Mali
L'armée malienne a pris la ville de Kidal (nord) aux rebelles séparatistes touareg. Des données pour comprendre la signification de cette victoire pour la junte au pouvoir.
Kidal occupe une place spéciale dans la géographie et les consciences sahéliennes. Ancien poste militaire français du début du XXème siècle, cette mosaïque à angles droits de rues et de bâtiments plats posée sur la poussière du désert est une étape cruciale entre le Mali et l'Algérie, à plus de 1 500 km et de 24 heures de route de la capitale Bamako, à des centaines de km des autres grandes villes du nord, Gao et Tombouctou.
Kidal, où vivent quelques dizaines de milliers de personnes, et sa région sont le foyer historique des insurrections indépendantistes successives qu'a connues le Mali depuis son indépendance vis-à-vis de la France en 1960. Le chef de la junte actuelle, le colonel Assimi Goïta, a servi à Kidal dans le passé.
Kidal, quel enjeu ?
Kidal était depuis 2013 sous le contrôle de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), une alliance de groupes armés à dominante touarègue. Cette insoumission était un coin dans la souveraineté de l'Etat sur l'intégralité du territoire, encore plus pour les colonels qui ont pris le pouvoir par la force en 2020 à Bamako. Ils ont fait de cette souveraineté leur mantra.
La région de Kidal a été l'une des premières à tomber aux mains des rebelles, les uns indépendantistes, les autres salafistes, quand a éclaté en 2012 l'insurrection dont les prolongements ont plongé le Mali dans la tourmente qu'il connaît aujourd'hui encore. Elle est ensuite passée sous la seule coupe des salafistes, et été reprise par les séparatistes en 2013 dans le sillage de l'intervention française.
Avant mardi, l'armée et l'Etat maliens n'avaient quasiment pas repris pied à Kidal depuis mai 2014. Les forces maliennes en avaient alors été chassées quand une visite du Premier ministre de l'époque, Moussa Mara, avait donné lieu à des affrontements avec les rebelles touareg, qui avaient causé de lourdes pertes dans les rangs de l'armée.
Un gouverneur exerçait depuis une présence symbolique. En juin, les rebelles avaient empêché la tenue dans la région du référendum constitutionnel.
Kidal était aussi un abcès de fixation des tensions entre Bamako et Paris. Pour certains, tel le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, la France y a créé une enclave d'où le terrorisme s'est propagé au reste du pays en permettant aux seuls indépendantistes de la reprendre en 2013 et en empêchant l'armée malienne d'y entrer. Paris réfute ces affirmations.
Comment Kidal est-elle tombée ?
En mai 2014, quelques jours après la venue de Moussa Mara, les rebelles ont accepté un cessez-le-feu. En 2015, ils ont signé avec le gouvernement un accord de paix, renonçant à leurs projets indépendantistes contre plus d'inclusion dans la société malienne, y compris dans une armée dite reconstituée, et plus d'autonomie.
Pour beaucoup de Maliens, cet accord entérinait une partition du Mali, et reprendre Kidal c'était y remédier.
L'accord était déjà mal en point avant l'avènement des colonels. Les crispations n'ont cessé d'augmenter après. La rébellion a repris les hostilités en août. Le retrait de la mission de l'ONU sur ordre de la junte a déclenché entre les acteurs armés du nord (armée, séparatistes, djihadistes) une course au contrôle du territoire et des camps d'où partaient les Casques bleus.
Dans la reconfiguration sécuritaire en cours, Kidal s'annonçait comme la prise ultime.
Quand la MINUSMA a quitté son camp de Kidal le 31 octobre, les rebelles ont été prompts à en prendre possession, au grand dam de la junte. Mais l'armée avait déjà depuis des semaines une colonne prête à faire mouvement vers la ville.
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