France
Le jugement est tombé : l'ex-président français Nicolas Sarkozy a été condamné à trois de prison, dont un an ferme, pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite des écoutes.
Le tribunal correctionnel de Paris a rendu lundi son jugement dans l'affaire dite des "écoutes", alors que le Parquet national financier (PNF) avait requis contre l'ex-président quatre ans d'emprisonnement, dont deux ferme. Le tribunal correctionnel a estimé qu'un "pacte de corruption" avait été conclu entre l'ex-président, Me Thierry Herzog et l'ancien haut magistrat Gilbert Azibert, également condamnés à trois ans de prison dont un an ferme.
Une décision historique plus de neuf ans après la condamnation de Jacques Chirac à deux ans de prison avec sursis dans l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris. Nicolas Sarkozy, qui a été "garant de l'indépendance de la justice, s'est servi de son statut d'ancien président (...) pour gratifier un magistrat ayant servi son intérêt personnel", a déclaré la présidente, Christine Mée, estimant que le "pacte de corruption" était bien constitué.Nicolas Sarkozy, qui a toujours affirmé n'avoir jamais commis "le moindre acte de corruption", a écouté le délibéré debout face au tribunal, impassible. Son avocate Jacqueline Laffont a annoncé que l'ex-président faisait appel.
Financement libyen
Pour tout comprendre, il faut revenir en 2013, quand les juges décident de mettre sur écoute l'ancien Président dans le cadre d'une enquête sur un possible financement libyen de la campagne présidentielle de 2007. Nicolas Sarkozy utilise un portable secret avec une carte prépayée et un pseudonyme, Paul Bismuth, pour communiquer avec son avocat. Ensemble, ils évoquent la décision que doit bientôt prendre la Cour de cassation concernant les agendas de l'ancien Président, saisis dans le cadre de l'affaire Bettencourt, où il a obtenu un non-lieu.
La Cour de Cassation doit déterminer si ces agendas peuvent être utilisés dans d'autres dossiers qui impliquent Nicolas Sarkozy. Les écoutes mènent les juges à soupçonner l'ex-Président et son avocat de vouloir influencer cette procédure, en faisant intervenir le premier avocat général près la cour de Cassation, Gilbert Azibert, en échange de lui faire obtenir un poste au Conseil d'Etat à Monaco.
Si deux des 21 conversations retranscrites et issues des écoutes ont été écartées, le tribunal a jugé que les autres prouvaient qu'un "pacte de corruption" a été conclu entre Nicolas Sarkozy, son avocat et Gilbert Azibert. "Il a bossé hein !", lance notamment Me Herzog dans un des échanges lus à l'audience. "Moi, je le fais monter", affirme un autre jour Nicolas Sarkozy.
Pacte de corruption
Ces conversations n'étaient que des "bavardages entre amis", ont argué les avocats de la défense, qui ont brocardé les "fantasmes", "hypothèses" et "procès d'intention" de l'accusation. Face à un "désert de preuves", ils ont plaidé à l'unisson la relaxe des prévenus, qui encourent jusqu'à dix ans de prison et un million d'euros d'amende.
Devant le tribunal, ils ont fait valoir qu'in fine, Nicolas Sarkozy n'a pas eu gain de cause devant la Cour de cassation et que Gilbert Azibert n'a jamais eu de poste à Monaco. Mais selon la loi, il n'est cependant pas nécessaire que la contrepartie ait été obtenue, ni que l'influence soit réelle, pour caractériser les délits de corruption et de trafic d'influence.
Tout au long du procès, dans une ambiance houleuse, la défense a pilonné un dossier "poubelle", réclamant l'annulation de la totalité de la procédure, basée selon elle sur des écoutes "illégales" car violant le secret des échanges entre un avocat et son client.
L'ancien président Nicolas Sarkozy a lui dénoncé une "instrumentalisation politique" de la justice. Ce à quoi l'actuel patron du PNF, Jean-François Bohnert, avait répondu : "Personne ici ne cherche à se venger d'un ancien président de la République".
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