Soudan
A pied ou en voiture, sur des routes jonchées de cadavres et de blindés calcinés, des milliers de Soudanais tentent de passer sous les tirs croisés des FSR du général Mohamed Hamdane Daglo, dit "Hemedti", et de l'armée que dirige le général Abdel Fattah al-Burhane, aux commandes depuis leur putsch conjoint de 2021.
La communauté internationale ne cesse d'appeler au dialogue depuis le début des hostilités samedi. Mais les deux hommes, lancés dans une lutte désormais "existentielle" selon les experts, restent sourds aux appels au cessez-le-feu ou au moins à une trêve temporaire pour évacuer les civils des quartiers les plus dangereux.
Malgré tout, alors que les combats connaissent parfois de brèves accalmies, le plus souvent le temps de recharger des munitions ou de se déplacer de quelques rues, chaque jour des grappes de familles sont parvenues à sortir de la capitale.
Car la vie n'y est plus tenable depuis samedi: l'électricité et l'eau courante ont disparu, et ne reviennent en certains endroits que quelques heures à peine, et les balles perdues transpercent régulièrement un mur ou une fenêtre. Pire, parfois une bombe venue du ciel réduit un immeuble ou un hôpital à un tas de gravats.
Déjà lundi soir, l'ONU recensait près de 200 morts, plus de 1.800 blessés, et tous les médecins le répètent, aucun bilan n'est fiable tant le champ de bataille est dangereux: de nombreux corps et de nombreux blessés n'ont pas encore été trouvés.
- Pénuries -
Les combats ont déjà fait fermer sept hôpitaux à Khartoum, rapportent des médecins. La plupart des autres ne peuvent plus opérer: parce qu'ils n'ont plus de matériel, parce que des combattants les occupent ou parce que les soignants, pris sous les tirs, n'ont pas pu prendre leur poste.
Quant aux stocks de nourriture, traditionnellement limités dans un pays où l'inflation est en temps normal à trois chiffres, ils ne font que fondre et plus aucun camion d'approvisionnement n'est entré dans la capitale depuis samedi.
Dans un pays de 45 millions d'habitants où la faim touche plus d'un tiers de la population, humanitaires et diplomates disent ne plus pouvoir travailler: trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués au Darfour (ouest) et l'ONU dénonce "des pillages, des attaques et des violences sexuelles contre des humanitaires".
Les habitants vivent dans l'angoisse d'une attaque sur leur maison ou leur famille: ils n'ont pas oublié les batailles, razzias et autres atrocités qui ont valu au dictateur Omar el-Béchir (déchu en 2019) deux mandats d'arrêt pour "crimes de guerre", "crimes contre l'humanité" et "génocide" au Darfour. A l'époque, il avait délégué la politique de la terre brûlée à un homme: Hemedti.
- Cadavres en bord de route -
Alors mercredi, ce sont par milliers que des femmes et des enfants ont pris la route vers les provinces qui bordent Khartoum, progressant au milieu de cadavres dont commençaient à se dégager des odeurs pestilentielles, rapportent des témoins.
Pour les chancelleries sur place, la tâche est compliquée par des attaques: un convoi diplomatique américain a essuyé lundi des tirs, l'ambassadeur de l'Union européenne a été "agressé dans sa résidence" à Khartoum et le patron belge de la mission humanitaire de l'UE a été "hospitalisé" après avoir été touché par balle.
Mais elles assurent tenter d'organiser des transports pour leurs ressortissants.
Le ministère de la Défense japonais, par exemple, a entrepris les "préparatifs nécessaires" pour des évacuations, une perspective qui pourrait encore être lointaine car les combats ont débuté à l'aéroport de Khartoum, hors service depuis.
En quatre jours de raids aériens, d'affrontements dans les rues et d'une intense guerre médiatique sur les télévisions et les réseaux sociaux, ni l'armée ni les paramilitaires n'ont la haute main.
"Aucun camp ne semble l'emporter pour le moment et vu l'intensité des combats, le niveau de violence, les choses peuvent encore empirer avant que les deux généraux ne s'assoient à la table des négociations", prévient Clément Deshayes, enseignant à l'université Paris 1.
Pour cela, "il faudrait que leurs partenaires régionaux fassent pression et pour l'instant les déclarations ne vont pas dans ce sens", affirme encore à l'AFP ce spécialiste du Soudan.
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