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Quand une crise humanitaire en éclipse des dizaines d'autres

Quand une crise humanitaire en éclipse des dizaines d'autres
Le camp de déplacés de Bulengo dans l'est du Congo,le 23 août 2023.   -  
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Crise humanitaire

"Ce n'est pas parce que les infos se terminent que les crises ne sont plus d'actualité", plaide Handicap International dans un clip choc. Sorti juste avant le conflit entre Israël et le Hamas, il rappelle le tiraillement des ONG entre urgences humanitaires et programmes au long cours.

"Les catastrophes climatiques s'accélèrent et se rajoutent aux conflits", relève Florence Daunis, directrice des opérations pour Handicap. "Dans les années 1990, il y avait une sécheresse tous les sept ans, désormais il y en a chaque année, et dans cette compétition de crises, certaines sont plus proches du cœur ou des intérêts des bailleurs que d'autres".

"Toute nouvelle crise déclenche un afflux de dons, puis va immanquablement générer aussi une fatigue dès qu'elle va sortir des radars internationaux et médiatiques", renchérit Kevin Goldberg de Solidarités International.

C'est le cas d'Haïti, du Yémen, de la République démocratique du Congo et des réfugiés rohingyas, mais aussi de programmes sur la tuberculose ou la nutrition qui, de l'avis d'ONG, ont pu pâtir du financement alloué aux effets de la guerre en Ukraine.

Car passé la phase aiguë, les urgences se transforment en une prise en charge au long cours, et "l'accompagnement des populations prend du temps, ce que les bailleurs oublient", déplore Mme Daunis d'Handicap.

Le slogan de campagne de l'ONG, "Où il faut tant qu'il le faut", peut donc s'avérer compliqué à tenir.

Niveau record

Pour les ONG françaises, les ressources ont progressé de 43% entre 2016 et 2020, tirées par le développement des financements publics (+63%) et privés (+22%), selon une étude de Coordination Sud. Solidarités International a vu son budget bondir de 70% depuis 2017, Médecins sans frontières (MSF) ses missions d'urgence passer de 42 millions d'euros en 2021 à 67 millions estimés en 2023, avant la crise à Gaza, commentent depuis Paris les deux organisations.

"Mais les dépenses augmentent plus vite que nos ressources, depuis deux, trois ans", souligne Sébastien Granier, directeur financier de MSF, sur fonds d'inflation et de coûts accrus pour la sécurité des équipes.

Le nombre de personnes ayant besoin d'une aide humanitaire a en effet plus que doublé au cours des cinq dernières années. Rien qu'en 2022, il a augmenté d'un tiers pour atteindre environ 406,6 millions de personnes.

"Le sous-financement chronique et le niveau record des besoins humanitaires mettent le système à rude épreuve", relevait en juin Antonio Guterres, le secrétaire général de l'ONU qui, à la moitié de l'année, n'avait reçu que "20% des fonds nécessaires dans le cadre de l'appel humanitaire mondial".

Depuis, il y a eu des séismes meurtriers au Maroc et en Afghanistan, l'exode au Haut-Karabakh et le pilonnage de la bande de Gaza par Israël en représailles à l'attaque sanglante du Hamas.

"Si un bailleur se retire du financement d'intrants, l'impact peut être massif, comme par exemple sur les Plumpy'Nut", aliment thérapeutique pour soigner la malnutrition sévère: "c'est de suite une facture à 1 ou 2 millions d'euros. On est alors obligé de faire des choix car on a un budget contraint", commente M. Granier.

Les ONG décrivent des arbitrages constants et douloureux, en dépit de la générosité des particuliers, qu'elles alimentent à grand renfort de campagnes.

Certaines réduisent à une portion congrue leur équipe ici, d'autres instaurent des triages de patients ailleurs voire ferment des programmes en dépit de besoins toujours brûlants.

"Ce n'est pas tenable de continuer d'essayer d'apporter des réponses humanitaires si les problèmes politiques et géopolitiques ne sont pas résolus. Nos limites sont testées, on est même au-delà", commente par téléphone Deepmala Mahla, vice-présidente des affaires humanitaires pour CARE, association fondée aux Etats-Unis.

Comme elle, Roslyn Boatman, d'Oxfam Moyen-Orient, exhorte par e-mail le nécessaire "effort de tous pour s'attaquer aux causes profondes" et "trouver des solutions durables", comme celles de "veiller à ce que les femmes jouent un rôle significatif dans les processus de paix" ou de "veiller à ce que les inégalités qui se creusent dans la région soient enrayées".

Renforcer les réseaux avec les partenaires locaux, investir dans l'anticipation des crises en préparant la population sont autant d'autres pistes évoquées par les ONG.