Ethiopie
L'Union africaine (UA) s'est inquiétée mercredi de la récente "escalade" militaire à la frontière entre le Soudan et l'Ethiopie, dont le Premier ministre Abiy Ahmed a appelé les deux pays "à garder leurs nerfs".
Lundi, Khartoum a accusé l'armée éthiopienne d'avoir exécuté en territoire éthiopien sept soldats et un civil soudanais faits prisonniers en territoire soudanais, dans la zone frontalière d'Al-Fashaga contestée entre les deux pays.
L'armée soudanaise a publié mercredi les noms, grades et photos des sept militaires.
Côté éthiopien, gouvernement et armée ont démenti, accusant au contraire des soldats soudanais d'avoir déclenché, en pénétrant en territoire éthiopien, un accrochage avec une milice locale, meurtrier des deux côtés.
Le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, "suit avec une profonde inquiétude l'escalade de la tension militaire" entre l'Ethiopie et le Soudan "et regrette profondément les pertes en vies humaines à leur frontière commune", indique l'UA.
Il "appelle les deux pays à s'abstenir de toute action militaire qu'elle qu'en soit l'origine et les appelle à dialoguer pour résoudre tout différend".
Le secrétaire exécutif de l'Autorité intergouvernementale pour le Développement (Igad), organisation régionale est-africaine, a également dit "sa profonde inquiétude" concernant cette récente escalade.
Workneh Gebeyehu "appelle les deux pays frères à un maximum de retenue et à éviter toute action pouvant aggraver les tensions".
"Acte perfide"
Mercredi soir, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a appelé son pays et le Soudan à "garder leurs nerfs" et à "faire preuve de retenue".
"Les peuples soudanais et éthiopiens sont frères. Il ne fait aucun doute qu'il y a de multiples problèmes entre le Soudan et l'Ethiopie" mais "il ne devrait pas y avoir d'hostilités entre nous", a-t-il estimé dans un communiqué en arabe, langue officielle au Soudan.
Terre fertile où des cultivateurs éthiopiens sont installés depuis des décennies aux termes d'un modus vivendi entre Addis Abeba et Khartoum, la zone frontalière d'Al-Fashaga est devenue le théâtre d'accrochages militaires réguliers, parfois mortels.
Ils se sont intensifiés depuis que les troupes soudanaises s'y sont déployées dans la foulée du déclenchement en novembre 2020 de la guerre entre le gouvernement éthiopien et les autorités du Tigré, région frontalière du Soudan.
Depuis lundi, le ton est monté entre Khartoum et Addis Abeba qui ne sont jamais parvenus à un accord sur le tracé de leur frontière et s'opposent en outre depuis plus de dix ans au sujet du Grand barrage de la Renaissance (Gerd) construit par l'Ethiopie sur le Nil-Bleu, en amont du Soudan et de l'Egypte.
Malgré les démentis éthiopiens aux accusations soudanaises, le Soudan a rappelé lundi son ambassadeur à Addis Abeba et convoqué l'ambassadeur éthiopien.
L'armée soudanaise, au pouvoir dans le pays depuis un putsch en octobre 2021, a prévenu que cet "acte perfide ne passerait pas".
Lundi, le chef de l'armée et homme fort du Soudan, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est rendu à Al-Fashaga et a pressé ses soldats "d'empêcher tout nouveau mouvement ou violation du droit du sol soudanais ou de ses ressortissants".
De son côté, l'armée éthiopienne s'est dite mardi prête à "chasser" les militaires soudanais des terres éthiopiennes "saisies par la force".
Démentis
Mercredi, des responsables soudanais et éthiopien ont toutefois démenti à l'AFP les informations de presse publiées la veille, affirmant que l'armée soudanaise avait attaqué des soldats éthiopiens dans la zone d'Al-Fashaga.
"C'est faux" et "c'est de la désinformation", a assuré un responsable éthiopien ayant requis l'anonymat.
"Nous n'avons attaqué personne, nous ne le ferons pas et nous ne prévoyons pas de le faire, mais nous ne laisserons aucune force armée d'aucun pays franchir notre frontière", a de son côté déclaré un porte-parole de l'armée soudanaise, Nabil Abdalla.
Si les observateurs estiment improbable un conflit entre les deux pays, certains redoutent un possible dérapage aux conséquences potentiellement dévastatrices.
"Aucune des deux parties ne cherche la guerre mais un accident ou une erreur pourraient aggraver les hostilités" et y entraîner "des alliés régionaux, déstabilisant un peu plus la Corne de l'Afrique", écrivait récemment l'International Crisis Group (ICG).
Selon Ben Hunter, analyste Afrique à l'institut d'évaluation des risques Verisk MapleCroft, "les accrochages sporadiques comme ceux-là permettent aux deux régimes d'attirer les sentiments nationalistes", mais "ni le Soudan, ni l'Ethiopie ne peuvent se permettre une guerre".
Toutefois, "bien qu'improbable, une escalade accidentelle vers une guerre Soudan-Ethiopie serait un scénario cauchemardesque pour la Corne de l'Afrique" et "déstabiliserait rapidement la région entière", prévient-il.
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