Ethiopie
Les habitants de la ville de Gondar se prépare pour l'offensive de l'armée éthiopienne sur l'Etat du Tigré. Plusieurs tentes d'infirmerie ont vu le jour dans la ville, située à seulement 200 kilomètres de la zone visée par l'opération militaire éthiopienne. Des collectes de sang, en prévision des combats à venir dans le Tigré.
"Nous donnons notre sang pour soutenir les combattants Amhara. Il y aura peut être des militaires qui seront blessés, c'est pour cela que nous donnons, pas seulement notre sang mais aussi de l'argent et d'autres choses" explique Robel Samuel, un employé de banque venu contribuer ce vendredi à l'effort de guerre.
Prix Nobel de la paix en 2019, le Premier ministre Abiy a annoncé mercredi le lancement de ces opérations militaires au Tigré, (qu'il qualifie d'"opération de maintien de l'ordre"),en même temps que la proclamation de l'état d'urgence.Les troupes fédérales ont notamment pour mission de "désarmer les forces de sécurité de l'Etat régional". Le Premier ministre a par ailleurs appelé la population à éviter les rassemblements pour ne pas être touchée par les "frappes aériennes".
Aucune information officielle n'est disponible sur les opérations en cours, faute à la coupure des réseaux internet et téléphoniques au Tigré par le pouvoir, rendant extrêmement difficile la vérification de la situation sur place.
Des sources diplomatiques ont fait état d'activités militaires sur les principaux axes reliant le Tigré à la région frontalière Amhara et signalé des combats et des tirs d'artillerie sur la route menant à Humera, aux confins du Soudan et de l'Erythrée. Des mouvements de troupes sont aussi signalés dans la région Afar, également voisine du Tigré.
Offensive législative
Le parlement éthiopien a voté samedi la révocation du parlement régional et de l'exécutif du Tigré, après l'annonce d'une intervention militaire dans cette région du nord du pays qui menace de sécession.
La chambre haute du parlement "a adopté une résolution visant à révoquer l'assemblée régionale illégale actuelle du Tigré et son gouvernement et mettre en place une administration par intérim", a annoncé la radio télévision publique éthiopienne EBC.
Une décision basée sur les dispositions prévoyant la possibilité d'une intervention contre un Etat fédéral qui aurait "violé la constitution et mis en danger le système constitutionnel", selon la télévision publique, qui a ajouté que "l_'administration par intérim aura pour mandat de préparer une élection constitutionnellement acceptable et d'appliquer les décisions adoptées par le gouvernement fédéral_".
Pays mosaïque
La tension entre Addis Abeba et le Tigré s'était particulièrement accrue depuis l'organisation en septembre d'élections régionales non reconnues par le pouvoir central.
L'escalade militaire fait craindre un conflit susceptible de menacer la stabilité déjà fragile du deuxième pays le plus peuplé du continent avec plus de 100 millions d'habitants.
Le centre de réflexion International Crisis Group (ICG) a estimé que si "elle n'est pas rapidement arrêtée, l'actuelle confrontation armée sera dévastatrice, non seulement pour l'Ethiopie, mais pour la Corne de l'Afrique toute entière".
L'ICG rappelle que les autorités du Tigré peuvent compter sur "une importante force paramilitaire et une milice bien entraînée, dont les effectifs combinés sont estimés à 250.000 hommes" et "semblent bénéficier d'un soutien significatif des six millions de Tigréens".
Le conflit pourrait mettre à l'épreuve l'unité d'un pays mosaïque ethnique, secoué récemment par des épisodes de violences communautaires, mais aussi la cohésion de l'armée, qui compte de nombreux officiers tigréens.
L'ICG craint également que le conflit finisse par impliquer l'Erythrée, frontalière du Tigré. Le pouvoir d'Asmara, avec qui le Premier ministre Abiy a conclu une paix historique, est l'ennemi juré du Front de libération des Peuples du Tigré TPLF qui dominait le pouvoir éthiopien durant la guerre frontalière meurtrière entre les deux pays (1998-2000).
Le TPLF accuse Abiy Ahmed - un oromo, ethnie la plus importante en Ethiopie - d'avoir progressivement marginalisé la minorité tigréenne (6% de la population) au sein de la coalition au pouvoir, que le parti a depuis quittée, se positionnant de facto dans l'opposition.
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