Mozambique
Le lent travail de dépouillement des voix était en cours mercredi au Mozambique au lendemain des élections générales, dans un climat de tensions suscitées par les irrégularités relevées par la société civile et les risques de fraude dénoncés par l’opposition.
Mis à jour à 14h 40 GMT
Le président sortant Filipe Nyusi, 60 ans, et son parti le Front de libération du Mozambique (Frelimo), qui dirige le pays sans partage depuis 1975, devraient remporter une nouvelle fois la présidentielle et les législatives.
Mais leur grande rivale de l’opposition, la Résistance nationale du Mozambique (Renamo), espère profiter des élections provinciales pour grignoter quelque miettes de pouvoir en prenant le contrôle de plusieurs des dix provinces, une grande première.
Le gouvernement et l’ex-rébellion de la guerre civile (1975-1992) ont signé en août un accord de paix censé mettre un point final à leurs affrontements, souvent violents, récurrents depuis plus de quarante ans.
Mais la récente campagne électorale a ravivé les violences entre les deux camps, au point d‘être considérée comme l’une des plus violentes de l’histoire du Mozambique.
Des observateurs d’ONG mozambicaines ont relevé, lors du vote, une multitude d’incidents et d’irrégularités graves qui ont renforcé les soupçons de fraude formulés depuis des semaines.
Entre autres anomalies, ils se sont inquiétés de l’existence de nombreux électeurs “fantômes”, notamment dans la province de Gaza (sud) où le Frelimo règne en maître absolu depuis toujours.
“Gros risque de falsification”
Tentatives de bourrages d’urnes, expulsion d’observateurs et incendie d’un bureau de vote: la première liste, loin d‘être exhaustive, publiée au lendemain du scrutin par les deux plateformes d’ONG de la société civile, est longue.
Dans la province de Nampula (centre) favorable à la Renamo, la police est intervenue mardi avec des gaz lacrymogènes et des tirs de sommation pour disperser des partisans de l’opposition qui occupaient les bureaux pour “protéger leur vote”, selon un porte-parole de Sala da Paz, Hermenegildo Mulhovo.
Dans la ville de Nampula, un électeur a été tué par la police dans des conditions encore floues, a-t-il ajouté à l’AFP. Les autorités n’ont pas immédiatement confirmé l’incident.
Dans l’ensemble, “on ne peut pas dire jusque-là que le processus a été à 100% libre et équitable”, a résumé M. Mulhovo, “mais il est raisonnablement acceptable par les partis politiques”.
“Il y a eu plutôt moins de violences que lors des jours d‘élections passées”, a confirmé à l’AFP le directeur de la Plateforme pour la transparence électorale, Egidio Guambe, “nous allons maintenant essayer d’assurer la transparence du processus de dépouillement”.
Et c’est là que va se jouer la crédibilité du scrutin, s’empressent d’assurer les deux plateformes. “La plupart des problèmes et des anomalies surviennent juste après le vote, pendant le comptage”, a noté Hermenegildo Mulhovo, “il y a un très gros risque de falsification des procès-verbaux de dépouillement”.
L’an dernier, la société civile avait dénoncé des fraudes massives lors des élections locales, remportées par le Frelimo malgré le plus faible score national de son histoire (51,8% des suffrages).
“Elections surveillées”
Affaibli par une grave crise financière et une insurrection jihadiste meurtrière en cours depuis deux ans dans sa province natale du Cabo Delgado (nord), le sortant Filipe Nyusi a balayé tout risque de fraude.
Il a rappelé mardi, après avoir voté, que ces élections générales étaient “les plus surveillées de l’histoire”, avec la présence de milliers d’observateurs.
Son principal adversaire dans la course à la présidentielle, le chef de la Renamo Ossufo Momade, lui a répondu aussi sec: “Si les résultats sont manipulés, nous ne les accepterons jamais”.
Sollicité par l’AFP, le Frelimo n’a pas souhaité faire mercredi de commentaire sur les opérations électorales.
De son côté, la commission électorale a fait savoir qu’elle ne publierait pas cette année de résultats partiels, ainsi qu’elle avait coutume de le faire, mais uniquement les résultats complets dans le délai légal de quinze jours qui lui est imposé.
Une très mauvaise nouvelle pour la société civile. “La publication des résultats prend beaucoup de temps, cela ouvre la voix aux irrégularités et à la violence”, a mis en garde Egidio Guambe. “Plus vous retardez la publication, plus vous créez de la suspicion et des risques de tensions”, a renchéri son “confrère” Hermenegildo Mulhovo.
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