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Abdelaziz Bouteflika : de faiseur de paix à ennemi public n°1

Algérie

La balance s’est inclinée en défaveur d’Abdelaziz Bouteflika. L’homme d’Etat algérien qui, il y a quelques années encore, était salué pour sa contribution à la paix dans son pays et dans le monde. Ce mardi ce 2 avril, il a finalement rendu sa démission à l’issue d’une rude bataille qui l’opposait à son peuple.

Il s’est battu pour libérer l’Algérie du colonisateur français, il a réconcilié son pays ravagé par la guerre et a joué les fins négociateurs avec un « terroriste »… Mais Abdelaziz Bouteflika n’a pas pu surmonter le mécontentement de son peuple, vent débout contre son régime depuis près de six semaines. La ruse politique que l’on lui connaissait n’a rien pu faire. À 82 ans, diminué par un accident cardio vasculaire survenu en 2013 et pris dans l‘étau d’une guerre de clans dans son entourage, le dirigeant n’a visiblement pas vu arriver la météorite populaire. Pis, il l’a même négligée, à en croire les analystes politiques.

Celui qu’on surnomme Boutef vivait sans doute dans le souvenir de son glorieux passé, lorsqu’il était applaudi de tous pour son long combat politique. Dès 1956, en effet, il rejoint les rangs de l’Armée de libération nationale alors qu’il vient tout juste de terminer ses études secondaires. Il n’a que 19 ans. S’il n’a pas cédé aux sirènes des canons, Bouteflika met toutefois au service de la guerre d’indépendance son talent d’homme politique et d’organisateur habile.

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À l’obtention de l’indépendance en 1962, ces aptitudes le propulse dans les sommets de l’appareil d’Etat. En 1963, à 26 ans, il devient notamment le ministre des Affaires étrangères de son pays et le plus jeune à cette fonction dans le monde. Débuts haletants, parfois moqués, le nouveau chef de la diplomatie algérienne apprend vite le métier, jusqu‘à en écrire ses lettres de noblesse. On se souvient sans doute de sa négociation jugée magistrale avec le preneur d’otages Ilich Ramirez Sanchez, plus connu sous le nom de Carlos. Ce dernier avait kidnappé, en décembre 1975, de nombreux otages, dont onze ministres du Pétrole, lors d’une réunion au siège de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep), à Vienne.

Chantre d’une Algérie progressiste, Abdelaziz Bouteflika est aussi l’incarnation d’un révolutionnaire tiers-mondiste. Adepte d’une diplomatie neutre, mais active, il tient tête aux Etats-Unis au plus fort de la Guerre froide, dénonce le régime de l’apartheid en Afrique du Sud, joue un rôle de premier plan dans la quête d’indépendance des pays en voie de développement.

Mais les années 80 et 90 vont s’avérer une véritable montagne russe pour le sulfureux chef de la diplomatie algérienne, surtout après le décès du président Houari Boumediène le 27 décembre 1978 dont il avait été le fidèle allié. Un temps boudé par son parti, le Front de libération nationale, Bouteflika qu’on considérait pourtant comme le dauphin naturel du président Boumédiène n’accède pour la première fois au pouvoir que le 27 avril 1999. Remis en selle par les militaires de son pays.

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Là encore, le diplomate doit réaliser des prouesses, car l’Algérie sort d’une des périodes les plus sombres de son histoire : la guerre civile née d’une insurrection islamiste qui a fait des dizaines de milliers de morts dès 1991. Dans un pays dévasté par les meurtres et la méfiance entre ses habitants, le dirigeant parvient à rétablir la stabilité en accordant entre autres le pardon aux islamistes frondeurs. Mais aussi à éloigner des frontières algériennes la menace « terroriste » alors que l’insurrection islamiste s’est muée en un mouvement extrémiste à l‘échelle du Sahara.

Des réalisations qui semblent avoir relégué au second plan certaines des clauses de son “contrat” avec le peuple. La population, majoritairement jeune qui n’a pas forcément été témoin des années fastes, commence à s’agacer de la corruption ambiante et du taux élevé de chômage. Une situation aggravée par la chute des cours des prix de l’or noir que l‘économie algérienne, très dépendante des hydrocarbures, subit de plein fouet.

Au-delà des difficultés économiques, enfle surtout la frustration d’une population “humiliée” de l’image que renvoie de l’Algérie ce président mutique et paralysé. Expression de cette frustration, la vague de protestation inédite débutée il y a quasiment six semaines et qui a fini par emporter celui qui disait encore en 1999, lors de son accession au pouvoir : « Je suis l’Algérie toute entière, je suis l’incarnation du peuple algérien ».

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