Madagascar
Andry Rajoelina a répondu aux questions d'Africanews. Dans cette interview, le président malgache fustige l'opposition tout en déroulant ses objectifs pour un deuxième mandat.
Monsieur le Président, une fois de plus dans votre pays, le contexte électoral est emmaillé de manifestations, d’affrontements avec la police et d’arrestations. Une suspension de ce scrutin vient d'être demandée par la cheffe du Parlement, ce que votre parti qualifie d’"idée farfelue". Pourquoi ?
Ce que vous dites par rapport à la situation politique à Madagascar ne reflète pas tout à fait la réalité. Je sillonne le pays depuis maintenant un mois et je vois surtout un peuple enthousiaste, reconnaissant des efforts accomplis et, surtout, qui a foi en l’avenir.
Bien évidemment, avec les réseaux sociaux et les médias, on a tendance à amplifier des évènements qui n’ont pas réellement l’envergure que leurs instigateurs prétendent donner. À cet égard, je salue la prise de responsabilité des forces de l’ordre contre les agitateurs qui les ont provoqués, les ont agressés avec des jets de pierre, ont perturbé la circulation et les activités des commerçants dans une partie du centre-ville de la capitale.
Concernant le processus électoral, nous sommes tous témoins qu’à quelques jours du scrutin, la population souhaite des élections. La CENI est prête pour leur tenue et les premiers observateurs internationaux sont déjà à Madagascar. L’ambassadeur du Japon, par exemple, a remis des véhicules et des motos à la CENI afin qu’ils soient utilisés pour la collecte des résultats et que cette élection se passe au mieux.
Nul besoin donc de s’attarder sur ces tentatives d’usurpation de la souveraineté du peuple à élire librement son Président de la République. Ce sont des combats d’arrière-garde d’une partie de la classe politique habituée, comme on dit chez nous "au retournement de veste" ou la trahison, et qui craignent d’affronter la vérité en maquillant leurs méfaits par des slogans soi-disant démocratiques alors que leurs actions visent à abattre cette même démocratie.
Comme dans tout État de droit, le mandat présidentiel est arrivé à son terme. Rien de plus normal que d’organiser des élections pour élire le Président de la République qui dirigera le pays pour les cinq prochaines années. Ce ne sont pas des revendications illégales ou illégitimes de quelques-uns qui vont remettre en cause le droit de vote de 11 millions d’électeurs.
La décision du président du Senat de se mettre à l'écart et la mise en place d'un gouvernement collégial cristallisent le mécontentement de l'opposition. On peut supposer que vous auriez pu jouer de votre entregent pour le rassurer et qu'il prenne le relais comme le prévoit la loi pour que Madagascar aille vers des élections apaisées. L'opposition se sent flouée et parle de manigance, est-ce à tort ?
L’opposition ne veut pas aller vers les élections, c’est un fait établi maintenant. Je le déplore et je pense que c’est un acte prémédité. Ils profitent tout simplement des dispositions constitutionnelles obligeant le Président de la République en exercice à démissionner 60 jours avant les élections - lorsqu’il se présente à sa réélection - pour déstabiliser le pays dans le but de mettre en place une transition dont personne ne comprend la finalité si ce n’est l’intérêt particulier de quelques-uns au détriment du développement du pays.
Tous les prétextes sont bons pour justifier leurs actions de déstabilisation. Pourtant, la mise en place d’un gouvernement collégial exerçant les fonctions de chef de l’État par intérim lorsqu’il y a un empêchement du Président du Sénat est prévu par la Constitution.
Je tiens au respect de la Constitution et au respect du calendrier électoral. Chacun a ses chances face aux électeurs, mais je constate que les candidats regroupés dans le "collectif" ne souhaitent pas présenter de programme. Peut-être simplement parce qu’ils n’en ont pas ? C’est leur choix de s’opposer juste pour s’opposer, mais ceux qui connaissent la Grande Ile ne sont pas dupes de leurs manœuvres politiciennes.
Concernant l’ancien président du Sénat, il a été prouvé qu’il a renoncé à exercer les fonctions de chef de l’État par intérim pour des raisons personnelles. Je respecte sa décision.
Pour rappel, dès la demande reçue du nouveau Président du Sénat pour exercer la fonction de Président de la République par intérim, la HCC a demandé au gouvernement collégial de transférer cette charge, ce qui a été fait sans aucune difficulté.
Le taux de participation sera bien sur un indicateur important. Pensez-vous que cette période préélectorale tendue peut avoir un impact sur le vote des Malgaches ?
J’incite mes concitoyens, à chacun de mes meetings, à accomplir leur devoir civique et j’ai confiance en leur sens de responsabilité. Dans leur très grande majorité, ils sont indifférents à toutes ses tentatives de manipulation.
Comme je vous l’ai dit précédemment, la campagne électorale se déroule normalement sur l’ensemble du territoire. Deux autres candidats font également campagne. La CENI fournit des efforts de sensibilisation de la population au vote et je ne peux, une nouvelle fois, que demander aux électeurs de se rendre massivement aux urnes le 16 novembre.
