Italie
Ils ne multiplieront plus les pains : depuis près d'un siècle à Rome, les boulangers Arrigoni fournissaient les habitants du quartier et... les papes. Mais, le tourisme a tué le commerce et ils doivent maintenant mettre la clé sous la porte.
"Nous avons déjà éteint le four mardi", explique avec émotion Angelo Arrigoni qui, à 79 ans, continuait de travailler au Panificio Arrigoni (panificio est le mot italien pour boulangerie), la petite échoppe héritée de son père qui l'avait ouverte en 1930, à l'époque de Pie XI.
Au 126 Borgo Pio, à seulement cinq minutes à pied de la place Saint-Pierre, la clientèle du quartier a disparu.
"Le quartier a changé. Toutes les maisons qui, avant, étaient pleines de gens sont devenues des locations pour les touristes", une clientèle irrégulière qui préfère souvent se restaurer à l'extérieur, dans les innombrables restaurants de la Ville éternelle, regrette le boulanger.
Faute de clientèle fidèle et face à l'augmentation des coûts de l'énergie, Angelo Arrigoni a choisi de vendre.
Ses clients, qui viennent commander un panino (sandwich en italien) mais surtout faire un brin de causette, regrettent de voir disparaître un lieu aussi "authentique".
Francesca Pantusa, guide touristique trentenaire, vient manger son dernier sandwich préparé minute et avec soin par le propriétaire des lieux.
"Via Borgo Pio, ce ne sont que des restaurants touristiques [...] alors qu'ici, on trouve de bons produits, au juste prix et avec Angelo qui est incroyable, gentil, aimable, cordial… Ça me donne envie de pleurer", poursuit-elle.
Dans sa rue très touristique, le Panificio Arrigoni sort du lot : une devanture très simple et, notamment, pas de terrasse, un sujet encore sensible pour le boulanger. Il a essayé de diversifier son activité, en ouvrant par exemple un bar, mais il dit ne pas avoir été aidé par la municipalité.
"La mairie a fait la sourde oreille quand j'ai demandé de l'aide pour travailler avec les touristes, elle a toujours dit non".
Jusqu'à la terrasse, qui a fini d'achever la mésentente avec la ville. Après avoir installé quelques tables face à sa boutique, des policiers les lui ont fait enlever sous peine de payer 5 000 euros d'amende.
Autour, les restaurants voisins ont tous des terrasses...
Sur Twitter, Iacopo Scaramuzzi, journaliste spécialiste du Vatican pour le quotidien La Repubblica, a déploré qu'une ville "ivre de nostalgie n'ait pas été capable de préserver le patrimoine" et de sauver "le boulanger des papes, témoin discret et affable d'un morceau d'histoire du Vatican".
Angelo Arrigoni a bien cherché des repreneurs, mais sans succès. Son local est déjà vendu. Là où le pain était fait sur place depuis plus de 90 ans, il y aura désormais simplement un commerce sans production, "pour les touristes".
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