France
La cour d'assises de Paris s'est montrée implacable mercredi en condamnant à la réclusion criminelle à perpétuité l'ex-gendarme rwandais, Philippe Hategekimana, 66 ans, naturalisé français sous le nom de Philippe Manier, reconnu coupable de génocide et crime contre l'humanité commis au Rwanda au printemps 1994.
La cour a suivi à la lettre les réquisitions du parquet et reconnu coupable M. Manier de "quasiment tous les chefs d'accusation" qui pesaient à son encontre. Les faits de génocide et de crime contre l'humanité sont imprescriptibles.
L'ancien adjudant-chef de la gendarmerie de Nyanza (sud du Rwanda), debout dans son box, appuyé sur une canne, est resté impassible à l'annonce du verdict tandis que, hors de la salle d'audience, des Rwandais, parties civiles au procès, laissaient éclater leur joie en chantant et dansant.
Naturalisé français depuis 2005, M. Manier, qui reconnaît la réalité du génocide mais nie toute implication dans sa mise en oeuvre, était poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation des crimes de génocide et autres crimes contre l'humanité, génocide et crime contre l'humanité.
Il était accusé d'avoir participé ou encouragé le meurtre de dizaines de Tutsi dans la préfecture de Butare (sud du Rwanda), dont le bourgmestre de Ntyazo qui résistait à l'exécution du génocide dans sa commune.
Pour l'accusation, il avait notamment ordonné et supervisé l'érection de plusieurs "barrières", des barrages routiers, "destinés à contrôler et à assassiner les civils Tutsi".
L'accusation reprochait également à M. Manier d'avoir participé, en donnant des ordres, voire en étant directement impliqué sur le terrain, à trois massacres : celui de la colline de Nyabubare où 300 personnes ont été tuées le 23 avril 1994, celui, quatre jours plus tard, de la colline de Nyamure où s'étaient réfugiés des milliers de Tutsi, et celui de l'Institut des sciences agronomes du Rwanda, où des dizaines de milliers de victimes ont été recensées.
Pour ce dernier crime, la cour n'a reconnu que la complicité de M. Manier mais pas sa culpabilité en tant qu'auteur de ce massacre. "Vous écouterez la raison et votre coeur", avait demandé l'accusé aux jurés avant que la cour ne se retire pour délibérer pendant plus de dix heures.
Pour l'accusation, Philippe Manier, surnommé "Biguma" à l'époque des faits qui lui sont reprochés, est "un maillon fondamental de la mise en oeuvre du génocide" au Rwanda. Durant l'audience, l'accusé a choisi le silence.
Le président de la cour d'assises, Jean-Marc Lavergne, a déploré son "absence de toute manifestation sincère de remords". A l'énoncé du verdict, il a dénoncé "un agent zélé" du génocide, "enfermé dans le mensonge", "incapable d'assumer sa responsabilité face à l'énormité des crimes commis".
"Je compatis sincèrement aux souffrances endurées par les victimes. Le génocide à l'encontre des Tutsi est une réalité. Et j'en ai été le témoin. Mais je n'ai rien à me reprocher", avait dit à l'audience M. Manier à l'occasion d'une de ses rares interventions.
"Reconnaître mon innocence ce n'est pas nier le génocide, ce n'est pas nier les souffrances des victimes. C'est tout simplement accepter de reconnaître la complexité de la situation de l'époque", avait-il fait valoir.
Sa défense, qui avait plaidé l'acquittement, souhaitait que le doute profite à l'accusé en estimant que l'accusation était "bâtie sur du sable". La défense a dix jours pour faire appel du jugement.
Philippe Manier est le "bouc émissaire" d'un jeu politique entre Paris et Kigali, ont soutenu ses conseils durant le procès. Ils ont mis en cause les témoignages à charge, les plus accablants pour l'accusé, de prisonniers interrogés en visio-conférence depuis leur prison à Kigali.
L'ancien adjudant-chef était le cinquième accusé renvoyé aux assises en France pour des crimes commis au cours du génocide au Rwanda qui a fait plus de 800 000 morts selon l'ONU, essentiellement des Tutsi exterminés entre avril et juillet 1994.
Il était jugé à Paris au titre de la "compétence universelle" exercée, sous certaines conditions, par la France pour juger les crimes les plus graves commis hors de son sol.
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