Interview
L'interview d'Africanews reçoit cette semaine l'Ougandaise Vanessa Nakate. La militante écologiste joue un rôle majeur dans la promotion au niveau mondial des voix africaines sur la question de la crise climatique. Elle a été nommée ambassadrice de bonne volonté par l'UNICEF.
Vous étiez récemment au Forum économique mondial dans la ville suisse de Davos. En fin d'année dernière c'est à Sharm-el-Sheikh que vous vous trouviez pour la COP 27. Vous avez écouté plusieurs leaders mondiaux durant ce sommet, retenez-vous des éléments qui vous amènent à croire qu'ils sont prêts à agir pour le climat ?
Vanessa Nakate : Un mot, d'abord, sur la COP 27 s'est déroulée en Égypte. Nous avons notamment assisté à la création d'un "fonds pour les pertes et les dommages". Mais il est important de rappeler que ce fonds est encore un seau vide si j'ose dire. Nous avons besoin d'argent réel dans ce fonds pour aider les communautés qui sont en première ligne de la crise climatique. Pour ce qui est du Forum économique mondial, honnêtement, la plupart des perspectives à Davos viennent de l'Occident. Les problèmes mondiaux sont abordés d'un point de vue occidental.
Pour des problèmes tels que la crise énergétique, la seule perspective abordée est celle des entreprises et des familles d'Europe et d'Amérique du Nord. Pourtant, les pays à faible revenus affrontent des crises multiples. Des problèmes économiques comme un endettement élevé, sont beaucoup plus graves après des événements climatiques extrêmes. Mon expérience à Davos et à la COP27 montrent que les communautés qui sont en première ligne de la crise climatique ne sont toujours pas en première ligne de ces discussions.
Vous savez bien que la pauvreté énergétique est l'un des problèmes auxquels de nombreux Africains sont confrontés au quotidien. Dans votre pays, l'Ouganda, vous avez lancé le projet "Vash Green Schools" pour installer des panneaux solaires dans les zones rurales. Quel a été son impact et à quels défis avez-vous fait face ?
Vanessa Nakate : Le projet "Vash Green Schools" a débuté en 2019 pour apporter des panneaux solaires et des fours de cuisson propres aux écoles en Ouganda, parce que je crois qu'aucune action n'est trop petite pour transformer le monde. À l'heure où je vous parle, nous avons installé des panneaux dans 33 écoles, ce qui touche environ 11 000 enfants.
Cependant, c'est un projet local à petite échelle, il est mené par des militants et coordonné par des activistes, de jeunes activistes. Pourtant, nous avons besoin de plus de ressources, d'un véritable changement systémique de la part de nos dirigeants pour pouvoir transformer le monde, pour pouvoir répondre aux défis liés à l'énergie et en particulier dans les pays qui souffrent déjà de pauvreté énergétique depuis des décennies.
C'est peut-être une réalité que d'aucuns cherchent à éluder mais la production d'électricité et d'énergie émet du CO2. Les économies industrialisées en dépendent. En Afrique et dans de nombreux pays dits du Sud, les états sont pourtant invités à abandonner des projets de développement pour des raisons environnementales. Et ce, alors qu'ils ne sont pas les plus gros pollueurs. Comment ces Etats peuvent-ils s'industrialiser de manière juste, selon vous, alors qu'on leur demande de renoncer à leurs ressources ?
Vanessa Nakate : Je peux dire que l'énergie propre est le seul investissement qui a du sens à l'heure actuelle, surtout quand on regarde les répercussions de la crise climatique sur de nombreuses communautés. Vous savez, il n'y a aucune excuse, nous avons vu de nos yeux que les combustibles fossiles ont provoqué cette crise qui a laissé, par exemple, 30 millions de personnes au bord de la famine dans la Corne de l'Afrique. Et ces mêmes combustibles fossiles sont à l'origine de la pollution atmosphérique qui tue 8,7 millions de personnes dans le monde chaque année. Nous voyons donc les difficultés que comporte l'investissement dans les combustibles fossiles.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a déclaré que les modèles économiques des entreprises de combustibles fossiles sont incompatibles avec la survie de l'humanité. L'Agence internationale de l'énergie a clairement indiqué que si nous voulons limiter les températures mondiales en dessous de 1,5 C degré, nous ne pouvons pas avoir de nouveaux investissements dans les combustibles fossiles. Je pense donc que le développement véritable passe par la protection des personnes, mais aussi par la protection des économies, des écosystèmes et de la planète. C'est une chose de contempler le développement économique alors que des gens souffrent, vous savez, alors que la planète est détruite. A mon sens, l'investissement dont nous avons besoin, non seulement dans les pays du Sud, mais dans le monde entier, doit concerner l'énergie propre et renouvelable.
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