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Au Nigeria, des camps de déplacés submergés

Hadiza, une personne déplacée de la zone de Baga dans l'État de Borno au Nigeria, pose avec des membres de sa famille le 21 juillet 2019 à Markas.   -  
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FATI ABUBAKAR/AFP or licensors

Nigéria

Depuis la fermeture par les autorités d'une dizaine de camps de déplacés dans le nord-est du Nigeria, les autres camps se retrouvent submergés.

Déjà huit ans qu'elle, son mari et leurs neuf enfants survivent difficilement dans le camp informel d'El-Miskin qui compte environ 7.200 déplacés, à Maiduguri, capitale régionale de l'Etat de Borno.

"Ils nous ont entassés à un seul endroit. Nous sommes assis sous des arbres à ne rien faire. C'est comme si nous étions en prison", dit-elle.

Pourtant pour Aisha, pas question de retourner à Gradaï, son village situé à 200 kilomètres.

En 2014, les jihadistes de Boko Haram attaquent sa maison. Ses voisins sont tués devant ses yeux. L'un de ses enfants est enlevé. Elle ne l'a plus jamais revu.

"J'ai peur qu'ils reviennent nous tuer si je retourne chez moi", lâche-t-elle. "Il y a la faim là-bas. Ils sont toujours dans la brousse, nos vies serons toujours en danger", dit-elle.

Dans le nord-est du Nigeria, un conflit sanglant sévit depuis 14 ans entre l'armée et des groupes jihadistes, dont Boko Haram. Il a fait plus de 40.000 morts et déplacé plus de 2 millions de personnes, créant l'une des plus graves crises humanitaires du XXIe siècle.

Alors, comme Aisha, ils sont plus d'une centaine de milliers ces dernières années à avoir trouvé refuge à Maiduguri sur un site protégé par des tranchées et gardé par l'armée.

La majeure partie résidait alors dans les camps gérés par les autorités qui les ont fermés il y a un an, assurant avoir sécurisé les campagnes. Depuis, El-Miskin et les autres camps informels débordent. Et la situation n'a fait qu'empirer.

Aujourd’hui, Aisha est contrainte de mendier et d'envoyer ses enfants vendre de l’eau pour nourrir la fratrie car l’aide alimentaire se fait de plus en plus rare.

Les déplacés évacués de la capitale régionale sont eux-aussi venus grossir les rangs des autres camps officiels de la région. Comme à Bama, située à 70 kilomètres au sud-est.

La ville étouffe sous le flot de nouveaux arrivants de Maiduguri et des campagnes où l'insurrection fait rage. Le camp de déplacés officiel GSSS, construit pour 25 000 personnes, en accueille désormais 100 000, selon l'Onu.

Insécurité alimentaire

"L'insécurité alimentaire, qui était déjà importante, s'est aggravée avec la fermeture des camps officiels à Maiduguri", alerte Ibrahim Mohamed Kari, médecin dans un centre pour enfants malnutris à Bama.

Environ 4 4 millions de personnes sont confrontées à l'insécurité alimentaire dans le nord-est, selon l'Onu.

Alors, nombreux sont les habitants à se risquer chaque jour en dehors de la ville et à traverser les tranchées creusées tout autour, pour aller ramasser du bois ou collecter des métaux afin de les revendre.

Il y a "un manque de terres agricoles en dehors de la ville de garnison et le flux de personnes fuyant les villages alentour contrôlés par les insurgés est important", énumère-t-il.

Malgré cet afflux constant, les dirigeants de l’Etat de Borno ont l'intention de fermer tous les camps dans la région d'ici 2026, espérant en finir avec la dépendance à l'aide humanitaire et encourager les déplacés à retourner travailler dans les champs.

Personne n'est forcé à rentrer, insistent les autorités qui offrent une petite aide financière à ceux qui le font.

Pour rassurer la population, le gouverneur Babagana Zulum, récemment reconduit au pouvoir pour un deuxième mandat, met en avant un retour au calme dans la région.

Le nouveau président Bola Tinubu a dit vouloir faire de la lutte contre l'insécurité dans le pays sa priorité.

"Conflit dormant"

Les attaques sont moins nombreuses qu'il y a quelques années, mais les jihadistes restent actifs dans la région, notamment ceux de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap), groupe devenu dominant depuis la mort en 2021 du chef de Boko Haram, Abubakar Shekau.

Mi-juin, 11 agriculteurs ont été tués dans un village à une quinzaine de kilomètres de Maiduguri, sur la route de Damboa.

"La route entre Maiduguri et Damboa est très dangereuse car il peut y avoir de nombreuses embuscades", affirme le brigadier général Omopariola, ce qui entrave même l’arrivée de l’aide humanitaire.

Des jihadistes sont retranchés à proximité, à la lisière de la forêt de Sambisa. Pour lui, "le conflit n'est pas fini, il est dormant".

Ce qui inquiète d’autant plus les ONG : "Quand les camps fermeront, comment pouvons-nous être sûrs que l'endroit où les déplacés seront emmenés sera sûr ?”, s’interroge Genesis Abamini, l'un des responsables du camp de Damboa, où s'entassent près de 30 000 déplacés.

"Si les zones d'où ils arrivent étaient sûres, ils n'hésiteraient pas à rester et à continuer à cultiver leurs champs", s’insurge-t-il.

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