France
Le chercheur guinéen de 31 ans décédé à Rouen en 2019 après avoir été roué de coups a-t-il été victime d'un acte raciste ? Le procès de son agresseur présumé, souffrant de lourds problèmes psychiatriques, s'ouvre mercredi devant les assises.
L'accusé, âgé de 32 ans, interné en hôpital psychiatrique dans une unité pour malades difficiles depuis son interpellation, comparaît durant deux jours pour avoir le 19 juillet 2019 à Canteleu, dans la banlieue de Rouen, "volontairement commis des violences ayant entraîné, sans intention de la donner, la mort" de Mamoudou Barry, 31 ans, qui succombera le lendemain.
L'agresseur présumé est également poursuivi pour avoir commis ces faits en "raison de l'appartenance ou de la non appartenance" de la victime à une "prétendue race ou religion déterminée".
Selon l'accusation, l'épouse de la victime et mère de leur enfant alors âgé de 2 ans, a en effet "soutenu de manière constante que l'accusé avait tenu des propos racistes avant d'agresser son mari".
"Vous les noirs, vous êtes des fils de pute, on va vous niquer ce soir", a lancé, selon la jeune veuve, ce Français d'origine turque, faisant référence à la finale Sénégal/Algérie de la coupe d'Afrique des nations de football qui se jouait ce soir-là.
Devant les enquêteurs, l'accusé a reconnu avoir dit "sale noir" mais sans qualifier cette insulte de propos raciste.
Le chauffeur du bus dans lequel est monté l'agresseur après les faits a en outre indiqué l'avoir entendu dire "fils de pute de catholique ou chrétien".
La Licra et le Mrap sont parties civiles.
"Rupture de soin"
Reste que selon l'accusation, "il ressort des auditions de l'entourage" de l'accusé "qu'il n'avait nullement l'habitude de tenir des propos racistes".
L'avocate de l'accusé, Herveline Demerville, ne "souhaite pas échanger sur le dossier avant l'audience". En 2019 son avocat d'alors, Selçuk Demir, avait déclaré avoir un "gros doute sur le mobile". "Je ne pense pas que Damien puisse être à l'origine d'une agression raciste", avait-il déclaré le 23 juillet 2019.
Les coups violents font eux peu débat. L'accusé les a reconnus. L'enquête a montré que cet homme sous curatelle renforcée depuis 2013 "pouvait se montrer violent", "d'autant plus lorsqu'il se trouvait en rupture de soin", ce qui était le cas depuis un ou deux ans au moment des faits, selon les déclarations de ses parents aux enquêteurs.
L'accusé souffre de schizophrénie se manifestant par une activité délirante générant des troubles du comportement de type agressif. Son casier judiciaire affiche trois condamnations. Il encourt cette fois 20 ans de prison.
"On peut se demander comment ce profil de personne, au lourd passif, ne fait pas l'objet d'un contrôle plus lourd de l'autorité judiciaire", a dénoncé Antoine Vey l'avocat de la famille de la victime.
"C'est un acte tellement violent et gratuit, en pleine rue. M. Barry a voulu s'interposer pour calmer l'accusé qui agressait plus ou moins tout le monde dans la rue et malheureusement il est arrivé ce qu'il est arrivé (...) Il y a toute une communauté autour d'eux (la famille ndlr), la communauté guinéenne mais aussi la communauté universitaire rouennaise", a-t-il souligné.
La violente agression de Mamoudou Barry avait suscité de vives réactions en France et en Guinée.
Des milliers de Guinéens avaient assisté à son inhumation dans son village natal le 5 août 2019.
"Le gouvernement guinéen suit de très près l'évolution de l'enquête (...). Les crimes racistes ne peuvent être tolérés", avait déclaré le chef de la diplomatie guinéenne, Mamadi Touré, deux jours plus tôt.
Le 26 juillet 2019, 1.400 personnes avaient selon la police participé à une marche blanche en sa mémoire à Rouen.
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