Afrique du Sud
Du jour au lendemain, ou presque : les coupures d'électricité en Afrique du Sud sont soudainement passées de 12 à deux heures par jour, depuis plusieurs semaines, surprenant une population dont le quotidien est miné depuis des mois par la crise énergétique.
Le ministre de l'Électricité, Kgosientsho Ramokgopa, n'avait pas mâché ses mots avant l'arrivée du froid dans le pays d'Afrique australe : "Je vais être brutalement honnête. L'hiver sera incroyablement difficile". C'était sans compter avec le phénomène météorologique El Niño.
Selon les experts en énergie, la demande en électricité depuis le début de l'hiver austral en juin a été moindre que redoutée, en raison de températures anormalement élevées pour la période.
Une augmentation des tarifs a aussi poussé les entreprises à consommer raisonnablement, selon le spécialiste Tshepo Kgadima. "Même au plus fort de l'hiver, la demande aux pics de consommation est d'environ 30 000 mégawatts au lieu des 37 000 mégawatts prévus" par le gouvernement, explique-t-il à l'AFP.
Les experts prévoient même une baisse à 25 000 MW dans un avenir proche, alors que la crise de l'énergie n'avait fait que s'aggraver depuis l'an dernier. La compagnie publique d'électricité, Eskom, incapable de produire suffisamment, avait ces derniers mois imposé des coupures records.
Le secrétaire général de l'ANC au pouvoir, Fikile Mbalula, a salué mercredi un "revirement", assurant que le "redressement" d'Eskom sauvera le pays "d'effets socio-économiques dévastateurs liés à la pénurie d'énergie".
Un enjeu crucial à moins d'un an d'élections générales où l'ANC risque, pour la première fois de son histoire, de perdre sa majorité.
La première industrie d'Afrique a parallèlement produit davantage d'électricité. Eskom a déclaré fin juin avoir atteint une productivité de 60% en moyenne dans ses centrales qui fonctionnent principalement au charbon.
"La production commence à suivre la demande. C'est pourquoi nous commençons à voir que pendant certaines périodes de la journée, environ les deux tiers, nous n'avons pas de délestage, nous commençons à équilibrer la situation", s'est félicité le week-end dernier M. Ramokgopa.
Cette énergie supplémentaire disponible est toutefois en partie produite par des groupes indépendants auxquels Eskom rachète la production "à des prix exorbitants", plus de cinq fois supérieurs au coût dans ses centrales, souligne M. Kgadima.
La production d'Eskom est aussi dépendante du diesel dont le prix est en hausse constante : pour combler le déficit d'approvisionnement, la société s'appuie sur des turbines à gaz de secours qui brûlent 14 litres de diesel par seconde, soit 50 400 litres par heure.
La compagnie a prévu un budget annuel de près de 1,5 milliard d'euros uniquement pour l'achat de diesel.
La production a aussi bénéficié d'un effet mécanique : traditionnellement pendant l'hiver, anticipant une forte poussée de la demande, Eskom ralentit les opérations d'entretien sur les 14 centrales du pays.
Cette année, l'entreprise a conservé un maximum d'unités en service, réduisant la maintenance à 7% de la capacité totale du parc, contre 13% en moyenne en été. "Il y a un risque très important à ne pas maintenir l'entretien" des centrales, souligne l'experte en énergie, Lungile Mashele.
Eskom a d'ailleurs annoncé mardi la reprise des délestages en journée à cause d'une "augmentation des défaillances des unités de production".
Le pillage des caisses publiques pendant la présidence Zuma (2009-2018) et le manque d'entretien des centrales, dont la moyenne d'âge est d'aujourd'hui de 35 ans, sont parmi les principales causes évoquées à la crise de l'électricité en Afrique du Sud.
Selon le PDG démissionnaire d'Eskom, Andre de Ruyter, la corruption coûte 55 millions de dollars par mois à la compagnie.
Après sa nomination fin 2019, l'homme d'affaires blanc de 55 ans avait suspendu plusieurs hauts responsables pour "faute" ou "manque de résultats" et réussi à réduire partiellement la dette colossale de la compagnie, équivalente aujourd'hui à 23 milliards de dollars et que le gouvernement tente d'éponger.
Mais "tant qu'il n'y aura pas de capacités de production supplémentaires, il y aura un risque inhérent de délestage", a maintes fois prêché le PDG qui a démissionné en décembre.
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