Côte d'Ivoire
Opposant, président, prisonnier : Laurent Gbagbo, 76 ans, a traversé tout au long de sa carrière politique des phases de gloire et de déchéance qui n'ont pas entamé sa popularité parmi les siens en Côte d'Ivoire.
Président de 2000 à 2011, Laurent Gbagbo doit rentrer jeudi dans son pays après dix ans d'absence, auréolé de son acquittement fin mars par la Cour pénale internationale de La Haye (CPI) du chef de crimes contre l'humanité commis pendant la crise post-électorale de 2010-2011 au cours de laquelle 3 000 personnes ont été tuées. Une crise née de son refus d'admettre la victoire d'Alassane Ouattara à la présidentielle de 2010.
A La Haye, il a au cours des audiences voulu faire éclater sa "vérité", sans jamais douter de son bon droit. Pour lui, l'ex-puissance coloniale française en Côte d'Ivoire est derrière un "complot" qui a conduit à son arrestation humiliante le 11 avril 2011 à Abidjan par les forces d'Alassane Ouattara soutenues par Paris. "Laurent Gbagbo continue à incarner la rupture avec l'héritage colonial français", et "ça reste un élément-clé de sa popularité auprès des jeunes générations", estime Gilles Yabi, fondateur de Wathi, un centre d'analyse politique ouest-africain.
Une popularité qui ne semble pas s'être érodée pendant son absence de Côte d'Ivoire où des milliers de personnes se préparent à l'accueillir. C'est vrai dans sa région d'origine de Gagnoa (centre-ouest) bien sûr, et dans son village de Mama, où les préparatifs vont bon train pour réserver un accueil triomphal à celui qu'on surnomme là-bas le "lion de l'Afrique" ou le "Woody de Mama" (un homme, un vrai, dans la langue de son ethnie bété), mais aussi dans des quartiers populaires d'Abidjan, dont son fief de Yopougon.
Tribun socialiste
Outre son parcours politique, sa popularité est liée à une personnalité gouailleuse et des talents de tribun, contrastant avec les deux autres poids lourds de la politique ivoirienne, Alassane Ouattara, 79 ans, et l'ex-président Henri Konan Bédié, 86 ans. Issu d'un milieu modeste, socialiste se présentant comme le défenseur des opprimés, il a, selon Gilles Yabi, un discours "qui affirme une volonté de souveraineté" face "à des discours très lisses et technocratiques" de MM. Ouattara et Bédié, "en phase avec les acteurs internationaux".
De l'étranger, Laurent Gbagbo a gardé la haute main sur son parti, le Front populaire ivoirien (FPI), dont il a souhaité qu'il participe aux dernières législatives de mars, alors qu'il boycottait tous les scrutins depuis dix ans. Un signe, selon ses proches, qu'il rentre sans esprit de revanche et entend prendre part à la politique de "réconciliation nationale" dans un pays toujours meurtri par les violences politico-ethniques qui ont jalonné son histoire au cours des 20 dernières années. Dénonçant "l'impunité", les victimes des violences d'il y a dix ans en doutent.
Laurent Gbagbo, historien de formation, a commencé sa carrière comme syndicaliste étudiant dans les années 1970 et 1980. C'est à cette période qu'il émerge comme le principal opposant au "père de la Nation", Félix Houphouët Boigny, en créant dans la clandestinité le FPI en plein régime de parti unique. Cet activisme lui vaudra la prison, puis l'exil en France. Il se lance ouvertement en politique en 1990, à l'avènement du multipartisme pour lequel il s'est battu.
Accord de paix
Son heure arrive le 26 octobre 2000 quand il est élu président dans des conditions "calamiteuses", de son propre aveu. Il bat le général Robert Gueï, auteur d'un coup d'Etat militaire en décembre 1999, qui ne reconnaît pas sa défaite. Des violences suivent ce scrutin dont ont été exclus Henri Konan Bédié, renversé par le général Gueï, et l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara. Il verra la main d'Alassane Ouattara derrière la rébellion qui, en septembre 2002, échoue à le renverser mais prend le contrôle du nord du pays.
Face à la France et aux rebelles, Laurent Gbagbo s'appuie sur les "jeunes patriotes" qui enflamment la rue et dont le chef, Charles Blé Goudé, également poursuivi par la CPI pour crimes contre l'humanité, a lui aussi été acquitté. Signataire avec les rebelles d'un accord de paix en 2007, c'est par eux, alliés à Alassane Ouattara et aidés par des bombardements français, qu'il sera capturé en avril 2011.
D'abord prisonnier à Korhogo (nord) puis à La Haye, Laurent Gbagbo fait face, notamment grâce à sa foi chrétienne évangélique, comme son épouse Simone emprisonnée en Côte d'Ivoire avant d'être amnistiée, avec qui il a eu deux filles. Il a également un fils, Michel, député du FPI, né d'un premier mariage avec une Française. Il doit rentrer à Abidjan avec sa compagne Nady Bamba, une ancienne journaliste de 47 ans.
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