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Afrique du Sud : les sans-abris devenus hors-la-loi au Cap

Des sans-abris dans la ville du Cap   -  
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AP/NARDUS ENGELBRECHT

Afrique du Sud

Le grondement des fourgons de police résonne sous ce pont de la ville du Cap. Tirés de leur sommeil, des dizaines de sans-abris rassemblent machinalement leurs affaires et leurs tentes de fortune: l'exercice est familier.

Dans un des pays les plus inégalitaires du monde, Le Cap est peut-être l'endroit où le fossé entre ceux qui possèdent et ceux qui n'ont rien est le plus frappant. En bas de l'échelle sociale, les sans-abris sont chassés des rues et des lieux publics lors d'"opérations de nettoyage" des autorités locales.

Accusés d'enfreindre les règlements municipaux, ils sont rejetés d'un centre-ville regorgeant de restaurants et de boutiques de surf, ainsi que des parcs verdoyants et banlieues peuplées de somptueuses villas sur la côte montagneuse.

Dans les mois précédant les élections municipales du 1er novembre, la ville a intensifié ces descentes: les tentes d'une vingtaine de personnes installées sur le terrain d'un club de tennis ont été démontées lors d'une journée glaciale de fin août.

Un mois plus tard, camions et grues ont détruit les campements de plus de 40 personnes du "District 6", un quartier du centre, des policiers encadrant les employés de la ville pour confisquer couvertures et matelas.

En prime, ces familles à la rue écopent d'amendes de 18 euros pour avoir bloqué "intentionnellement" le "libre passage de piétons ou de véhicules". "Nous ne sommes pas des animaux", lance Ruwaidah, qui ne veut pas donner son nom de famille. Elle a des difficultés à marcher.

Des défenseurs des droits combattent cette chasse aux sans-abris dans la "cité mère", celle par laquelle les premiers colons ont débarqué, aussi élue capitale parlementaire.

"Un arrêté de la ville criminalise le fait d'être sans-abri" en proscrivant le fait de dormir dans des lieux publics", résume auprès de l'AFP Jonty Cogger, avocat au centre juridique Ndifuna Ukwazi, qui représente les sans-abris contre la ville.

- "Criminaliser les pauvres" -

Un héritage des lois sur le vagabondage de l'époque coloniale, que la ville du Cap, dirigée par le premier parti d'opposition l'Alliance démocratique (DA), largement perçu comme un parti de blancs, est une des rares à faire respecter à la lettre.

Avec la pandémie de Covid, et des rues vidées par le confinement, les sans-abris sont devenus plus visibles, ayant pour effet un durcissement de cette politique. Depuis septembre, la police peut arrêter un sans-abri qui refuse de se rendre dans un refuge.

Pourtant, avec 2.500 lits pour plus de 14.000 personnes à la rue, le manque de place est évident, pointe l'organisation Ndifuna Ukwazi. Et se traduit souvent par des heures de queue, pour finir par être refoulé.

"Fermer la porte au nez de six femmes obligées de chercher ailleurs un endroit où dormir, c'est difficile", regrette Edmund Martis, qui gère un refuge et souligne le manque de moyens.

"La ville a la responsabilité de s'assurer que les espaces publics (...) sont disponibles pour chaque résident", argumente un représentant de la mairie, Zahid Badroodien. Uriner sur la voie publique ou faire un feu est interdit, poursuit-il.

Le mois dernier, par une décision inédite, la justice sud-africaine a déclarée illégale l'expulsion du District 6 et accusé la ville, qui a fait appel, de "criminaliser les pauvres".

"Il est désormais probable que des affaires similaires aboutissent au même résultat", selon M. Cogger qui espère que la décision fera jurisprudence.

Munis d'une copie du jugement, les occupants du terrain de tennis ont remonté leurs tentes et ont, à leur tour, attaqué la ville en justice.

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