Soudan
"On ne mange plus qu'un repas par jour et j'ignore pour combien de temps encore" : Imed Mohammed, instituteur depuis 32 ans, n'a plus touché de salaire depuis mars, comme tous les fonctionnaires pris dans les tourments de la guerre au Soudan.
La guerre qui ravage son pays depuis le 15 avril n'a certes pas gagné son État d'Al-Jazira, au sud de Khartoum, mais depuis trois mois, il n'a pas touché de salaire, encore moins les primes promises pour les fêtes musulmanes de l'Aïd el-Fitr en avril et de l'Aïd al-Adha en juin.
Dès les premiers échanges de tirs entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR), des paramilitaires dirigés par le général Mohamed Hamdane Daglo, les banques ont fermé à Khartoum.
C'est aussi le cas dans les 17 autres États du Soudan : les agences sont incapables d'établir tout contact avec leurs sièges dans la capitale, car les bombardements et autres raids aériens ont sérieusement endommagé l'électricité, les lignes téléphoniques et les réseaux de communication.
Ce chef de famille de cinq membres raconte à l'AFP avoir attendu en vain un virement en avril, puis en mai, puis en juin, à l'instar des autres fonctionnaires, environ un million selon un recensement informel puisque l'État soudanais ne fournit que peu de chiffres officiels.
Pour Ammar Youssef, à la tête du Comité des instituteurs, le fait que les enseignants du public comme du privé n'aient pas touché une livre soudanaise depuis le début de la guerre plonge "ces professeurs et leurs familles dans une situation catastrophique", venue s'ajouter aux horreurs d'une guerre qui a déjà fait environ 3 000 morts et trois millions de déplacés et de réfugiés.
Selon lui, non seulement "ils ne peuvent plus nourrir leur famille mais en plus, ils ne peuvent pas fuir les zones de combat faute d'argent" pour payer les transports, alors que le prix du carburant a été multiplié par 20 dès le début du conflit.
"Ceux que la guerre ne va pas tuer mourront de faim", s'alarme-t-il. Le Soudan et ses 48 millions d'habitants en lutte contre la flambée des prix des denrées alimentaires font désormais partie des zones en alerte maximale face à une possible famine, selon l'ONU.
Les salaires des 300 000 enseignants du public étaient déjà dérisoires avant la guerre, rappelle M. Youssef. Depuis le 15 avril, le ministre de l'Éducation est aux abonnés absents, accuse-t-il. Les seuls fonctionnaires qui ont été payés sont les militaires.
Début juillet, la Banque centrale a annoncé avoir rétabli le fonctionnement de ses antennes dans la plupart des États du pays, relançant les espoirs de certains fonctionnaires.
Pour l'économiste Mohammed al-Nayer, si les salaires ne sont pas payés, c'est uniquement de la faute du ministère des Finances car, selon lui, les Finances devraient fonctionner normalement dans les "15 États non touchés par la guerre".
Le ministre des Finances, Gibril Ibrahim, un ex-rebelle désormais aligné sur l'armée, continue d'organiser des conférences de presse pour assurer que l'année fiscale n'est pas menacée.
M. Nayer prévoit "une situation encore plus dégradée dans les mois à venir" dans ce pays, de longue date l'un des plus pauvres au monde où l'inflation, bien avant la guerre, était à trois chiffres.
"On ne comprend pas pourquoi nos salaires ne sont pas payés et pourquoi l'État ne nous verse pas ce qui nous est dû", s'emporte Alsamani Mohammed, fonctionnaire du ministère de l'Agriculture.
Sans réponse de Khartoum jusqu'ici, plusieurs syndicats s'organisent. Un front regroupant médecins, ingénieurs, enseignants et journalistes a récemment annoncé "des mesures d'escalade si les salaires ne sont pas payés".
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