Guinée
L’homme d’affaires français Vincent Bolloré a été inculpé mercredi soir à Paris de “corruption d’agent étranger”, de complicité d’“abus de confiance” et de “faux et usage de faux”, dans l’enquête sur l’obtention par son groupe de concessions portuaires en Guinée et au Togo, a-t-on appris de source judiciaire.
Placé deux journées en garde à vue, le milliardaire de 66 ans qui a quitté le bureau des juges sans être placé sous contrôle judiciaire est soupçonné d’avoir obtenu les concessions des ports guinéen de Conakry et togolais de Lomé en contrepartie de services rendus aux dirigeants locaux via sa filiale Havas.
Le directeur général du groupe Bolloré, Gilles Alix, a lui aussi été inculpé mercredi pour les mêmes chefs, selon cette source.
“Vincent Bolloré qui reste présumé innocent pourra avoir enfin accès à ce dossier dont il n’a jamais eu connaissance et répondre à ces accusations infondées”, a réagi son porte-parole dans un communiqué.
Encore aux commandes du groupe Bolloré, l’industriel, qui a récemment cédé les rênes du géant français des médias Vivendi à son fils Yannick, avait été placé en garde à vue mardi matin dans les locaux de la police anticorruption à Nanterre, près de Paris.
Le responsable du pôle international de sa filiale Havas, Jean-Philippe Dorent, a lui aussi dû répondre aux questions des policiers depuis mardi. M. Dorent a été inculpé mercredi d’“abus de confiance” et de “faux et usage de faux”, a annoncé à l’AFP son avocat Hervé Témime.
Un quatrième homme placé en garde à vue mardi à leurs côtés, l’entrepreneur Francis Perez, a, quant à lui, été remis en liberté mercredi sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui, a déclaré son avocat, Me Jean-Robert Phung.
L’enquête est menée par des juges du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris.
Les magistrats tentent de déterminer si le groupe Bolloré a utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Havas pour se voir attribuer la gestion des ports de Lomé et de Conakry, via une autre de ses filiales, Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV.
SDV avait obtenu la gestion du port de Conakry quelques mois après l‘élection d’Alpha Condé à la tête de la Guinée fin 2010 et avait remporté la concession à Lomé peu avant la réélection en 2010 de Faure Gnassingbé à la présidence du Togo. Les deux candidats victorieux s‘étaient attachés les services d’Havas.
Selon Le Monde, les magistrats soupçonnent Havas d’avoir sous-facturé ses services afin que le groupe Bolloré décroche ces deux contrats en contrepartie.
Dans un communiqué transmis mardi, le groupe Bolloré a “formellement” démenti avoir commis des irrégularités en Afrique, où il gère notamment 16 terminaux portuaires. Le groupe est présent dans pas moins de 46 pays du continent (opérateur de lignes ferroviaires, actionnaire de sociétés agricoles, etc.).
- “Je privilégie les amis” –
“Dès son arrivée au pouvoir, Alpha Condé a pris une décision qui (en) a surpris plus d’un. La gestion du port sera immédiatement confiée à son ami Vincent Bolloré, sans autre forme de procès”, a, de son côté, déclaré à l’AFP Cellou Dalein Diallo, le chef de l’opposition guinéenne et candidat malheureux au second tour face à Alpha Condé en 2010 (puis au premier tour en 2015).
“Bolloré remplissait toutes les conditions d’appel d’offres. C’est un ami, je privilégie les amis. Et alors ?”, avait expliqué Alpha Condé au journal Le Monde en 2016.
L’enquête, également nourrie par les plaintes d’un ancien associé franco-espagnol de Bolloré, Jacques Dupuydauby, qui accuse la présidence togolaise d’avoir été corrompue par le groupe français.
Dans son bras de fer judiciaire avec M. Bolloré, M. Dupuydauby, qui réside en France, a cependant été condamné en Espagne à trois ans et neuf mois de prison pour “détournement d’actifs” du groupe Bolloré. La cour d’appel de Paris doit examiner à nouveau le 16 mai la demande d’extradition de Madrid.
La proximité de Vincent Bolloré avec le pouvoir politique vaut aussi en France, où le sexagénaire au visage buriné, a toujours su cultiver ses connexions avec les décideurs politiques français, de gauche comme de droite, mises en lumière par le prêt de son yacht à un Nicolas Sarkozy nouvellement élu président de la République, en 2007.
AFP
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