Nigéria
La graine de bambara, l'ingrédient star de notre deuxième épisode, est une graine de la famille des légumineuses. Elle est principalement cultivée par des petits agriculteurs à travers l’Afrique subsaharienne pour nourrir leur famille.
Elle est un peu la super star des cultures oubliées. Connue pour être un ‘aliment complet’, elle a de nombreuses facettes. Elle peut être cultivée dans les sols les plus pauvres et résister aux climats les plus difficiles.
Au Nigeria, en particulier à l'est du pays, vous la trouverez fraîchement grillée, débordant des paniers des femmes qui les vendent au marché ou emballée dans des feuilles de palmier sous la forme d’un épais et somptueux pudding de couleur jaune vif appelé Okpa.
Vous la trouverez aussi, peut être plus rarement, au menu d’un restaurant gastronomique, tartinée sur une tranche de pain et préparée avec passion. Tout comme nous lors de notre rencontre avec la jeune star culinaire nigériane, Moyo Odunfa.
Cette chef de 23 ans s’est formée à la prestigieuse Culinary Arts Academy en Suisse avant de revenir à Lagos, sa ville natale. Elle est l'une des deux invitées de notre podcast, avec qui nous allons découvrir cet ingrédient et apprendre à le cuisiner.
Notre deuxième invitée est Nkechi Idinmachi, une entrepreneuse nigériane qui a su exploiter le potentiel de ce super-aliment sous-utilisé et a créé une entreprise entièrement consacrée aux produits à base de bambara.
Son aventure avec l’arachide a commencé avec l'arrivée de son fils qui, depuis la naissance, est allergique à de nombreux aliments tels que les œufs, les cacahuètes, les produits laitiers, le gluten et le soja. C'est donc en se lançant à la recherche d’alternatives pour le nourrir que Nkechi a découvert la bambara.
Un concentré de nutrition
L'arachide bambara, ou Vigna subterranea, pour reprendre son nom scientifique, est considérée comme un produit de seconde classe, souvent qualifiée de "culture du pauvre" ou de "culture des femmes". Elle est donc plus souvent cultivée pour subvenir aux besoins alimentaires de la famille qu'à des fins commerciales.
Et si le Nigeria reste le plus grand producteur de bambara en Afrique, avec environ 100 000 tonnes métriques par an, ce chiffre reste dérisoire par rapport aux grandes cultures commerciales comme le maïs (12 millions de tonnes), le manioc (60 millions de tonnes) et l'igname (50 millions de tonnes).
Néanmoins, son fort potentiel pour renforcer la sécurité alimentaire sur le continent n'a pas totalement échappé à l'attention des scientifiques et des agronomes.
En 2019, la plante a été sélectionnée comme l'un des 50 aliments du futur par la World Wildlife Foundation (WWF). Il suffit d’un simple coup d'œil à son profil nutritionnel et ses références en matière de résilience climatique pour comprendre pourquoi.
Comme l'explique le Dr Emmanuel Bassey Effa, agronome à l'université de Calabar au Nigeria, l'arachide de bambara est un "aliment complet", contenant 64,4 % de glucides, 23,6 % de protéines, 5,5 % de fibres et 6,5 % de graisses, sans oublier les vitamines, les minéraux et les acides aminés.
Autrement dit, un bol de bambara vous apporte tout ce dont vous avez besoin pour affronter la journée.
L'arachide bambara suscite aussi l'admiration par sa résilience face aux climats difficiles et par sa capacité à fixer les nutriments dans le sol, cette dernière caractéristique est particulièrement utile car elle permet d’augmenter le rendement des autres plantes avec lesquelles elle est cultivée.
"La bambara est très, très facile à cultiver," explique le Dr Effa. "Elle a la capacité de fixer l'azote dans le sol, ce qui est très nécessaire dans notre région où il y a tant de dégradation des sols et de perte de nutriments... Elle n'a pas besoin de beaucoup de nutriments pour pousser, elle peut être cultivée sur des sols peu fertiles, des sols très appauvris et elle produira un rendement, quoi qu'il arrive", ajoute-t-il.
