Gabon
Quelque 680.000 Gabonais sont appelés à voter samedi à des élections législatives et locales, premier scrutin national depuis la présidentielle de 2016 marquée par la violence et la contestation.
Dans les rues de Libreville, aucune effervescence pour la campagne. Seules quelques affiches rappellent que des législatives auront lieu pour renouveler l’assemblée de 143 députés.
Deux ans après la présidentielle, les divisions politiques se sont creusées et les Gabonais sont désabusés.
Ces élections, par trois fois repoussées depuis 2016, devraient se dérouler sans violence majeure, mais avec un fort absentéisme, estime le politologue gabonais Wilson Andre Ndombet.
En août 2016, la réélection contestée d’Ali Bongo face à Jean Ping avait entraîné des manifestations suivies de violences meurtrières. “Je ne suis pas sûr que cette élection permettra d’apaiser les tensions, car depuis 2016 le pays connaît une crise politique qui a divisé les familles et rebattu les cartes politiques”, analyse M. Ndombet.
Après s‘être rassemblée en grande partie sous la bannière de Jean Ping en 2016, l’opposition gabonaise est aujourd’hui fracturée, laisssant prévoir une victoire du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir).
M. Ping, qui se proclame toujours président élu, ne s’est pas prononcé sur le scrutin de samedi. Des opposants appellent à le boycotter, mais la majeure partie d’entre eux a décidé d’y participer. Parmi eux, certains sont membres de partis d’opposition présents au gouvernement, d’autres d’ex-caciques du PDG, passés dans l’opposition.
Pas de “vrais opposants”
“Il n’y a pas de vrais opposants au Gabon”, estime Gabin Yalanzele, membre du comité central du PDG de la commune de Owendo, proche de Libreville.
Pour lui, “le plus grand ennemi du PDG est le PDG lui-même”. Il décrit les sous-groupes au sein du parti au pouvoir, ainsi que certains “PDGistes” qui “soutiennent volontairement d’autres partis ou des candidats indépendants”.
“On a été obligé de faire du porte-à-porte. Beaucoup nous ont dit que les politiciens font toujours les mêmes promesses sans changement, alors que le chômage et la crise sont là”, explique Prince, qui bat campagne dans le 5e arrondissement de Libreville pour sa tante Eulcherie Mbouba, candidate du Parti social démocrate (PSD), parti d’opposition proche de la majorité.
Le Gabon, pays pétrolier, peine à sortir d’une crise économique provoquée par la chute des cours du baril en 2014.
“Achat de conscience”
Prince estime que le parti qu’il soutient n’a pas eu recours à l’argent liquide pour faire venir les populations aux meetings: “on offre simplement des t-shirts et une collation”.
Aux rassemblementx du PDG, les candidats distribuent t-shirts, montres et casquettes à l’effigie du parti. “Le parti au pouvoir bénéficie certes de facilités, mais il y a des opposants qui sont riches et ne font que bloquer le pays”, selon Chadi Moukarim, deuxième sur la liste du PDG dans le 5e arrondissement de Libreville.
Premier parti du pays, le PDG rassemble plus de 2.000 adhérents et bénéficie de ses connections dans l’administration et il lui arrive de mobiliser les moyens de l’Etat en sa faveur. “On voit ces distributions de t-shirts ou des actions sociales à chaque élection, surtout de la part du parti au pouvoir qui est une machine électorale“, note Steven, Librevillois d’une quarantaine d’années, qui parle d’“achat de conscience”.
“On est las, car on sait depuis longtemps que ce n’est jamais ce qui a été voté qui passe, et en 2016 c‘était le coup de trop”, ajoute Steven, qui a été scrutateur à plusieurs reprises dans les bureaux de vote.
“Les processus électoraux sont toujours biaisés”, renchérit M. Ndombet, et la fraude “multiple” va de “l’achat des membres des bureaux de vote au bourrage des urnes”, plutôt “en faveur du pouvoir”.
A titre d’exemple, le politilogue a récemment constaté dans sa commune de Lambaréné (ouest) que des inscrits sur la liste électorale ont cédé leurs cartes électorales pour 10.000 FCFA (15 euros) à des partisans politiques “de tous bords”, afin que ceux-ci votent par procuration pour eux.
Le gouvernement a décidé de fermer les frontières pendant le scrutin ainsi que les débits de boisson à partir de vendredi soir.
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