Venezuela
Le Venezuela fait la Une de l’actualité pour sa crise économique et social d’envergure. Mais il figure aussi parmi les plus touchés par la violence dans le monde. Dans ce pays d’Amérique latine, trois personnes sont tuées de manière violente chaque heure. Les détails.
Les chiffres fournis par l’ONG Observatoire vénézuélien de la violence (OVV) sont déroutants ; 26.000 meurtres commis en 2017, l‘équivalent de 89 assassinats pour 1.000 Vénézuéliens. Ce chiffre est quinze fois supérieur à celui de la moyenne mondiale. Les cas de violences, surtout urbaines, sont donc légion dans ce pays.
Yamileth Marcano, une institutrice de 46 ans qui vit à Caracas la capitale, en sait quelque chose. En 2016, son frère Willis a été tué… à coups de poing par un jeune homme de seulement 19 ans. L’agresseur visait le smartphone de l’infortuné.
“Combien valait sa vie ? Le prix d’un téléphone ? Chaque fois que j’entends qu’un autre foyer est en deuil (pour une histoire similaire), les souvenirs remontent”, dit-elle.
Et les malheurs ne se sont pas arrêtés là pour l’enseignante. Son fils a dû quitter ses études universitaires pour se retrouver en Italie en compagnie de son père. Yamileth et son fils ont été agressés par deux gangsters. Ces derniers leur ont pointé leurs pistolets sur la tempe pour leur prendre le téléphone du fils, qui était au volant de sa voiture.
Yamileth reste traumatisée par toute cette violence : “je criais comme une folle : ‘donne-le leur!’ L’image de mon frère m’est revenue. L’insécurité tue les jeunes et les vieux. Tout le monde est exposé. On te vole dans la rue, à la plage, au marché, à l’hôpital. C’est terrible de vivre comme ça !”
Compte tenu des braquages récurrents dans les rues vénézuéliennes, le smartphone reste bien caché dans les sacs ou reste à la maison. L’astuce consiste à ne sortir qu’avec son téléphone analogique (à touches).
‘‘Pana’‘, une application contre les agressions
Au Venezuela, le souvenir de Monica Spear est encore frais dans les esprits. Cette ancienne miss Venezuela et son mari ont été tués en 2014 par des voyous, lorsque que leur véhicule était tombé en panne et garé en bordure de route.
Suite à cette tragédie, une application a été créée et porte le nom de ‘‘Pana’‘, ce qui signifie ‘‘ami’‘ dans le langage de rue vénézuélien. ‘‘Pana’‘ permet aux automobilistes d’appeler de l’aide lorsqu’ils se retrouvent en danger sur les routes. C’est ainsi qu’une étudiante en médecine du nom de Carmen Garcia a reçu l’aide d’une équipe de six motards (lunettes noires, gilets fluorescents et communiquant par talkies-walkies), après avoir utilisé l’application. L‘étudiante était elle aussi tombée en panne sur une route de Caracas.
Il n’a fallu que huit minutes aux agents pour débarquer sur les lieux après l’appel de la jeune femme, qui avait eu peur d‘être agressée et avait décidé de ce fait d’activer ‘‘Pana’‘. Les “agents d’accompagnement” (leur nom au Venezuela) l’ont escortée jusqu‘à un endroit jugé sûr.
Domingo Coronil, le directeur de ces agents : “nous tranquillisons les clients par téléphone, puis face à face. Le service est rapide, de confiance et simple. Tout le monde ne peut pas avoir une escorte ou une voiture blindée.”
La dernière réflexion de Coronil ramène à une autre réalité dans le pays ; les casses de véhicules sont souvent déplorées. Julio Cesar Perez est le gérant de la société Blindacars Express, spécialisée (comme son nom pourrait l’indiquer) dans le blindage de véhicules. Il livre à un de ses clients une camionnette au revêtement ‘‘anticasse’‘, installé sur les vitres.
Se déplacer en véhicule blindé, des noctambules de plus en plus rares
“De plus en plus de gens ont recours à ce service. Les délinquants ne font pas de différence entre les classes sociales. On a ici des véhicules de toutes les gammes”, explique le gérant.
Les voleurs ne manquent pas d’imagination au Venezuela. Ils caillassent les véhiculent qui ont le malheur de se retrouver sur leur chemin, ce qui force les occupants (de ces véhicules) à en sortir. Une fois que cela est fait, ils se font dépouiller de leurs biens, voire, kidnapper.
C’est pour cette raison que le propriétaire des deux camionnettes (qui veut rester anonyme) a fait appel à Blindacars Express. L’une des camionnettes étant pour son usage personnel et l’autre, pour son épouse et son fils. Quittant souvent la capitale dans le cadre de ses voyages, le propriétaire des deux véhicules compte ainsi parer à l’assaut des voyous, qui ne manquent pas sur les routes à la sortie de Caracas.
“Il se passe des choses horribles. L’insécurité a considérablement empiré. Avant, seuls les personnels diplomatiques avaient des voitures blindées. Mais au Venezuela, nous les citoyens lambdas, nous affrontons le même problème”, explique le propriétaire des camionnettes, commerçant de son Etat.
A la tombée de la nuit, les rues de Caracas et des autres villes vénézuéliennes se vident de leurs occupants, personne ne voulant faire les frais de la furia des gangs. Et pourtant, les nuits du pays étaient bien vivantes avant.
Adrialis Barrios, 23 ans, employée dans la communication : “ma vie nocturne s’est totalement arrêtée. Avant, je sortais tous les week-ends, mais maintenant quasiment plus. Dès que je sors de chez moi, je me sens en danger. Si je vais en discothèque, je paye un ami pour qu’il m’amène, je ne fais pas confiance aux taxis.”
Pour faire la fête, les Vénézuéliens se retrouvent entre eux, chez des amis. Cela revient non seulement moins cher, mais en plus, c’est plus sécurisant. Pour les téméraires qui sortent faire la fête la nuit, ils sont obligés d’attendre que le jour se lève avant de pouvoir rentrer chez eux.
Même les aéroports sont des lieux à risque dans le pays. Vols et assassinats y sont souvent perpétrés. La plupart des compagnies aériennes étrangères ont même formellement interdit à leurs personnels d’y passer la nuit.
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