Mayotte
Près de 280 personnes originaires de l'Afrique des Grands Lacs dorment actuellement dans les rues et un stade à Cavani, un quartier de Mamoudzou, à Mayotte, et leur nombre ne cesse d'augmenter.
"Ils se sont installés ici dans l'espoir d'avoir un logement de la part de Solidarité Mayotte", indique Laurent Simonin, directeur territorial de la police nationale à Mayotte.
Le 101e département français, situé dans l'Océan indien, attire chaque année des milliers de migrants, arrivés par la mer en "kwassa kwassa", des embarcations de fortune, de l'île comorienne voisine d'Anjouan, de Madagascar, mais également de l'Afrique des Grands Lacs. L'État mène depuis avril une opération (dite Wuambushu) de lutte contre l'immigration clandestine et l'habitat insalubre sur l'Ile.
"Nous sommes leur premier repère", souligne Gilles Foucaud, directeur adjoint de l'association qui accompagne et héberge les demandeurs d'asile et les bénéficiaires de la protection internationale.
C'est devant les locaux de cette association que des familles ou de jeunes adultes ont installé des matelas en mousse déchiquetés, roulés sur le bas-côté la journée, accompagnés de sacs plastique pleins à craquer, qui contiennent toute leur vie.
Parmi eux, des réfugiés statutaires ou bénéficiaires d'une protection internationale mais aussi des demandeurs d'asile, arrivés du Congo, du Burundi, de Somalie ou du Rwanda, pour la plupart.
"Nous avons identifié 92 nouvelles personnes depuis le 15 mai", précise Gilles Foucaud qui estime que les premiers arrivants se sont installés dans le quartier début 2022, si ce n'est avant.
Witold, 20 ans, est arrivé par bateau il y a dix mois depuis la Tanzanie. "Au départ, on était peu nombreux. Mais maintenant, les gens qui arrivent n'ont même plus de place", assure ce Congolais d'origine. Une situation qui a poussé une partie des réfugiés à s'installer sur un stade, à proximité.
Leur nombre reste toutefois imprécis. "Nous avons dû interrompre notre dernier recensement. La démarche a été interprétée (...) comme un prélude à une potentielle offre d'hébergement, ce qui a attiré de nombreux autres réfugiés, squattant le stade", souligne Gilles Foucaud.
Dans le quartier, plus d'un tiers des réfugiés ont pourtant obtenu le statut de demandeurs d'asile, selon Solidarité Mayotte. Le 15 mai, ils étaient 74 en procédure avec l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ou la Cour nationale du droit d'asile.
Mais faute de logement sur le territoire, ils sont obligés de continuer à dormir dans la rue. "Tous devraient bénéficier d'une assistance. Mais on n'a quasiment aucune place de libre dans les hébergements d'urgence donc les orientations sont très limitées", souligne le directeur-adjoint de Solidarité Mayotte, qui gère un parc de 450 places "continuellement plein".
Trois mois après l'obtention du droit d'asile, les personnes doivent quitter leur logement. "On anticipe 70 sorties prochainement. On sait que ces personnes, sans solution, pourront se retrouver à la rue elles aussi". Des demandeurs d'asile qui pourraient rejoindre la métropole, mais avec des délais souvent très longs. Tout comme les délais de traitement des demandes.
En 2022, 3 500 premières demandes d'asile ont été déposées à Mayotte, selon l'Ofpra. Elles étaient 3 716 en 2021 mais 2 269 en 2020.
Witold a fait la démarche en janvier, et attend toujours une réponse. "Je ne pouvais pas rester dans mon pays, j'étais menacé", dit-il, sans préciser pourquoi. Et même s'il se sent vulnérable ici, il n'a "nulle part où aller". "Il y a deux semaines, je me suis fait tabasser, raconte-t-il. Des délinquants sont arrivés en pleine nuit avec des bâtons et nous ont frappés alors qu'on dormait".
Le directeur territorial de la police nationale à Mayotte a recensé trois plaintes ces derniers mois. Mais ces violences n'ont pas de motivation raciste et elles restent rares, selon lui. "La majorité des voisins sont empathiques et tolérants. Certains s'agacent mais globalement ça se passe bien", souligne Gilles Foucaud.
Pour Anturia Sanidou, qui habite à proximité, ça fait surtout "mal au cœur de voir tous ces enfants, vivre comme ça". En 2022, la police était intervenue deux fois pour faire évacuer le campement, mais les réfugiés sont rapidement revenus.
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