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Étienne Tshisekedi : le parcours tumultueux d'un "héraut" de la démocratie

Étienne Tshisekedi : le parcours tumultueux d'un "héraut" de la démocratie

République démocratique du Congo

Si ses compatriotes lui doivent de grandes contributions au processus de démocratisation en République démocratique du Congo, l’itinéraire politique d‘Étienne Tshisekedi aura été semé de plusieurs embûches. Retour sur les grandes étapes de la construction d’une légende.

La dépouille d‘Étienne Tshisekedi décédé en février 2017 à Bruxelles arrive le 30 mai à Kinshasa. Et les préparatifs vont bon train au stade des Martyrs. C’est ici que des hommages lui seront rendus aussi bien par ses compatriotes que par des personnalités étrangères.

Et selon le programme, il sera inhumé le 1er juin à Kinshasa, loin de Kananga (près de 540 km à l’est dans la province du Kasaï-central) où il vit le jour le 14 décembre 1932.

Premier docteur en droit au Congo, Étienne Tshisekedi, devient recteur de l‘École nationale de droit et d’administration (ENDA) avant d‘être nommé en 1965 ministre de l’Intérieur et des Affaires coutumières par Joseph Désiré Mobutu.

À la tête de ce département, il participe à la rédaction de la Constitution de 1967 et à la création la même année du Mouvement populaire de la révolution (MPR) qui deviendra par la suite le parti unique.

Bien avant, en 1966, il est témoin et/ou artisan de l’exécution en public au stade des Martyrs de quatre acteurs politiques jugés hostiles au pouvoir du président Mobutu.

>>> LIRE AUSSI : Trait d’histoire : il était une fois, les martyrs de la Pentecôte en RDC Au sein du MPR, « parti-État », sa trajectoire politique est rectiligne. Il va occuper de nombreux postes dont celui de Premier secrétaire national du MPR, ambassadeur, directeur général d’Air Zaïre. Sans compter son élection à plusieurs reprises à l’Assemblée nationale zaïroise.

Mais, au début des années 1980 les choses vont commencer à se déliter dans l’entourage du maréchal Mobuto désormais rebatipsé Sese Seko. Un coup de moins bien entamé par la défaite de son armée en 1978 dans le Katanga. Tshisekedi commence à prendre ses distances avec le parti-État et constitue avec douze de ses collègues députés le groupe dit des « treize » à l’hémicycle.

En décembre 1980, ils passent aux choses sérieuses en adressant à Mobutu un violent réquisitoire dans lequel ils dénoncent les pratiques « dictatoriales » et « kleptocratiques » du régime.

Les adieux à “monsieur léopard”

Deux ans plus tard, plus exactement, le 15 février 1982, naît l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Pris de cours par l’histoire, Mobutu ne peut supporter un tel affront et fait condamner Tshisekedi à 15 ans de prison ferme pour « trahison », alors que de nombreux membres du parti vont en exil.

Libéré grâce à la pression d’Amnesty International en 1982, Étienne Tshisekedi n’est pourtant pas tiré d’affaires. Arrestations, résidence surveillée,…Les ennuis vont continuer jusqu’au 24 avril 1990 lorsque Mobutu annonce la fin du monopartisme.

Dans le même sillage, les Zaïrois éreintés par de longues années de dictature mobutiste tiennent une Conférence nationale censée donner lieu à une transition avant les premières élections pluralistes.

Chargé de conduire cette transition en tant que Premier ministre, Tshisekedi ne va “régner” que pendant un mois (29 septembre-1er novembre 1991) avant d‘être remplacé par Bernardin Mungul Diaka en raison de mésententes avec Mobutu.

Son règne le plus long à la Primature dura 7 mois (août 1992-mars 1993) et le plus éphémère à peine une semaine (du 02 au 9 avril 1997))). Et c’est en mai 1997 que Laurent Désiré Kabila sonne le glas du règne de Mobutu.

Une fois au pouvoir Kabila pense à se défaire de Tshisekedi et va le déchoir de ses droits politiques pour « son rôle dans la mort de Lumumba » en 1961. Insuffisant pour dissuader celui que des historiens ont appelé « héraut du multipartisme ». Lui qui va malgré tout continuer à mener des activités politiques.

Ce qui irrite davantage Kabila et le nouvel homme fort de Kinshasa ne va pas tarder à le montrer.

Alors que Tshisekedi se préparait pour le 16è anniversaire de son parti, il est arrêté le 14 février 1998 par une vingtaine de soldats. Plutôt que d‘être conduit en prison, le président de l’UDPS est banni de la capitale et envoyé loin dans son village natal avec du matériel agricole (tracteurs, véhicules, etc.) doté par le gouvernement.

Une décision prise « pour mettre fin à ses agissements irresponsables et dangereux », selon l’expression de Mwenze Kongolo, à l‘époque ministre de l’Intérieur.

La « kabilie » éconduite

En 2001, Kabila meurt et son fils Joseph lui succède. Tshisekedi égal à lui-même, reste dans l’opposition. Au point même de refuser en 2003, l’entrée au gouvernement de transition mis en place à la fin de la « Deuxième guerre du Congo » (1998-2003).

Désormais affublé du titre de chef de file de l’opposition, il boude le référendum constitutionnel de 2005 pour l’installation de la troisième République. Dans le même temps, le leader de l’UDPS boycotte les premières élections de l‘ère post-Mobutu. Se déclarant vainqueur de la présidentielle de 2011, Tshisekedi va même prêter serment depuis le siège de son parti au quartier Limete.

Dans la même veine en 2012, il est porté à la tête de la « Majorité présidentielle populaire », un collectif de plusieurs partis politiques d’opposition et d’organisations de la société civile. Mais les portes du pouvoir lui restent fermées.

En 2016, alors que tout le monde s’attend à un départ de Joseph Kabila suite à la limitation à deux du nombre de mandats, l‘élection présidentielle est reportée. La répression des manifestations va faire plusieurs morts et de nombreuses arrestations avant l’accord dit de la Saint-Sylvestre (31 décembre 2016).

En fin janvier 2017, Tshisekedi déjà malade se rend à Bruxelles où une embolie pulmonaire va l’emporter le 1er février. Le « sphinx de Limete » vient de s‘éteindre.

Son inhumation qui aura lieu dans quelque 48 heures aura été à l’origine de moult désaccords avec l’ancien régime. Et au nom du fils qui est désormais, chef de l‘État, Étienne Tshisekedi, peut enfin reposer en paix en RDC.

Un pays qui, selon des observateurs y compris ses détracteurs, lui doit en grande partie la toute première passation pacifique de pouvoir en RDC. Et comme en guise de gratitude, c’est son fils qui a eu ce mérite ou ce privilège.

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