Afrique
Les pays africains travaillent en ce moment sur la Zlec, la Zone de libre-échange continentale africaine, qui est bien partie pour être le plus vaste marché de la planète. Un marché de 1,3 milliard d’habitants en 2019 qui, s’il voit effectivement le jour, n’aura rien à envier au Mercosur sud-américain, ni à l’Espace Schengen européen, ni même au tout-puissant ALENA, l’Accord de libre-échange nord-américain. La Zlec a le soutien du FMI et de la Banque mondiale, mais il y a tout de même de nombreux obstacles qui se dressent sur le chemin du projet cher au continent.
Le président américain Donald Trump lui, ne voit pas les choses de cet œil. L’homme fort de Washington, adepte du protectionnisme tous azimuts en faveur des Etats-Unis, s’est ouvertement inscrit contre l’existence même de la Zone de libre-échange africaine.
Mais le continent a ses soutiens. David Malpass, le président de la Banque mondiale, est l’un des fervents supportes du projet. En marge des réunions annuelles des institutions de Washington, il s’est exprimé en ces termes : “Je pense que le pragmatisme des pays (africains) va être très important pour trouver la manière d’appliquer l’accord.”
Malpass a aussi tenu à souligner “les énormes bénéfices du commerce”_ qui sera mis en place, une fois la Zlec lancée.
En plus de la Banque mondiale, le FMI (Fonds monétaire international) apporte lui aussi sa caution à l’Afrique. Les deux institutions de Breton Woods pressent même les pays africains afin que ceux-ci donnent le jour à la Zlec, un vaste marché qui verra s’effondrer toutes les barrières tarifaires et non-tarifaires. Cette initiative permettra de booster les économies régionales, intra-régionales et à termes, c’est toute l‘économie continentale qui se verra transformée de façon significative.
La Zlec intéresse aussi les investisseurs non-africains, dans la mesure où elle facilitera la création de chaînes d’approvisionnement régionales. Ces infrastructures ont fait leur preuve dans d’autres régions du monde comme outils indispensables de développement.
Mais pour mettre tout cela en place, la rigueur et le sérieux seront de mise, comme l’explique ici David Malpass : “Une harmonisation des droits de douane, des procédures douanières et frontalières, suffisamment efficaces pour permettre le passage de marchandises aux frontières (sans délai) sont autant d‘éléments-clés pour faire en sorte que l’accord commercial en Afrique fonctionne bien.”
Le scepticisme de certains experts
Cependant, la création de chaînes d’approvisionnement régionales et au-delà, la Zlec elle-même, ne sont pas bien perçues par certains experts. C’est le cas de l’agro-économiste français Jacques Berthelot, qui fait partie de ceux qui y voient un danger potentiel pour le continent.
‘‘Loin de favoriser l’intégration régionale du continent, la Zlec ne pourra que le désintégrer fortement en ouvrant largement les portes aux firmes multinationales qui sont déjà largement présentes dans la plupart des pays et qui concentreront leurs activités dans ceux qui sont les plus compétitifs en exportant vers les autres.’‘, fait-il savoir.
D’autres experts lui emboîtent le pas. Pour certains d’entre eux, le manque de complémentarité des économies des pays africains est un obstacle de taille. Sans oublier les importantes importations de produits bon marché qui inondent l’Afrique et causent de sérieuses difficultés aux producteurs agricoles et industriels, souvent abonnés aux petites quantités de production, contrairement à leurs concurrents non-africains.
Reda Cherif est expert du département Afrique du FMI. Il met l’accent sur le risque de voir les inégalités entre les pays africains prendre du volume avec l’arrivée de la Zlec. Mais son collègue Hector Perez-Saiz, qui s’exprimait dans le cadre d’une conférence consacrée à la Zlec, se veut malgré tout optimiste en apportant une nuance : “Les pays vont devoir mettre en place des politiques pour faire face aux défis (…) mais les gains économiques seront plus importants” que les nombreux obstacles.
De sérieux obstacles sur la route de la Zlec
Le défi est en effet de taille. Les pays africains devront sérieusement retrousser leurs manches en travaillant à l’harmonisation des systèmes de paiement régionaux, indispensables à la bonne fluctuation des devises. Toujours à propos de ces devises, les mêmes pays devront réfléchir à des règlements qui permettront de réduire autant que possible les transactions dans d’innombrables monnaies.
La suppression des droits de douane a elle seule ne suffira pas à donner à la Zlec les ailes dont elle a besoin pour faire voler haut le continent africain. Le FMI s’empresse d’ajouter qu’il faudra, pour les dirigeants africains, mettre l’accent sur les obstacles dits non-tarifaires. En d’autres termes, il faudra travailler à éradiquer “la médiocrité de la logistique du commerce et des infrastructures”.
Cette remarque du FMI est pertinente, au vu des infrastructures routières, ferroviaires, aéroportuaires et fluviales d’une vétusté et d’une médiocrité parfois alarmantes dans certains pays du continent, d’autant qu’aucune économie ne peut prétendre à une quelconque prospérité sans des ouvrages de qualité.
Une autre difficulté est aussi à déplorer. Dans la plupart des pays africains, les procédures de dédouanement sont interminables et cette faille n‘échappe pas à l‘œil du FMI. Cette énormité ralentit considérablement les flux et occasionne d’importantes pertes d’argent, le temps étant précieux en termes d‘échanges commerciaux.
Une hausse de 16 milliards de dollars en vue
Selon les experts, les effets négatifs inhérents à la baisse des recettes budgétaires, elle-même consécutive à la diminution des frais de douane, auront un impact de faible ampleur. Mais ils (les experts) ne manquent tout de même pas de préciser que les pays qui continueront d’imposer des taxes douanières élevées subiront de plein fouet ces effets négatifs.
Le FMI a publié un récent rapport selon lequel l’effacement des droits de douane sur un ensemble de 90% des flux existants pourrait déboucher sur une hausse d‘à peu près 16% du commerce régional, soit l‘équivalant de 16 milliards de dollars.
La Zlec permettra à terme au continent de sortir de son commerce basé sur la seule vente de ses matières premières au reste du monde, si l’on en croit Perez-Saiz : “Cet accord de libre-échange a pour objectif de promouvoir le commerce de tous les types de biens au sein d’un continent.” Il ajoute aussi que la Zlec a “du potentiel pour transformer les économies des différents pays”, non sans préciser que le secteur manufacturier sera le plus grand bénéficiaire de ce projet titanesque.
C’est en juillet de cette année que la Zone de libre-échange continentale africaine a connu son lancement officiel à Niamey, la capitale du Niger. Le vaste marché connaîtra son démarrage effectif le 1er juillet 2020 et a été signé par presque tous les pays du continent, sauf l’Erythrée qui, pour l’instant, préfère faire cavalier seul.
Sur les 54 pays que compte l’Afrique, 27 ont ratifié la charte de la Zlec et l’Union africaine pense que le vaste projet permettra de booster à environ 60% le commerce intra-continental d’ici 2022, apportant par la même occasion une véritable bouffée d’oxygène à une économie africaine trop longtemps moribonde et quasi inexistante à l‘échelle mondiale.
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