Inspire middle east
Dans l’édition de cette semaine, Inspire Middle East vous de plonger dans les entrailles de notre belle planète et d’examiner l’état de santé des eaux de la région.
- Entretien avec Jean-Michel Cousteau, le fils du très célèbre océanographe et défenseur des Océans Jacques-Yves Coustau.
- Jordanie : immersion en mer Rouge pour découvrir des coraux qui résistent au réchauffement climatique.
Jean-Michel Coustau : « Il n’est jamais trop tard »
Il étudie les océans du monde entier depuis des dizaines d’années. Nous avons rencontré l’explorateur français Jean-Michel Cousteau. Il avait fait une escale dans les Émirats arabes unis afin de sensibiliser la population sur la manière de mieux protéger les eaux environnantes.
“Nous sommes ici seulement en tant que visiteurs et si vous protégez l’océan, vous vous protégez vous-même”. Ce sont les mots d’un homme qui a consacré sa vie à la protection des eaux qui composent plus de 70% de la planète Terre.
L’aventure aquatique de Jean-Michel a débuté quand il avait sept ans. Équipé d’un scaphandre autonome, il a été “jeté” par-dessus bord par son père, Jacques-Yves Coustau, ancien officier de la Marine française devenu explorateur et pionnier de l’exploration sous-marine. Le parcours de Jean-Michel était donc un peu inévitable.
Le cinéaste écologiste Jean-Michel Coustau a plus de 80 films et documentaires à son actif. Tous abordent le thème de la protection des mers et des océans.
Actuellement, il explore la manière dont les stations balnéaires pourraient minimiser leur impact sur l’environnement.
Amoureux de animaux, il milite notamment pour la libération d’orques et bélugas détenus depuis plusieurs mois dans l’Extrême-Orient russe, dans la “prison des baleines”.
Et quand il ne fait pas pression sur les décideurs politiques pour l’adoption de lois de préservation plus strictes, Jean-Michel Coustau échange avec les enfants dans le cadre d’Ocean Futures Society. Il a créé cette association à but non lucratif en 1999 pour donner, dit-il, “une voix à la mer“et pour alerter sur la pollution et le changement climatique qui menacent toujours davantage les fragiles écosystèmes aquatiques.
Rebecca McLauhlin-Eastham, euronews : Nous sommes ici sur la côte du Golfe Persique. Je suis intriguée de savoir ce que vous pensez de actions de conservation marines menées ici ? Auriez-vous fait certaines choses différemment ?
Jean-Michel Coustau : Il y a beaucoup de problèmes, en particulier d‘émissions de CO2. C’est un souci car cela contribue au réchauffement de l’océan. Et si ce dernier se réchauffe, il se soulève. En raison de l’énergie engendrée par une température plus élevée, les tempêtes et les ouragans sont plus forts. Il faut ajouter à cela une acidification des océans qui met la nature à rude épreuve. Dans certaines zones, 25 à 50% des récifs coralliens sont morts.
Le sujet est sensible n’est-ce-pas ? Dans tous les pays que vous visitez, vous ne pouvez pas être vu comme celui qui critique ses hôtes en essayant de les éclairer sur leur empreinte environnementale. Comment abordez- vous la question ?
J’ai beaucoup appris de mon père : Ne jamais critiquer ni pointer du doigt, car quand vous le faites, vous prenez le risque qu’on vous critique vous aussi. Il faut plutôt essayer d’avoir l’opportunité de rencontrer du monde pour pouvoir atteindre le cœur de chacun.
Au fil des ans, vous avez appelé de nombreux pays à faire davantage pour protéger les océans. Mais, en ce qui concerne le G7, que pourriez-vous dire aux Etats-Unis et au Japon pour les convaincre de signer la charte anti-plastique, par exemple ?
C’est le moment idéal, dans notre histoire, pour nous réveiller et faire ce que nous avons à faire. Il y a une chose : nous parlons toujours de plastiques. Bien sûr, c’est un gros problème, mais qu’en est-il de ce que nous ne voyons pas ? Il y a aussi des centaines de produits chimiques différents. Prenez par exemple un cachet d’aspirine qui, espérons-le, soulagera votre mal de tête. Où va ce produit chimique ? Droit dans l’océan. Je l’ai testé avec 32 types de produits chimiques et 2 types de métaux lourds. Notre mauvaise gestion des ressources nous affecte mais nous avons d’énormes possibilités pour lutter contre ce trop-plein. En procédant de la sorte nous pouvons aussi faire des économies car il n’y a pas de gaspillage dans la nature, tout est une ressource.
Les produits pharmaceutiques devraient-ils être taxés davantage ? doit-il y avoir des amendes pour pollution ? Vous connaissez bien la situation mondiale, peut-on arrêter cela ou est-ce déjà trop tard ?
Il n’est jamais trop tard. Ce que nous pouvons faire, c’est changer notre approche. Nous devons bien comprendre que nous ne pouvons prendre qu’une petite partie de ce que la nature peut produire. C’est valable pour les plantes, les animaux, dans les océans comme sur terre.
