Soudan
Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre l'armée et les paramilitaires en guerre pour le pouvoir au Soudan, où une vingtaine de civils ont été tués dans des bombardements sur un marché de Khartoum.
"Il y a des tirs d'artillerie lourde", rapporte un habitant de la banlieue nord de Khartoum, sous un déluge de feu depuis la veille.
Lundi soir, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo avaient pourtant accepté une nouvelle trêve. Mais comme une dizaine d'autres, elle a fait long feu.
Après que l'armée a quitté les négociations censées créer des couloirs sécurisés pour les civils et l'aide humanitaire, la Maison Blanche a durci le ton.
Elle a annoncé des sanctions contre quatre entreprises: deux groupes d'armement de l'armée et deux sociétés, notamment une impliquée dans les mines d'or du Soudan, tenues par le général Daglo et deux de ses frères.
Selon une étude de 2019, ces deux derniers groupes ont fourni des millions de dollars aux FSR depuis et vers des comptes en dirhams aux Emirats arabes unis.
"Les sanctions sont un outil", convient le chercheur Alex de Waal. Mais le Soudan, sous sanctions américaines durant deux décennies, représente "un cas classique de sanctions qui n'ont jamais rien résolu", poursuit-il.
Car les deux généraux en guerre sont insaisissables: le général Daglo passe pour l'un des hommes les plus riches du Soudan --troisième producteur d'or d'Afrique-- et le général Burhane, comme tous ses pairs, a développé sous l'embargo des techniques pour contourner les sanctions internationales.
Pour l'auteure soudanaise Raga Makawi, les sanctions peuvent avoir "des conséquences dévastatrices sur la population: elles détruisent l'économie et font tout basculer dans des transactions illégales."
Appel "urgent" pour des dons de sang
Sur le terrain, la violence ne fait que grandir. Mercredi, "18 civils ont été tués et 106 autres blessés" par les tirs d'artillerie et les bombardements aériens de l'armée sur un marché dans le sud de Khartoum, rapporte un comité d'avocats des droits humains.
Le "comité de résistance", qui organise l'entraide entre les habitants du quartier, a dénoncé une "situation catastrophique", lançant un appel "urgent" pour "des médecins et des dons de sang".
Au même moment, les FSR tiraient sur des civils "qui voulaient les empêcher de voler la voiture de l'un d'eux", indique le comité. "Trois civils sont morts après avoir été touchés par des balles et empêchés par les FSR d'aller à l'hôpital".
La guerre a fait plus de 1.800 morts selon l'ONG ACLED, et plus de 1,2 million de déplacés.
En outre, plus de 350.000 personnes ont fui dans les pays voisins. Plus de 100.000 personnes sont au Tchad, selon l'ONU, chassés par les combats meurtriers au Darfour, de l'autre côté de la frontière, dont des régions entières sont totalement coupées du monde, sans électricité ni téléphone.
Là, de nouveaux appels à armer les civils font redouter une "guerre civile totale", selon le bloc civil évincé du pouvoir par le putsch de 2021 des deux généraux alors alliés.
Heba Rachid a fui Khartoum pour Port-Soudan (est) dans l'espoir de trouver un donateur pour lui payer un billet d'avion ou de bateau vers l'étranger.
"Les FSR ont tout détruit chez nous", raconte-t-elle. Et aujourd'hui, "on ne sait pas comment trouver à manger ni soigner nos enfants."
"Hôpitaux transformés en casernes"
Aucun couloir n'a été dégagé pour l'aide humanitaire, dont ont désormais besoin 25 des 45 millions de Soudanais. Les rares cargaisons qui ont pu être acheminées ne couvrent qu'une infime partie des immenses besoins.
"La situation sécuritaire réduit considérablement notre capacité à mener des activités humanitaires à Khartoum au-delà du suivi par téléphone", rapporte Fatima Mohammed Cole, numéro deux du Haut-Commissariat pour les réfugiés de l'ONU au Soudan.
"Toutes nos tentatives d'entrer dans la ville pour y aider les réfugiés ont échoué et nos deux bureaux ont été pillés", poursuit-elle.
La directrice du Programme alimentaire mondial (PAM), Cindy McCain, dénonce, elle, des pillages menaçant des stocks de nourriture "vitaux" pour "4,4 millions de personnes".
Déjà avant la guerre, un Soudanais sur trois souffrait de la faim, les longues coupures d'électricité étaient quotidiennes et le système de santé au bord de l'écroulement.
Le ministère de la Santé a accusé les FSR d'avoir volé "29 ambulances" et d'avoir transformé "34 hôpitaux" de la capitale en "casernes".
Les trois quarts des hôpitaux dans les zones de combat sont hors d'usage, les autres doivent composer avec des réserves quasiment vides et des générateurs à l'arrêt faute de carburant.
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