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Sénégal : Ousmane Sonko, ou le coup d'éclat permanent

Sénégal : Ousmane Sonko, ou le coup d'éclat permanent
Un homme brandit une pancarte "Non au troisième mandat" tandis que d'autres personnes portent des photos d'Ousmane Sonko lors d'une manifestation à Dakar, le 12 mai 2023   -  
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Sénégal

Jamais opposant au Sénégal n'a subi pareil acharnement, dit-il. Les réseaux sociaux qu'il affectionne abondent des images d'Ousmane Sonko aux mains des forces de l'ordre, à côté de ses bains de foule parmi de jeunes gens enthousiastes.

La capture de ses moments de communion fervente a plusieurs fois précédé sa propre capture dans les cris et le tumulte de ses supporteurs par des gendarmes ou des policiers caparaçonnés.

L'adversaire le plus récalcitrant du président Macky Sall cherche généralement à négocier, en en appelant au sens du droit des hommes en uniforme, puis se laisse emmener.

Héraut de la lutte pour le peuple et contre les élites pour les uns, agitateur incendiaire pour les autres, M. Sonko, 48 ans, est l'un des chefs de file d'une opposition qui, depuis 2022, secoue la domination du camp présidentiel.

Troisième de la présidentielle de 2019, celui qui tranche par son relativement jeune âge est candidat déclaré à la présidentielle de 2024.

Il est aussi le personnage principal, adulé ou honni, d'une chronique politico-judiciaire qui capte la lumière depuis février 2021 et le dépôt contre lui d'une plainte pour viols par une employée d'un salon de beauté de la capitale, Adji Sarr.

"Je suis persécuté par la justice sénégalaise comme jamais un homme politique n'a été persécuté", disait-il le 1er mai au cours de l'une de ses innombrables déclarations faites devant la presse ou sur son compte Facebook jusqu'aux heures les plus avancées.

M. Sonko se dit visé par "un complot, une farce et un mensonge" commandité par le président Sall, un "monstre (avançant) chaque jour un pas de plus vers son objectif : instaurer une dictature".

Il ne s'agirait pas tant de le faire emprisonner que de le rendre inéligible et d'ouvrir la voie à un troisième mandat controversé de M. Sall. Avant lui, d'autres concurrents de M. Sall, Khalifa Sall (sans lien de parenté) et Karim Wade, ont vu leur trajectoire interrompue par les affaires judiciaires.

M. Sonko assure qu'il ne connaîtra pas le même sort. La silhouette athlétique, le verbe incisif mais toujours posé, il exalte la "résistance" et la "désobéissance civique". Souriant, proche des Sénégalais ordinaires, il est écouté.

Le vernis craque, disent ses détracteurs, quand il brandit la menace de marcher sur le palais présidentiel ou le spectre d'un "pays à feu et à sang", et quand il compare son accusatrice Adji Sarr à une "guenon frappée d'AVC".

Yoro Dia, un conseiller du président, le réduit à un apologue de la violence "aux antipodes de nos cultures et traditions démocratiques", un "insulteur du net" semant la terreur pour échapper aux juges. Il est aussi le "cheval de Troie des salafistes", dit-il.

La justice rendra son verdict jeudi contre M. Sonko dans l'affaire de viols présumés. Il a toujours clamé son innocence.

Le défenseur de la religion et des traditions qui jure volontiers devant Dieu, le père de six enfants et mari de deux femmes a reconnu être allé se faire masser pendant le couvre-feu pour apaiser des douleurs de dos chroniques. Mais il a demandé "à un prêcheur si (sa) religion (l)’autorisait à être massé par des femmes qui ne sont pas (ses) épouses".

La plupart de ces rendez-vous avec la justice ont donné lieu à des incidents et des heurts et tétanisé l'activité de la capitale. M. Sonko prétend faire de ses convocations des démonstrations de sa popularité.

En mars 2021, son interpellation sur le chemin du tribunal où il se rendait en cortège a contribué à déclencher les pires émeutes depuis des années. Il y avait eu au moins 12 morts.

En 2023, en plein tumulte à son retour du tribunal, les forces de sécurité ont aspergé l'intérieur de sa voiture de lacrymogène pour l'extraire de force. Une "tentative d'assassinat", déclare-t-il.

Le temps du procès pour viols, M. Sonko s'est retranché à Ziguinchor (sud), en Casamance, région d'origine de son père.

Il est maire de la ville depuis 2022. Il n'a jamais exercé de fonction gouvernementale. Fonctionnaire pendant 15 ans, entré en politique avec la création de son parti en 2014, il a accédé à la notoriété deux ans plus tard avec sa radiation de son poste d'inspecteur des impôts parce qu'il avait dénoncé l'opacité de certains contrats publics et les privilèges de la classe politique.

En 2019, le trublion anti-système a fini troisième de la présidentielle avec 15% des voix, loin derrière Macky Sall (58%).

Son discours souverainiste et panafricaniste, ses diatribes contre "la mafia d'Etat", les multinationales et l'emprise économique et politique exercée selon lui par l'ancienne puissance coloniale française lui valent une forte adhésion chez les moins de 20 ans qui ont faim de travail et de perspectives.

M. Sonko défend aussi un durcissement de la répression de l'homosexualité.

Après son procès, il a entrepris de rentrer de Ziguinchor à Dakar par la route. Le convoi a drainé les foules. M. Sonko a partagé en direct les images d'exaltation et de confrontation. Le flux s'est brutalement interrompu dimanche sur internet. M. Sonko avait été interpellé et ramené de force à Dakar.

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