Nigéria
Le Nigeria se remet toujours de la découverte de plusieurs maisons de « l’horreur » dans le Nord du pays. Passée la grande émotion, les Nigérians tentent de situer les responsabilités dans ce drame d’envergure, inédit dans le pays.
Le gouvernement nigérian a-t-il laissé faire les écoles islamiques jusqu‘à ce que certaines deviennent des bourreaux pour leurs pensionnaires ? Cette réflexion est soutenue par une frange de la population nigériane qui accuse les autorités d’avoir délaissé le système éducatif dans la région du Nord déjà appauvrie et stigmatisée en raison de l’insurrection de la secte Boko Haram.
Infrastructures quasi-inexistantes, enseignants islamiques sous-qualifiés… les griefs contre le gouvernement sont légions. Selon les derniers chiffres officiels pourtant, moins de la moitié des enfants en âge d’aller à l‘école fréquentent une école publique depuis 2015. Et en l’absence d’institutions d’Etat, les écoles islamiques se sont multipliées dans le Nord offrant une alternative aux parents. Quelque dix millions d’enfants y ont été inscrits selon des rapports.
« Si aujourd’hui nous décidions de fermer toutes les écoles d’almajiri (nom donné aux écoles islamiques, Ndlr)… il y aurait une crise de l‘éducation », a déclaré Mohammed Sabo Keana de l’initiative pour les droits de l’enfant Almajiri, un groupe à but non lucratif basé à Abuja, qui plaide pour de meilleures conditions dans les centres.
Renforcer les infrastructures de base
Ces centres vont bien au-delà de la simple mission d’apprentissage. Ils revendiquent par ailleurs une compétence dans le traitement de soucis mentaux, comportementaux, et d’addiction. Plusieurs parents y envoient leurs enfants dans l’optique de les « guérir » de problèmes de drogue ou de vols. Un père a déclaré à Reuters qu’il payait 50 000 nairas (163 dollars) en frais d’inscription, ainsi que 10 000 nairas supplémentaires par mois pour envoyer son fils adulte à l‘école Daura (l’une des plus connues) pour traitement de la toxicomanie, une somme considérable dans un pays où le salaire mensuel moyen est de 163 dollars.
« Le gouvernement est censé gérer la question (de la drogue), mais le fardeau est trop lourd pour eux », a déclaré le père sous le couvert de l’anonymat.
Or, certains de ces centres – parfois informels – ont montré leurs limites. Lundi encore, 259 personnes ont été libérées d’une maison de correction islamique. C’est l’un des huit raids au cours des six dernières semaines qui ont mis à nu les abus horribles perpétrés dans ces centres. Selon les autorités nigérianes, près de 1 500 enfant enfants et jeunes ont été libérés lors de ces opérations.
Alors qu’Abuja est accusé d’avoir manqué de vigilance, le président Muhammadu Buhari a déclaré le 19 octobre que son gouvernement ne tolérerait pas les « chambres de torture » qui maltraitent les jeunes. « Aucun gouvernement démocratique responsable ne tolérerait l’existence de chambres de torture et de sévices physiques sur des détenus au nom de la réhabilitation », a-t-il déclaré dans un communiqué.
L’appel du gouvernement sera-t-il entendu ? De l’avis des experts, tout dépendra des investissements qu’Abuja consentira dans l’installation d’institutions sociales.
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