Kenya
100 jours après l’arrivée au pouvoir du président kenyan William Ruto, son bilan n’est pas à la hauteur de ses promesses de campagne, et les Kenyans commencent à déchanter.
L’objectif de William Ruto, était avant tout de redynamiser l'économie, en réduisant la dette publique et en baissant les prix des produits de première nécessité. Mais le taux d’inflation annuel du pays a atteint 9,6 % en octobre, son niveau le plus élevé depuis mai 2017.
Herman Manyora, analyste politique, estime que la règle des 100 jours n'est pas représentative,"dans la mesure où l'administration ne tiendra pas ses promesses." Selon l'expert,"le gouvernement a formulé des promesses très claires et très concrètes, et celles-ci devaient être tenues au cours des 100 premiers jours. Pour certaines d'entre elles, ils ont demandé plus de temps ; au lieu de 100 jours, ils auront besoin d'un an, et pour d'autres, ils ont fait volte-face", explique-t-il.
Sécheresse historique, hausse du coût de la vie et une lourde dette de 70 milliards d’Euros... Les dossiers s’empilent sur le bureau du président Kenyan. Selon les experts, la stratégie du chef d'Etat manque de cohérence.
Après son entrée à State House, le palais présidentiel, William Ruto a réduit certaines subventions, notamment sur le carburant, mises en place par son prédécesseur Uhuru Kenyatta - dont il était le vice-président.
Si Ruto a estimé que ces aides n'avaient pas "porté leurs fruits", leur abandon était aussi une demande du FMI, important bailleur du pays.
"La décision de supprimer la subvention sur les carburants n'était pas très stratégique car elle a entraîné un ralentissement de l'économie, une hausse de l'inflation ainsi que des taux d'intérêt plus élevés", estime toutefois Ken Gichinga, chef économiste de la société d'analyse Mentoria Economics.
Malgré des débuts qu'il juge "décevants", M. Manyora, estime qu'il est encore trop tôt pour avoir un jugement définitif sur la politique du nouveau gouvernement :
"Les 100 premiers jours sont toujours difficiles, car il s'agit d'un nouveau gouvernement. On a l'impression que les membres du gouvernement ont minimisé la tâche qui consiste à diriger un gouvernement, ils ignorent l'ampleur de ce travail. On voit qu'ils commencent tout juste à réaliser que ce n'est pas aussi facile qu'on pourrait le croire. De ce fait, nous leur pardonnerons les erreurs qu'ils commettent et nous leur donnerons un cinq sur dix... au moins, le navire n'a pas coulé."
Même l'emblématique "fonds des débrouillards", lancé en novembre et doté de 50 milliards de shillings (410 millions d'euros), a été critiqué.
Le président a été accusé d'avoir renié ses promesses de campagne de prêts sans intérêt. Le fonds permet d'emprunter jusqu'à 50.000 shillings (environ 390 euros) à un taux de 8% par an, inférieur à l'inflation.
Des emprunteurs se plaignent également de la difficulté à obtenir des prêts supérieurs à 1.000 shillings, malgré l'objectif affiché d'ouvrir le crédit aux plus pauvres.
"Ils augmentent les prix des marchandises, puis offrent des prêts de 500 shillings qui ne permettent d'acheter que deux sacs de farine de maïs", l'aliment de base pour de nombreux Kényans, estime Michael Wafula, un mécanicien de 35 ans à Nairobi.
Pour les petits travailleurs comme Winnie Wanjiru Mwaura, qui gagne 700 shillings par jour en vendant des pièces détachées de voitures, le "fonds des débrouillards" ne changera pas fondamentalement le quotidien.
Elle a tout de même emprunté 1.000 shillings "pour se faire tresser les cheveux". "Que peut-on faire d'autre avec un prêt de 1.000 shillings ?", lance-t-elle.
William Ruto avait également promis la parité dans son gouvernement, mais seulement sept femmes figurent parmi ses 22 ministres.
Certains opposants l'accusent également de mener une vendetta politique après la mise à pied début décembre de quatre responsables de la commission électorale qui avaient dénoncé les résultats du scrutin, un des plus serrés de l'histoire du Kenya.
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