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Covid-19 : immobilité forcée pour les trains sud-africains

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MICHELE SPATARI / AFP

Afrique du Sud

Tout frais sortis de l'usine, des dizaines de trains rutilants attendent dans un entrepôt de Pretoria d'être enfin mis sur les rails. Câbles arrachés, gares dépouillées, les chemins de fer sud-africains ont été pillés pendant le confinement, mettant une bonne part du trafic urbain à l'arrêt.

Dans l'énorme usine Gibela (Monte à bord, en zoulou, une des onze langues officielles sud-africaines) installée sur d'anciens champs de maïs dans la petite ville de Nigel, à 50km à l'est de Johannesburg, des ouvrier noirs pour la plupart s'activent à fabriquer de toutes pièces les "trains du peuple" pendulaires, dernier cri, tout confort, avec wifi.

Cette méga usine est promise à un grand avenir : 600 rames, soit 3 600 voitures, doivent sortir de ses entrailles d'ici 2030 et faire d'elle la fabrique de trains la plus rapide au monde, avance fièrement la branche du constructeur français Alstom en Afrique australe.

Née d'un consortium entre l'entreprise sud-africaine Ubumbano Rail et le numéro 2 mondial du rail, l'usine a un contrat exclusif de 2,8 milliards d'euros avec la société publique des chemins de fer sud-africaine (Prasa) et représente un des plus gros investissements en Afrique du Sud depuis la fin de l'apartheid.

Mais à travers le pays, qui s'est lancé dans un ambitieux plan de modernisation du réseau, de Johannesburg à Pretoria jusqu'au Cap, le vide créé par le confinement, un des plus stricts du monde imposé en avril pour lutter contre la pandémie de Covid-19, a laissé le champ libre aux vols à grande échelle.

Zone de guerre

Dans le township de Langa près du Cap, certains ont fini par élire domicile sur les voies ferrées désertées, où ont commencé à pousser des petites cabanes en tôle. A Kliptown, un des quartiers historiques de Soweto, la gare qui brasse habituellement des dizaines de milliers de travailleurs chaque jour n'est plus qu'une carcasse vide: toits, portes, fenêtres, tout a été emporté. Même des briques des murs ont été enlevées au burin.

Et certains habitants en profitent pour détourner illégalement l'électricité des stations désaffectées vers leurs maisons. "C'est comme si une bombe atomique avait été larguée ici", déplore George Mohlala, 37 ans, un des représentants de la communauté locale. "Une zone de guerre", poursuit-il, en slalomant entre les trous creusés sur les quais pour extraire les câbles de cuivre. Ne restent que les pièces trop lourdes pour être emportées, montre-t-il, en désignant des morceaux rouillés de voies ferrées envahies par les mauvaises herbes.

Selon la Prasa, plus de 80 % des gares ont été ravagées pendant que le pays luttait contre la pandémie, les dégâts se comptent en milliards de rands (plusieurs dizaines à plusieurs centaines de millions d'euros). Le pillage des infrastructures ferroviaires n'est pas nouveau en Afrique du Sud, mais là, il a atteint des sommets.

Le bazar

Coincé pendant plusieurs heures dans un train bloqué par le vol de câbles, le président Cyril Ramaphosa avait déjà qualifié le phénomène de "criminalité économique". Zodwa Mangena, 40 ans, a pris le train pour la dernière fois il y a un an. "C'est le bazar", peste la vendeuse, obligée de voyager en minibus taxi. "C'est cher", déplore-t-elle. "Nous aurions dû faire quelque chose pour empêcher ça", reconnaît auprès de l'AFP le président de la Prasa, Leonard Mamatlakane. Mais personne ne l'avait vu venir...

Sans rails, sans station ni signalisation, comment vont rouler les trains bleus et blancs flambant neufs d'Alstom ? "Nous allons nous déployer partout", a assuré à l'AFP le ministre des transport Fikile Mbalula. "Nous réparons les infrastructures qui ont été vandalisées".

La semaine dernière, le ministre a lancé un programme de recrutement d'agents de sécurité ferroviaire, auprès des habitants proches des gares. Et le gouvernement a déjà expédié seize rames au Cap et à Durban, sur la cinquantaine produites depuis 2018. "Nous ne fabriquons pas des trains pour en faire des oeuvres d'art. Ils ne sont pas faits pour être stockés ou finir dans un musée", martèle le PDG de Gibela, Hector Danisa.

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