Certains membres de votre famille vont-ils reprendre le flambeau et continuer le travail que votre père et vous avez commencé ?
Mes enfants, mon fils et ma fille, sont dans la même dynamique et veulent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger la planète. Ma fille, par exemple, a accouché dans l’eau.
Dans les années 1960, votre père était impliqué dans des projets de développement de maisons sous la mer. Aujourd’hui, nous n’en entendons plus vraiment parler. Pensez-vous qu’un tel projet pourrait aboutir ?
Mon père songeait effectivement à faire cela. A Marseille, il avait une structure installée à 10 mètres de profondeur dans laquelle deux personnes vivaient. J’ai découvert que l’espèce humaine n‘était pas faite pour vivre sous l’eau. Nous avons besoin du soleil, du vent, de l’air que nous respirons.
Vous parlez de votre père. Vous auriez quelques anecdotes à partager avec nous ?
Nous avions embarqué à bord d’un bateau à destination de New York. J’étais assis à côté de lui, plus près que vous et moi en ce moment. Il parlait et j’apprenais, je l’écoutais. À un moment donné, il s’est arrêté, il regardé et m’a dit : « Jean Michel, c’est toi qui portera la flamme de ma foi ». Ses mots ont eu un impact sur le reste de ma vie.
Avez-vous dit la même chose à votre fils ?
Je le dis différemment.
Les récifs coralliens, trésor du golfe d’Aqaba
Nous prenons la direction de la Jordanie et ses récifs coralliens réputés pour leur résistance face au réchauffement climatique, au tourisme et à la pêche.
Rosie Lyse-Thomson nous en dit plus sur les actions écologiques mises en place pour protéger la vie marine dans le golfe d’Aqaba.
Le sud jordanien abrite des jardins sous-marins spectaculaires où évoluent des espèces fascinantes.
Au cœur de ce petit paradis, le corail, un animal marin qui vit en petites colonies et abrite 25% de la vie marine de notre planète.
Rosie-Lyse Thompson, euronews : C’est incroyable ! Ces coraux sont une vraie bouffée d’oxygène. La diversité des espèces indique que cet écosystème est en bonne santé.
Pourtant, dans le monde entier, les coraux meurent à un rythme inquiétant. La surpêche, la pollution et en particulier le réchauffement climatique ont entraîné la disparition de la moitié des récifs coralliens de la planète. Si cela se poursuit, l’impact sur le monde sous-marin sera catastrophique, non seulement pour les océans mais aussi pour notre terre. La moitié de l’air que nous respirons provenant des océans et des récifs coralliens.
Mais, il reste de l’espoir. En Jordanie, des scientifiques ont découvert que les coraux du golfe d’Aqaba résistaient à la hausse de la température de l’eau. La raison exacte reste inconnue, mais il se pourraient que les créatures auraient évolué au cours de la dernière période glaciaire, il y a plus de 20 000 ans.
Le docteur Fuad Al-Horani, spécialiste du monde marin, espère que ces espèces seront peut-être un jour la clé pour repeupler les récifs coralliens mourants dans le monde.
“Il existe des techniques et un savoir-faire. Nous pouvons propager des coraux et faire en sorte de les acclimater à l’environnement d’autres mers. Une fois cultivés, nous les envoyons à l‘étranger, où on les fait pousser dans des zones détériorées ou au milieu de récifs endommagées”, explique-t-il.
Les coraux d’Aqaba restent cependant en danger. Le développement d’infrastructures côtières et la pollution menacent leur survie.
Le port d’Aqaba est le seul débouché maritime du Royaume. La côte du littoral est donc vitale pour le commerce et les échanges, mais elle est aussi un pôle touristique majeur. Environ cent mille touristes ont visité Aqaba l’année dernière.
Face à l’expansion du tourisme, le gouvernement jordanien, avec l’aide de l’Onu, s’emploie à sauver Le récif corallien du golfe d’Aqaba.
Les coraux sont placés dans des paniers, puis transportés à quelques kilomètres de la côte afin d’être replantés.
“C’est un gros succès. Nous avons atteint un taux de croissance de plus de 80, voire 85%, ce qui est, je dirais, unique, car généralement, le taux de croissance moyen après transfert et transplantation est d’environ 65 %”, dit Nedal Al Ouran, du Programme des Nations unies pour le développement.
Mais les éco-plongeurs Abdullah et Omar estiment qu’il reste encore beaucoup à faire. Les deux frères ont peur qu’un développement accru du tourisme continue de menacer les récifs.
“Ici à Aqaba, notre plus gros problème c’est l’être humain qui fait du mal au milieu marin. Je pense que le gouvernement doit faire appliquer la loi, créer plus de programmes de sensibilisation et faire plus d’efforts pour protéger la vie marine et sauver ce qu’il en reste”, estime Abdullah Al Momany.
Alors que le corail est menacé à l’échelle mondiale, les coraux résistants d’Aqaba sont source d’espoir dans le mécanisme de préservation. Il est vital de les protéger.
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