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France : des migrants apprennent à nager pour vaincre le traumatisme

Un membre de "Welcome 66" apprend à nager à un migrant à Canet-en-Roussillon, dans le sud de la France.   -  
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RAYMOND ROIG/AFP or licensors

France

A Canet-en-Roussillon (sud de la France), l'association Welcome 66 donne des cours de natation en mer aux réfugiés et demandeurs d'asile pour les réconcilier avec la mer, souvent nécessaire après une traversée difficile ou un traumatisme.

Mohamed, un migrant mauritanien, fait ses premiers pas dans l'eau, accompagné par une maître-nageuse qui l'aide à vaincre sa peur, née lors de la traversée de la Méditerranée en novembre 2022, au péril de sa vie.

A quelques mètres des parasols des vacanciers, sur la plage de la station balnéaire de Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales), des migrants font leurs premières brasses.

Sur une embarcation de fortune, avec soixante passagers, Mohamed a passé quatre jours en mer entre le Maroc et la France pour tenter de rejoindre la côte. "On était serrés avec juste un sac à dos à nos pieds", se remémore cet homme de 31 ans, d'un gabarit imposant, le regard fuyant. "Je ne pouvais plus faire marche arrière et retourner chez moi". Quelques mois plus tard, il retrouve les eaux qui auraient pu l’emporter, pour les apprivoiser.

"On voit l'évolution en quelques séances. Ils sont passés d’une phobie à l'éclate dans l'eau", sourit Corinne Grillet, fondatrice de l'association Welcome66, basée à Perpignan, qui donne des cours de natation à des exilés, chaque mardi.

"La mer fait peur"

Avant de défier les vagues, Mohamed et les autres jeunes venus ce matin-là suivent attentivement les instructions de Delphine Bassols, ancienne maître-nageuse qui assure les cours. "Il faut suivre le courant et ne pas paniquer", leur donne-t-elle comme consigne.

Dans l’eau, Mohamed tente quelques brasses et se laisse porter par le courant. A côté de lui, les rires d'Abdirahman, Somalien de 23 ans, accompagnent le rythme des vagues. C’est la septième fois qu’il vient. Plus confiant, il sait à présent nager le crawl. "Mais je ne m’éloigne pas trop quand même", avoue-t-il.

Venu de Somalie, il a dû monter à bord d'un bateau dangereusement chargé pour venir en France. Il y a un mois, la mer a emporté un de ses amis qui tentait de traverser. "La mer fait peur", dit-il pudiquement.

Devant les progrès du jeune Somalien, Delphine Bassols s'extasie. Pour cette ancienne compétitrice de nage synchronisée, donner des cours aux jeunes migrants "c'est leur donner un bout de liberté", explique-t-elle.

Ali, lui, ne veut pas aller dans l'eau, apeuré par l'ampleur des vagues. Hors de question pour lui de parler de son parcours, contrairement à Souleyman, 28 ans, parti de Mauritanie pour arriver en France, il y a un an et deux mois.

"Je n'ai pas peur (d'apprendre à nager), prétend-il. J'ai dû traverser la mer pour venir en Europe". Le jeune homme a affronté la mer Méditerranée à bord "d'un petit bateau où on était quarante-six", confie-t-il.

Vague d'angoisse

Une fois dans l'eau, Souleyman cache difficilement son inquiétude face aux vagues. Le regard déterminé, il suit les encouragements de son enseignante. "Avec les vagues c'est un peu compliqué, mais ça va", dit-il.

"Quand Souleyman faisait la planche je supportais sa tête et je sentais sa crispation (...). Il cache (sa peur) avec le rire", observe Delphine Bassols.

Des milliers de femmes et d'hommes meurent en mer chaque année lors de leur traversée, causant des dommages psychologiques pour les survivants, rappelle Jacky Roptin, psychologue du Centre Primo-Lévi, spécialiste de l'accompagnement des migrants.

"Ce traumatisme peut souvent être voilé. Car on imagine plutôt des traumatismes propres à ce qu'ils ont vécu dans leur pays. On aurait tendance à penser, parfois, que ce qu'ils vivent en mer serait d'un niveau de violence inférieur", poursuit-il.

Pour Jacky Roptin, le traumatisme lié à la traversée "n'est pas uniquement la peur de boire la tasse. La mer est faite de mouvements ondulatoires. Et à chaque mouvement, ils se disent que le prochain va les avaler corps et âme", une sensation accentuée par "la honte de ne pas savoir nager".

C'est l'angoisse et la peur qui hantaient les jeunes migrants de son association, qui ont poussé Corinne Grillet à organiser des cours de natation. Il y a deux ans, face à la réaction des jeunes qu'elle accompagne, à la vue de la mer, Corinne Grillet a décidé de les réconcilier avec le milieu aquatique.

"Je me suis dit que c'était vraiment dommage d'habiter dans une région comme celle-là et d’avoir cette appréhension, voire cette phobie de l'eau", décrit la fondatrice de l'association.

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