de retour du marché de Barbès, un quartier populaire de Paris à forte population algérienne.
Un sentiment d'amour trahi revient aussi en boucle: "J'adore mon pays mais il ne veut pas de nous", s'énerve Soufiane, un chef cuisinier de 30 ans. "C'est un très beau pays, mais ils ne nous aiment pas", renchérit Nadia, l'Algéroise de Belleville.
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