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Centrafrique : l'agriculture durable fait son chemin

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BARBARA DEBOUT/AFP or licensors

République Centrafricaine

Malgré des ressources en eau abondantes et des millions d'hectares de terres arables, la République centrafricaine souffre de la faim. Dans La Lobaye, une région du sud-ouest réputée pour sa fertilité, une poignée d'investisseurs privés ont relevé le défi de développer l'agriculture de façon inclusive et durable.

Le long de la route, des savanes verdoyantes, des forêts denses sillonnées de rivières, des arbres gorgés de fruits ou tachetés de fleurs multicolores. La région fertile de la Lobaye, aux portes de la capitale centrafricaine Bangui, ressemble à un jardin d'Eden.

Les guerres civiles et les exactions de nombreux groupes armés au cours des 20 dernières années ont relativement épargné cette zone forestière. C'est ici qu'une poignée d'investisseurs privés ont décidé de capitaliser sur l'immense potentiel agricole, encore largement inexploité de ce pays.

Urgence alimentaire

Près de la moitié de la population se trouve en état d'urgence alimentaire, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Cette situation est héritée de décennies de conflits armés et de mauvaise gouvernance, dans un pays où l'extraction minière est au centre des ambitions politiques et offre des revenus plus immédiats aux jeunes non qualifiés. Même l'agriculture vivrière est à peine développée : le manioc, la base des repas, est importé aux deux tiers.

Les millions versés par les organisations internationales au titre de l'aide alimentaire sont perçus par de nombreux Centrafricains comme des réponses d'urgence au détriment du développement.

"On ne peut pas venir distribuer de la nourriture gratuite et demander à quelqu'un d'aller travailler. C'est lui inculquer une mentalité d'assisté", s'insurge Raed Harriri, directeur général de la société Palme d'or, seul représentant à grande échelle du secteur agroalimentaire. Un discours régulièrement entendu chez les petits agriculteurs.

Libanais d'origine, né et éduqué en République centrafricaine, Raed Harriri y est une figure connue. Il défend un modèle de développement pragmatique guidé par l'investissement privé qui ne refuse pas le profit mais offre des débouchés aux agriculteurs locaux en développant la transformation des produits.

"Politique de proximité"

"Nous prônons une politique de proximité. Il faut aller vers les petits producteurs, les former, les réunir en coopératives et mettre des moyens à leur disposition, puis nous achetons leur production. Et s'ils ont des difficultés à gérer leur budget entre deux cycles de récolte, nous leur garantissons des prêts auprès d'organismes de microfinance", explique-t-il.

Peu importe que le climat des affaires soit notoirement difficile et que les acteurs armés ne soient pas très sympathiques. "Il suffit de connaître les réseaux et les habitudes", dit-il dans son bureau où des portraits de Thomas Sankara, héros panafricain, côtoient ceux de l'actuel président centrafricain Faustin Archange Touadéra, qu'il rencontre régulièrement. La société mère de la Palme d'or, Al Sahely, a été accusée par des ONG de payer des milices pour protéger ses opérations au début de la guerre civile en 2013. Mais elle reste aujourd'hui l'un des seuls pourvoyeurs d'emplois dans l'agrobusiness.

Hérité de la période coloniale française, le secteur agricole, basé sur l'exportation de produits non transformés, n'a pas résisté aux fluctuations des cours mondiaux depuis l'indépendance en 1960.

"Produire pour exporter des produits bruts n'est pas la bonne méthode", plaide Jean-Luc Tété, un Franco-Centrafricain qui a fait le pari de développer une agriculture dite "régénératrice" dans la Lobaye. Cette technique permet au sol de se reposer après avoir été fatigué par les feux de brousse incessants que les chasseurs allument pour chasser le petit gibier.

"Nous combinons les cultures, nous évitons les labours profonds et nous industrialisons les connaissances agricoles traditionnelles, ce qui signifie que nous n'utilisons pratiquement pas d'engrais. Cela nous permet d'avoir des coûts de production extrêmement bas", explique cet entrepreneur qui ambitionne de créer un modèle exportable en Afrique.

De plus en plus d'individus issus de la diaspora tentent de revenir à la terre. "Mais il faut être accepté", précise Tété, dont le quotidien implique de longues discussions avec les autorités traditionnelles. "Ce sont les chefs de village qui déterminent où nous pouvons nous installer, et 20% des bénéfices sont investis dans l'éducation, la santé et les infrastructures", précise-t-il.

"C'est un partenariat", a déclaré Jean Claude Silakamako, un chef de village, après la réunion. "Nous offrons nos terres, notre intelligence aussi, maintenant c'est à eux de venir avec nous" a-t-il déclaré.

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