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Mali : moins d'un an après le putsch, la junte reprend la main

Mali : moins d'un an après le putsch, la junte reprend la main
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MICHELE CATTANI/AFP or licensors

Mali

L'homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, a indiqué mardi avoir déchargé de leurs prérogatives le président et le Premier ministre de transition arrêtés la veille par les militaires, en les accusant de tentative de "sabotage" de la transition.

L'homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, a indiqué mardi avoir déchargé de leurs prérogatives le président et le Premier ministre de transition, coupables selon lui de tentative de "sabotage", dans ce qui s'apparente à un deuxième putsch en neuf mois. Dans une déclaration de reprise en main malgré l'atterrement causé chez les Maliens et la large réprobation internationale, le colonel Goïta a reproché au président Bah Ndaw et au Premier ministre Moctar Ouane d'avoir formé un nouveau gouvernement sans le consulter, bien qu'il soit en charge de la défense et de la sécurité, domaine cruciaux dans le pays sahélien en pleine tourmente.

Une telle démarche témoigne de leur part "d'une intention avérée de sabotage de la transition", a-t-il dit dans un message lu à la télévision publique nationale par un collaborateur en uniforme. Le colonel Goïta dit s'être vu "dans l'obligation d'agir" et de "placer hors de leurs prérogatives le président et le Premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation".

Autorités de transition

Les autorités de transition avaient annoncé l'organisation en février-mars 2022 d'élections présidentielle et législatives. Le colonel Goïta, plus vague, dit que la transition suivra "son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022". Le colonel Goïta avait conduit le 18 août 2020 le putsch contre le président élu Ibrahim Boubacar Keïta après des mois de contestation populaire. La junte avait ensuite installé des autorités de transition, dont Bah Ndaw, militaire à la retraite, et Moctar Ouane, diplomate.

Ils s'étaient engagés, sous pressions internationales, à rendre le pouvoir à des civils élus au bout de 18 mois, et non pas trois ans comme ils l'estimaient nécessaire. Ils conservaient cependant la main sur les leviers du pouvoir, avec le colonel Goïta dans le rôle taillé sur mesure de vice-président en charge de la sécurité.

Lundi, les militaires ont fait arrêter le président, le Premier ministre, le nouveau ministre de la Défense et de hauts collaborateurs, quelques heures à peine après la présentation d'un nouveau gouvernement à la suite de la démission du précédent, confronté à une contestation grandissante.

Ils les ont fait conduire de force au camp de Kati, haut lieu de l'appareil de Défense à quelques kilomètres de Bamako, où l'ancien président Keïta avait dû annoncer sa démission. "Ils sont sains et saufs. Ils ont passé la nuit dans de bonnes conditions. Le président a vu son médecin", a indiqué un haut responsable militaire s'exprimant sous le couvert de l'anonymat en raison de la volatilité de la situation.

Consternation et déjà-vu

Les colonels ont mal pris que deux des leurs aient été écartés des portefeuilles stratégiques de la Défense et de la Sécurité dans le nouveau gouvernement, qui maintenait pourtant l'emprise des militaires, disent les analystes.

Bien que prévisible, ce énième soubresaut a plongé les Maliens dans la consternation d'un inquiétant déjà-vu. Des appels à se rassembler à Bamako pour protester n'ont trouvé quasiment aucun écho. La capitale, en ce jour férié dédié à l'Afrique, affichait son visage habituel de trafic dense et de vendeurs à la sauvette.

Les militaires, accueillis initialement avec un a priori favorable par une population exaspérée par l'insécurité et la corruption, se sont exposés au reproche d'avoir pris goût au pouvoir. "Les militaires ne sont pas faits pour s'enrichir", disait Aliou Keïta, 60 ans, ancien soldat. "Nous, à l'époque on combattait et nos poches étaient vides, aujourd'hui c'est le contraire et leurs poches sont pleines". Au contraire, Mamadou Coulibaly, autre Bamakois, disait ne pas être "contre ces arrestations car nous soutenons les militaires. C'est à la population de les laisser faire leur travail".

Bamako allait au-devant d'une journée de rumeurs et d'activités diplomatiques et politiques, avec l'arrivée prévue dans l'après-midi du médiateur de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), Goodluck Jonathan. Tandis que les hashtags contre un nouveau putsch prospéraient sur les réseaux sociaux, la Mission de l'ONU (Minusma) démentait des tweets usurpant sa charte visuelle pour affirmer qu'un nouveau Premier ministre avait été nommé.

Crise politique

La Minusma, l'Union africaine (UA), la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni l'Allemagne et l'Union européenne ont condamné "fermement la tentative de coup de force". Ils rejettent par avance tout fait accompli, y compris une éventuelle démission forcée des dirigeants arrêtés. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé lundi "au calme" au Mali et à la "libération inconditionnelle" de MM. Ndaw et Ouane.

Selon des diplomates, le Conseil de sécurité pourrait tenir une réunion d'urgence dans les prochains jours. Une délégation du collectif qui avait mené en 2020 la contestation contre Ibrahim Boubacar Keïta et qui avait été marginalisé par les colonels, s'est rendue dans la nuit à Kati.

Cette crise politique renouvelée renforce les doutes quant à la capacité à tenir l'engagement d'organiser des élections début 2022, dans un contexte où de violences djihadistes et autres continuent sans relâche et où s'accumulent les signes de grogne sociale. La principale organisation syndicale vient d'annoncer une nouvelle grève pour cette semaine.

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