Chine
La Chine, deuxième puissance économique mondiale, est confrontée au sempiternel problème des avortements sélectifs. Le pays le plus peuplé du monde a interdit l’analyse du sang de la femme enceinte, qui permet de connaître le sexe de l’enfant attendu. Mais les candidats à l’avortement sélectif ont trouvé l’astuce : envoyer les échantillons à Hong Kong. Les détails dans cet article.
C’est en 2015 que la Chine a décidé d’en finir avec cette pratique qui consiste à connaître le sexe de l’enfant avant sa naissance. Mais qui dit censure (ou interdiction) dit contrebande. Ainsi, la mesure des autorités chinoises se voit contourner par des réseaux qui tendent la main aux parents désireux de connaître le sexe de l’enfant attendu. L’eldorado de ce trafic n‘étant autre que Hong Kong, l’ex-colonie britannique. La bas, de nombreux laboratoires proposent leurs services via les réseaux sociaux, pourtant surveillés comme le lait au feu par Pékin.
La Chine s’est longtemps adonnée à l’avortement sélectif avec une préférence des parents presque convulsive pour les garçons, le choix pour les filles étant très souvent rare. Le résultat de cette préférence aux garçons se ressent sur la démographie du pays, avec aujourd’hui 31,6 millions d’hommes de plus que de femmes. En 2018, la Chine enregistrait 115 naissances de garçons pour 100, côté filles.
La politique de l’enfant unique, imposée par Pékin en 1979 dans le but de limiter l’affolante démographie du pays, a été assouplie en 2016. Désormais, chaque couple chinois peut avoir deux enfants.
Mais cette décision soulève un autre problème, celui du sexe de l’enfant. La volonté d’avoir un garçon dans le pays est surtout exacerbée lorsque l’on a comme premier enfant une fille. Ce qui pousse les parents, conscients de n’avoir droit qu‘à deux enfants au maximum, a recourir à l’avortement sélectif afin d‘éviter de se retrouver avec deux filles. Pour contourner une telle situation, les parents qui en ont la possibilité et les moyens foncent sans tarder vers Hong Kong, la mégalopole chinoise n‘étant pas touchée par l’interdiction qui a cours en Chine continentale.
Un journaliste de l’AFP (Agence France Presse, NDLR) a joué le jeu, se faisant passer pour un client désireux de connaître le sexe de son enfant à naître. Après avoir contacté trois agents en Chine, il s’est vu proposer des rendez-vous par ces derniers. A la clé, le transport d’un échantillon de sang vers Hong Kong moyennant 580 dollars.
Des agents efficaces, des enfants impliqués dans le trafic
Le deal se passe de manière relativement simple ; vous versez un acompte, un coursier vous remet ensuite un kit d’analyse. Des agents vont même jusqu‘à ‘‘numériser’‘ leur affaire, en vous proposant une application mobile qui vous permet de recevoir chez vous une infirmière, qui procède à la prise de sang à domicile.
Après cette étape, vous n’avez plus qu‘à envoyer votre échantillon à Shenzhen (sud). Vient ensuite le tour des trafiquants, qui le font entrer illégalement à Hong Kong. Le reste se fera de façon légale, puisque l’interdiction s’arrête aux portes de l’ancienne colonie britannique.
Aucun des agents n’a dit au journaliste de l’AFP comment les échantillons parviennent à passer la frontière, se contentant de lui signifier qu’ils (les échantillons) font le voyage jusqu‘à destinations sans encombre. L’un de ces agents confie : “Il (l‘échantillon) va être emmené au laboratoire dans un véhicule dédié. Les échantillons peuvent en toute sécurité être adressés pour analyse, tout ira bien.” Non sans promettre le résultat dans les 24 heures à venir.
L’on a cependant une idée de la manière dont les échantillons se retrouvent à Hong Kong. En février de cette année, une petite fille de 12 ans a été arrêtée. Elle avait en sa possession… 142 flacons contenant chacun un échantillon de sang de femme enceinte. La petite fille portait le tout dans son sac à dos.
Les choses ne se passent pas aussi facilement à Hong Kong. En effet, les laboratoires qui pratiquent ce type d’activité risquent de perdre leur agrément dans la mesure où les règlements locaux interdisent les analyses de sang sans l’ordonnance d’un médecin local. Si le sang importé est soupçonné de contenir des agents infectieux, son transport vers Hong Kong est stoppé. De plus, il est impératif de se munir d’un permis spécial afin de transporter des échantillons sanguins hors de la Chine continentale.
Mais toutes ces dispositions pèsent peu. Le trafic se déroule à grands coups d’argent et la demande est toujours aussi forte. Kwok Ka-ki est député hongkongais et médecin de formation. Il prône une coopération entre Pékin et Hong Kong pour lutter contre ce trafic :
‘‘D’un point de vue éthique, c’est totalement inacceptable, car cela contribue à encourager les avortements sélectifs. Les avortements sélectifs sont responsables de nombreuses tragédies en Chine et d’un déséquilibre de la population. Comment peut-on cautionner (cela) ?”
Avorter si l’enfant attendu est une fille
Certaines Chinoises coupent court, en sen rendant elles-mêmes à Hong Kong pour l’analyse de leur échantillon sanguin. Un homme de 39 ans, prétendant se nommer Wang, explique sa situation : “J’ai déjà trois filles. Honnêtement, je veux un garçon.”
Wang s’est rendu avec son épouse à Hong Kong, dans un laboratoire non loin du quartier de Kowloon pour des analyses sanguines de sa femme. Wang, qui a dépassé la limite légale du nombre d’enfants en Chine, a agi comme de nombreux Chinois qui outrepassent cette loi en s’appuyant sur l’argent ou les relations.
L’homme avoue que dans son pays, les pressions familiales sont omniprésentes lorsque le désir d’avoir un garçon comme héritier se fait sentir. Pour avoir enfin un garçon, il est venu avec sa femme de sa lointaine province de Guizhou (sud).
“Les Chinois veulent toujours un garçon pour perpétuer la lignée. C’est archaïque, mais beaucoup de gens pensent comme ça. Elle (la femme de Wang) n’est enceinte que d’une cinquantaine de jours, donc, ça peut se régler avec des médicaments.”
En clair, si l‘épouse de Wang est enceinte d’une fille, le couple choisira l’avortement pur et simple. C’est souvent ainsi que les choses se passent en Chine.
L’analyse sanguine des femmes enceintes est apparue aux alentours de 2009-2010. Ce processus révolutionnaire consiste en l’analyse des cellules fœtales prélevées dans le sang maternel. Il permet, par le canal de l’analyse de fragments d’ADN du fœtus, de connaître le sexe du fœtus à partir de sa sixième semaine. Ce qui fait prendre une bonne longueur d’avance sur l‘échographie.
Ce type d’analyse sanguine a aussi un autre avantage ; il permet de détecter d‘éventuelles anomalies chromosomiques, comme la trisomie 21. Cela évite de passer par la technique très contraignante de l’aiguille afin de prélever du liquide amniotique. Technique qui peut entraîner une fausse-couche.
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