Racisme
L'ONU a défendu lundi l'idée d'une justice réparatrice pour faire face aux séquelles de l'esclavagisme et du colonialisme, tandis que les pays africains ont présenté une résolution pour créer un groupe d'experts sur le racisme et les violences policières.
S'exprimant devant le Conseil des droits de l'homme à Genève en Suisse), la Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a demandé la mise en place d'un mécanisme, assorti d'un calendrier, pour faire progresser la justice et l'égalité raciales.
Sa demande a été entendue par les pays africains, qui ont présenté lundi un projet de résolution sur la protection des droits et des libertés fondamentales des personnes d'ascendance africaine face aux violences policières.
Le texte, qui sera discuté lundi ou mardi, propose la création d'un mécanisme d'experts indépendants qui pourraient se concentrer plus clairement sur le problème du racisme systémique au sein des forces de l'ordre et du système de justice pénale, a expliqué un représentant camerounais, Côme Awoumou, au nom des pays africains.
Lors des débats, Mme Bachelet a présenté son rapport sur les violences policières à l'égard des personnes d'ascendance africaine, publié fin juin, quelques jours après la condamnation aux Etats-Unis du policier qui a tué George Floyd, dont le meurtre avait déclenché un mouvement de protestation d'ampleur mondiale.
Derrière le racisme systémique et la violence raciale d'aujourd'hui se cache l'absence de reconnaissance formelle des responsabilités des Etats et des autres acteurs qui ont participé ou profité de l'esclavage, de la traite transatlantique des esclaves africains et du colonialisme - ainsi que de ceux qui continuent à profiter de cet héritage, a-t-elle déclaré.
Elle a également dénoncé la répression des manifestations contre le racisme dans certains pays, qui doit être prise en compte dans un contexte plus large dans lequel les voix des personnes d'ascendance africaine et des personnes luttant contre le racisme sont étouffées.
Guérir nos sociétés
Face à ces injustices profondes et de grande ampleur, il est urgent de s'attaquer aux séquelles de l'esclavage, de la traite transatlantique des esclaves, du colonialisme et des politiques et systèmes successifs de discrimination raciale, et de rechercher une justice réparatrice, a affirmé Michelle Bachelet.
Pour guérir nos sociétés et rendre justice aux crimes terribles, il est essentiel d'établir la vérité sur ces héritages et leur impact aujourd'hui, et de prendre des mesures pour remédier à ces préjudices grâce à un large éventail de mesures de réparation, a-t-elle conclu.
Son appel intervient alors qu'aux Etats-Unis, la question de la théorie critique de la race fait débat. Ce terme définit un courant de pensée apparu dans les facultés de droit américaines à la fin des années 1970 pour analyser le racisme comme un système, avec ses lois et ses logiques de pouvoir, plutôt qu'au niveau des préjugés individuels.
Mais il est récemment devenu, pour ses détracteurs du Parti républicain américain, une formule attrape-tout, désignant tous les efforts pour aborder, dans les écoles et les institutions, les épisodes sombres de l'histoire américaine dont l'esclavage et la ségrégation.
Michelle Bachelet a affirmé lundi n'avoir pas trouvé un seul Etat qui ait complètement pris en compte le passé ou qui ait tenu compte de ses impacts sur la vie des personnes d'ascendance africaine aujourd'hui.
Avec humilité et introspection, nous affirmons que l'inégalité raciale est un défi auquel sont confrontés tous les Etats, y compris les Etats-Unis, mais qu'ensemble, nous pouvons le surmonter", a affirmé pour sa part le représentant américain, Ben Moeling, devant le CDH.
La Haute-Commissaire a réitéré son appel à la mise en place de statistiques ethniques, une vision que ne partagent pas tous les pays.
A ce sujet, un représentant français auprès de l'ONU à Genève, Iyad Jaber, a souligné que segmenter la protection des droits de l'homme en singularisant tel ou tel groupe serait contraire à l'objectif même d'égalité des droits, élevé depuis 1948 au rang d'objectif universel. Cela engendrerait une asymétrie de droits entre individus, entraînerait le délaissement de certains citoyens et ouvrirait la voie à une concurrence entre groupes.
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