Revaloriser une culture reléguée
Un concentré de nutriments, facile à cultiver, bonne pour le sol... Pourquoi alors cette graine apparemment si virtuose a-t-elle été reléguée ?
Tout d'abord, le bambara brut, non transformé, prend beaucoup de temps à cuire. Il faut généralement plusieurs heures pour qu'il soit prêt à être consommé, ce qui n'est pas négligeable pour les communautés en manque d'énergie.
Deuxièmement, le décorticage et la préparation du bambara, dont la coque est très dure, sont souvent effectués manuellement et demandent beaucoup plus de travail que d'autres cultures comme le niébé et les arachides.
Le Dr Effa estime toutefois que ces problèmes ne sont pas insurmontables. Et, selon lui, si la bambara veut un jour réussir à s’extirper de sa relégation, il faudra beaucoup d’attention, de recherche et d'investissements de la part des organismes agricoles afin d’industrialiser les processus de préparation.
Pour leur part, nos deux invités, Chef Moyo et Nkechi, sont déterminés à mettre cette arachide sous-estimée au sommet du menu, chez eux, au Nigeria, et dans le monde entier.
"Nous ne considérons pas, dans le monde entier, la nourriture nigériane comme de la haute cuisine, parce que nous pensons qu'il s'agit de toute la nourriture que nous mangeons à la maison, vous savez, les aliments de célébration. Mais ce n'est pas de la haute cuisine, vous savez, la haute cuisine c’est plutôt la nourriture française, ou la nourriture italienne. Nous payons beaucoup d'argent pour manger ces plats parce que nous pensons qu'ils sont exotiques ou qu'ils sont étrangers, mais notre propre nourriture?"
“Non, non, non, non, non”, dit Moyo. "C'est inscrit dans notre complexe d'infériorité sur la colonisation qui nous dit que tout ce que nous sommes n'est pas suffisant, mais nous sommes plus que suffisants".
Quant à Nkechi, la bambara reste très chère à son cœur depuis le début de ses aventures entrepreneuriales avec cette super-arachide.
"Je l'appelle notre culture héroïque.. Et elle a sauvé mon fils", dit-elle. "Je pense que si beaucoup de gens connaissent cette culture, si beaucoup de gens l'utilisent, si la consommation est élevée, la production sera élevée. Et les avantages pour l'environnement se feront également sentir davantage. Donc les grands objectifs en ce moment devraient être de trouver des moyens d'augmenter la consommation de bambara pour que la culture puisse augmenter."
Comment préparer la pâte à tartiner
- Faites bouillir les arachides de bambara pendant quelques heures jusqu'à ce qu'elles soient très tendres. Vous pouvez également les faire tremper à l'avance pour réduire le temps de cuisson.
- Faites chauffer l'huile dans une poêle à feu moyen.
- Ajoutez les oignons et les tomates dans la poêle et faites-les cuire jusqu'à ce qu'ils soient ramollis.
- Ajouter les noix de bambara dans la poêle.
- Ajouter l'assaisonnement et faire frire jusqu'à ce que l'assaisonnement soit bien intégré.
- Écraser les noix de bambara dans un mortier ou utiliser un mixeur.
Comment préparer le pain plat Gourassa
- Mélangez la farine, le sucre, le sel et la levure avec l'eau.
- Pétrissez le mélange pendant 5-10 minutes.
- Laissez-le lever pendant 30 minutes.
- Diviser en portions de 50g.
- Roulez le pain à la forme désirée et faites-le frire des deux côtés dans une poêle chaude avec ou sans huile jusqu'à ce qu'il soit bien doré et cuit.
Bon appétit !
Si vous avez envie de découvrir d'autres recettes et d'autres histoires autour des ingrédients africains, écoutez le premier épisode de notre série où nous avons parlé à Pierre Thiam de l'aliment qu'il chérissait dans son enfance, le fonio.
Le podcast La Surprise du Chef a été financé par le Centre européen de journalisme, par le biais du programme Solutions Journalism Accelerator. Ce fonds est soutenu par la Fondation Bill & Melinda Gates.
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