Vous avez fait campagne et annoncé "un certain nombre de réalisations sur le plan de l’éducation, les soins de santé". Mais sur les questions du panier de la ménagère ou les besoins basiques comme l’accès à l’électricité et l’eau, le chômage des jeunes où vous étiez très attendu, quelles sont les améliorations que vous pouvez apporter après votre premier mandat ?
Sachez que j’ai été le Président de la République qui s’est rendu le plus dans les districts, au-devant de la population, et à l’écoute de leurs besoins. Je connais parfaitement la réalité du terrain et, comme je le dis souvent, beaucoup a été fait et énormément reste à accomplir. Je suis à la fois sincère, lucide, réaliste et sensible à l’impatience de mes compatriotes qui vivent dans une grande précarité.
Je ne voudrais pas être trop long en vous listant tous les projets réalisés ou en cours de réalisation. Ceux-ci sont éloquents, couvrent l’ensemble du territoire et ont été salués à plusieurs reprises avec l’attribution de prix au niveau africain.
Pour répondre à votre question, au cours de mon premier mandat, le taux d’accès à l’électricité au niveau national a été doublé et je prévois un nouveau doublement dans le cinq années à venir.
J’ai lancé la construction du plus grand pipeline jamais réalisé dans le Grand-Sud de Madagascar. Il traversera une soixantaine de villages et permettra d’irriguer 80 000 hectares de terres agricoles. En complément, sur l’ensemble du territoire, nous avons réhabilité plus de 240 000 Ha de périmètres irrigués et aménagé 74 000 Ha de nouvelles surfaces cultivables et nous allons multiplier dans les années à venir les forages d’eau.
Nous menons actuellement une opération de sécurisation foncière en délivrant 2 millions de certificats fonciers. En garantissant ainsi le droit de propriété des terres des agriculteurs, nous leur permettons d’accéder à l’économie formelle, à l’accès à des financements et de ce fait à l’accroissement des rendements par hectare. Tous les ingrédients sont en place pour le développement de Madagascar dans les années à venir, mais c’est ce sentiment d’inachevé et l’amour de la patrie qui me pousse à me présenter pour un nouveau mandat.
Justement, M. Rajoelina, un nouveau mandat pour quels objectifs ?
Je brigue un nouveau mandat dans l’unique but de servir le peuple malagasy. Le plus important pour moi est d’avoir l’opportunité d’œuvrer pour le bien être de mes concitoyens.
Mon premier mandat a été réduit de deux ans à cause de la Covid-19. Dans ce contexte mondial exceptionnel, nous nous sommes surtout focalisés sur la protection de la population et la relance de l’économie après la crise sanitaire. Mon agenda a été complètement bouleversé car il était impossible de mettre en œuvre toutes les grandes réformes prévues quand l’économie mondiale était aux ralenti.
Malgré cette conjoncture difficile, le pays est en chantier et des milliers d’infrastructures sont sorties de terres dans le but de rattraper le retard de développement dans le domaine de l’éducation, de la santé, de la sécurité publique, et des infrastructures routières telle que la construction de la première autoroute ou du téléphérique dans la capitale pour réduire les embouteillages.
Mes objectifs sont clairs et je les ai partagés avec la population durant toute la campagne électorale. Au cours de mon deuxième mandat, le "capital humain" sera une priorité absolue avec, entre autres, l’éducation, la santé, la formation, la protection sociale, l’emploi, les jeunes, les femmes, la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau.
Le deuxième pilier de mon mandat sera l’industrialisation, qui est source d’emplois et d’accroissement du PIB, avec tout particulièrement l’agriculture, les mines et ressources stratégiques, le tourisme et l’économie bleue, les télécommunications et l’artisanat, le textile, et, bien évidemment, avec pour objectif de créer le maximum de valeur ajoutée sur notre sol.
La lutte contre le chômage ou le sous-emploi est une urgence : des formations professionnalisantes de masse seront données à la jeunesse pour qu’ils puissent créer leurs propres activités génératrices de revenus. Nous disposons déjà d’un dispositif de financement pour le soutien à la création d’entreprise, dénommé "Fihariana". À ce jour, plus de 26 000 projets ont obtenu de financement à travers cette démarche.
Nous avons surtout adopté une série de réformes pour améliorer l’attractivité de Madagascar dans le secteur minier, les télécommunications, l’industrie légère et moderne comme le textile, qui emploie déjà 150 000 personnes, en adoptant un nouveau code des investissements. Le secteur agricole connaîtra des investissements importants pour améliorer la productivité agricole permettant d’atteindre rapidement l’autosuffisance alimentaire.
Des projets de grande envergure sont en phase de développement en PPP pour corriger nos faiblesses dans le secteur de l’énergie telle que la construction de deux barrages hydroélectriques (Sahofika et Volobe) et permettra à terme une énergie à un prix plus abordable. La finalité de toutes ses actions sera de réduire significativement le taux de pauvreté dans les prochaines années et améliorer les conditions de vie de mes compatriotes.
Tous les ingrédients sont en place pour permettre à Madagascar de décoller dans les années à venir. La population le sait, l’opposition le sait. Je mettrai tout en œuvre pour que l’ensemble de mes compatriotes bénéficient des fruits de cette croissance.
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